Search Results
458 éléments trouvés pour « »
- AMNESIA SCANNER, ce monde cataclysmique qui est le notre.
Le très attendu premier album du duo finlandais Amnesia Scanner déboule et va être l'une des claques de la rentrée. Une claque tant sonore qu' artistique. Philosophique et politique? Aussi ! C 'était prévu, maintes fois ici je vous l' annonçait, et bien ils l'ont fait! Probablement l' une des formations électro expérimentale les plus pertinentes parmi les plus modernistes qui en même temps, avec "Another Life", va évoquer des chocs musicaux d' antan par ses effets sur votre cerveau. L' histoire avec eux semble être un éternel recommencement et pourtant, elle poursuit une course effrénée vers un inconnu dont les deux gars osent éhontément nous offrir des clés de secours. Si vous voulez savoir ce qu' à fait aux gens de l' époque de se prendre Cure ou Nirvana, le punk et l' indus, Salem ou Burial plus proche de nous en 2018, de ces disques terribles dans tous les sens du terme parce que définissant parfaitement leur époque et ses affres, c' est "Another Life" qu'il vous faudra affronter. Il y a longtemps que Ville Haimala et Martti Valliala squatent ce blog. Allez voir par là par exemple. Sinon que vous dire en guise de présentation rapide sur l' un des duos les plus essentiels pour comprendre notre présent musicale? Qu' il s' agit encore une fois dans ce blog de champions de la déconstruction de tout un pan du passé des musiques de club. De leur hybridation avec bien d' autres genre tel l' indus, la noise, le r'n'b etc etc. Des enfants crados de Jam City passés par le Club Janus ou des cousins éloignés européens des Oneohtrix Point Never et James Ferraro ricains. Mais plus encore. Depuis 2015 et le Ep inaugural "Angels Rig Hook" Amnesia Scanner par sa musique est l'une des formations qui brosse notre époque d'une manière les plus pertinentes. La schizophrénie de ce monde qui en veut toujours plus mais qui frôle de plus en plus le cataclysme climatique et politique trouve chez eux la meilleur des évocations. Les beats vous cognent littéralement la cervelle et des synthés poussés au maximum de leur possibilités vrillent ce qui en reste en plus de tous les autres organes de votre corps. Tout au long de "Another Life" comme à chacune de leurs sorties précédentes nous nous retrouvons face à la même chronique apocalyptique que nous déversent à profusions chaque jours les médias et les réseaux sociaux. Mais celle-là au lieu de donner la nausée et pousser au retranchement s' avère totalement jubilatoire et salvatrice. C 'est que chez Amnésia Scanner il y a de l' espoir voir même une solution musicale quand on daigne s' y plonger sans retenue. Ce n 'est pas du bruit moderniste TOC comme certains l' ont trop rapidement jugé. Cette solution, une parmi d' autres, n' a pas pour l'instant la majorité dans cet univers où le vintage et la redite monopolise quasiment tout. Mais nous l' avons déjà croisé chez Oneohtrix Point Never, le post-dancefloor et surtout Holly Herndon qui avait collaboré avec les Amnésia sur un des titres de son gigantesque et révolutionnaire "Platform" . Pour eux comme les autres la technologie malgré certaines mauvaises utilisations peut encore redéfinir les conceptions de l' humanité en musique. Eux parlent d' Avant EDM. D 'autres avancent le terme de Noise ambigu et stroboscopique. C 'est la dernière définition qui a ma préférence mais il faut préciser en quoi leur musique semble vicieuse voir perverse. Amnesia Scanner, apparu à la même époque, ont des façons de faire très proches d' autres concepteurs sonores tel un Arca ou surtout Sophie et s' inscrivent donc dans la même lignée. Comme chez Sophie on retrouve les aspects les plus magnétiques et caricaturaux de la dance-pop commerciale mais façon punk et agressive. Toujours comme chez la producteur/trice écossaise leur musique est livrée via une cybernétique assumée et branleuse sans aucunes pudeurs tel les punks des temps anciens avec leurs guitares crado et pataudes après les belles manières prog et hippie. Encore une fois on se retrouve face à l'une des peintures les plus aboutis du climat sociopolitique contemporain. Tout/tous sont capable de chavirer dans un sens ou l' autre. D' un camp à l' autre. Et Amnésia Scanner de partir en quête du restant d' humanité dans les puces informatique afin de le situer. Il y a trop longtemps que les guitares ont cessé ces recherches se contentant de nous offrir des pastiches parfois sincères mais totalement inappropriés sauf pour certains artefacts à deux pattes perdus dans un passé chimérique. A grand coup de nu-métal, de touches électro-punk, de grime encore plus sale et vulgaire que l' original, ils nous livre une parfaite combinaison éclectique à mille-lieu des niches stylistique et des entourloupes en matière de de crossover faisandés. Une nouveauté apparaît dans cette album. Les Amnésia Scanner flirte encore plus éhontément avec l' ambiant. Pour les fans de la première heure ce n' est qu'une demie-surprise tant certaines senteurs dans leurs mixtapes et passages dans leurs singles pouvait l' évoquer. La noirceur gothique de l' ère glaciaire du début 80's se dévoile aussi par un aspect plus apaisé et semble être la seule et unique trace du passé réellement identifiable avec le titre "Chain" et ses manières très Cure période trilogie. Si nous ne savons toujours pas qui est Oracle et sa voix venue de nul-part tant les Amnesia poussent des limites rarement atteintes en matière de manipulations sonores, une bonne surprise pour les lecteurs du blog est la présence par deux fois de leur collègue du label PAN, Pan Daijing. Avec "Another Life" il est sûr que l' on n' a pas fini de débattre sur le cas Amnesia Scanner. Certes c' est un disque hautement clivant comme peuvent l' être ceux de Sophie ou Lotic mais également un disque au fort pouvoir éclairant sur certaines contradictions de notre monde comme celles de bon nombres d' auditeurs perdus dans le vintage. Un de ces disques qui peuvent changer le regard de l' auditeur jusqu'à créer dans son imaginaire de passionné une de ces bornes qu' il chérira longtemps.
- PROC FISKAL, grime moderne d' Ecosse * (*): Celle de Mogwai & Boards Of Canada of course.
L' an dernier l' Ecosse nous offrait une magnifique et prometteuse pépite électro en la personne de Lanark Artefax. Avec ce petit génie il était question d' une IDM remise au goût du jour sonnant réellement moderne et surtout pas vintage. En 2018 ce petit pays en superficie mais si gigantesque par sa musique remet ça en nous offrant un autre petit génie. Mais ce coup-ci pas d' IDM new look, quoique (on verra plus loin), mais un Grime instrumental lui aussi totalement revu et corrigé fruit de notre époque. Un Grime venu de si loin qu' il est susceptible de redéfinir les canons du genre. John Powers n' a pas 21 ans, nous vient d' Edimbourg et le moins que l'on puisse dire c' est qu'il a tout pour plaire à ce blog. Fan absolu de Grime il préfère néanmoins laisser de côté ses aspects bestiaux et percutants pour en délivrer une version plus légère et chaleureuse. Parfois perçu comme trop agressif et combatif le vieux machin se dévoile entre ses mains plus cordial, biscornue et épique. Un vieux genre subissant un si puissant relifting, on signe toujours par ici. Ses aspirations pour son Grime sont aussi un point qui évoquera bien des passions partagées ici. Sous le pseudo Proc Fiskal le jeune homme rend le grime plus cérébral et introspectif à mille lieu de la joute verbale et des bombages de torses d' autrefois devenus si caricaturaux avec le temps. Purement instrumentale (c' est à dire sans MC), sa démarche n' est pas sans rappeler celle de certains autres génies tant adorés par ici. Si on en est loin par certains aspect le grime de Powers s' inscrit dans une lignée parallèle du Weightless de squatteurs du blog, les Logos, Mumdance, Rabit, Mr Mitch, Visionnist, Raime tout récemment et la dernière révélation du genre en date, Chevel. Si la clique et les proches de Differents Records n'ont eut de cesse de creuser le sillon dystopique du Grime en raréfiant les beat et en rendant les sons et la production fantomatiques, l' écossais quant à lui passe par une toute autre technique mais atteint lui aussi une sorte de rapprochement par instant avec l' ambient à travers la notion de paysage sonore éloignée du grime originel. Là où l' univers d' un Logos évoque l' espace et la science fiction celui de Powers pourrait s' apparenter à la BO d' une film fantastique limite baroque. Comment s' y prend alors le jeunot pour la rénovation du Grime? Surtout si on rajoute qu' il use et abuse de sample évoquant une certaine nostalgie car provenant des jeux vidéos 16 & 8 Bits encore plus vieux que le Grime lui-même. Nostalgie encore plus accrue car ces bipp sonnent franchement comme des rappels à l' oeuvre du roi Aphex Twin. Je vous l' avais dit plus haut, de l' IDM il en est tout de même un peu question comme chez Artefax. Quel est sa recette? Et bien c' est très simple, surtout si vous êtes un lecteurs fidèle de ce blog. Le gamin brille par ses étonnantes trouvailles rythmiques qui bousculent le classicisme Grime. Enfin étonnantes pas tant que ça car si on veut mieux comprendre il faut s' attarder sur les BPM. Dizzy Rascal et compagnie les avaient poussé à 140, Proc Fiskal/Powers les booste à 160. Et 160 BPM avec une rythmique jouant sur la polyrythmie et la surprise ça ne vous rappelle rien? Le Footwork bien sûr ! Powers est aussi un fan de RP Boo. L' inventeur du dérivé de Juke auquel j' ai consacré encore récemment un top. Cette accélération du rythme et les trouvailles en provenance de Chicago sont bien les clés qui lui ont permis de changer le sens de la cinétique grime. Il y avait bien un risque à sonner trop vintage et de là à trop jouer sur la nostalgie des fans de Mario ou de Rascal et Aphex Twin mais l' écossais peut être roublard et Powels ne déroge pas à la règle. Question sample par exemple les 16 bits croisent les notifications des Smartphones et celles des réseaux sociaux. Ce qui nous amène à deux des principales raisons qui font de Proc Fiskal un projet moderne non nostalgique du passé musicale et donc encore une fois deux affinités fortes avec ce blog. D' abord le sujet dont il traite à travers un Grime mutant. Le monde numérique qui est le notre. De son influence émotionnel et ses manipulations. Powels nous parle du même monde qu' un James Ferraro ou Oneohtrix Point Never. Ensuite, l' autre affinité, c' est dans ses interviews qu' elle se dévoile : "Je pense que la nostalgie nous tue tous" Et oui, le mioche n' aime pas ce qui radote en musique. Pas plus qu' il n' est aveugle et passif face aux dangers et manipulations numériques du présent. Il est malin et use d' une stratégie démoniaque pour faire fuire le chaland nostalgico-gaga tout en critiquant ce qui risque de dégénérer à l' avenir. Ni reclus dans le passé, ni dans la passivité du benêt. "Les sons des médias sociaux et des notifications sont conçus pour libérer de la sérotonine, ce que j' aimerai que ma musique fasse(...), en utilisant ces bruits manipulateurs de manière positive, j' aime à penser que je récupère le pouvoir de la manipulation" Ainsi il multiplie les informations les plus diverses et variées voire contradictoires en direction de l' auditeur afin de le perdre. Il entrechoque les époques et les souvenirs musicaux "pour foutre en l' air leur cerveau nostalgique". Le but est atteint largement. Qui aurait penser un jour tomber sur le croisement réussi entre le "i luv U" de Rascal, le reggaeton d' Equiknoxx et Ryuji Sakamoto comme c' est le cas sur "Dish Washing". Cerise sur le gâteau et dernière raison pour que DWTN adore ce mec, une raison un brin contradictoire en apparence puisqu' elle peut être affiliée à de la nostalgie doublement. Par ses emprunts à sa culture écossaise comme son folklore musical ou ses dialectes présent sur le disque ou ce goût affirmé pour une certaine mélancolie et tristesse, il se pose en successeur de gens un peu ou franchement éloignées stylistiquement, Boards Of Canada et ...Mogwai!!! Il les évoque. Il s' inscrit dans leur succession à eux aussi. Mais de la meilleur des manières. Celle d' un jeune écossais de 2018, lucide et bien dans son époque en cherchant à la décrire et nous avertir de ses dangers. Un jeune prodige suffisamment talentueux et original, mais aussi respectueux et fin connaisseur de ses anciens et du passé, afin de ne pas faire dans le recopiage stérile et nous offrir ainsi une de ces si rares mutations susceptibles de changer réellement la donne pour un bon moment.
- LAUREL HALO en mode minimaliste.
Laurel Halo sera à l' avenir considérée comme une artiste majeur, si ce n'est culte. C' est une évidence. Depuis ses débuts en 2011 elle nous a offert une carrière suffisament solide et enthousiasmante pour que sa côte d' amour auprès des fans de musique ne cesse de croître jusqu'à atteindre un statut d' icone voir d' intouchable. Un destin semblable dans la notoriété à celui d'un Arthur Russel si proche dans l' approche aquatique de la musique, l' aspect dramatique de la disparition précoce en moins. Halo n' a pas d' oeillères. Halo ne se repose jamais sur ses lauriers. Halo est en évolution et perpétuelle remise en question. Halo a un courage et un sens de l'intégrité artistique rares. Halo est incapable de faire dans la redite. Mais surtout elle est une magicienne. Comment surprendre à chaque fois? Comment refroidir ou bousculer l' auditeur puis le charmer irrémédiablement par ses sorties? Toujours être juste et autant aventureuse? Un an après "Dust" et sa pop étrange venue d'une planète lointaine à dominante aquatique où pouvait-elle encore aller? Dans quelle dimension seraient propulsés ses beats submergés, ses esquisses de voix ensorcelantes, et ses synthés décolorés mais toujours transcendants? Pour les retardataires revenons à cette putain de carrière qui peut servir de graal absolu pour quiconque veut échapper au ronronnement artistique et aux fatidiques niches stylistique provenant de la sénélités. Partie de l' expérimentation la plus pointue la voilà qui croise le chemin de deux génies, Daniel Lopatin et James Ferraro pour la collaboration FRKWYS Vol.7 en 2011. Fatalement elle plongera dans l' hypnagogic-pop et commencera ses aller-retours entre pop et avant-garde parfois difficile mais souvent en gardant comme fil d' Ariane ses aspirations ambients et son héritage familiale résumé dans une passion pour "TOUS" les jazz. Le très Oneohtrix Point Never "Antenna" tatera du New Age et de son électronique progressive. Avec le ep "King Félix" (son autre pseudo) elle offrira ses visions détonantes de la synth-pop et la dream-pop. "Le premier chef d' oeuvre, le ep "Hour Logic", dévoile la même année l' ouverture d' esprit gigantesque de la belle. Ce coup-ci c'est le dancefloor qu' elle fait muter. Les gènes de la techno, de la house, du breakbeat et même du footwork (l'une des premières à s'y attaquer), subissent une transformation digne des expérimentations nucléaires les plus sidérantes. "Behind the green door" remettra ça en 2012 quand "Quarantine" se teintera d' IDM pour propulser ses nouvelles envies pop dans un autre monde aquatique. Un an après c' est son amour irraisonnable pour tout ce qui touche à l' histoire techno de Detroit qui subira ses foudres de déconstruction et la rapprochera un temps d'un Lee Gamble. "In situ" en 2015 dévoile ses tentations microhouse et "Dust" avec sa petite consécration médiatique offrira pour très longtemps un disque exemplaire en matière de monumentalité et de richesse. En 2018 Halo opère encore un virage à 90° avec une réussite totale. Retour à une certaine abstraction et la pop disparaît au profit d' une expérimentation lorgnant sur l' électro-acoustique et même le glitch. Et bien accompagné qui plus est puisque l'on retrouve le violoncelliste Oliver Coates et le percussionniste Eli Vesyler. Dans "Raw Silk Uncut Wood" plus une seule trace de voix. Dans le premier titre du même nom que le disque ce sont deux seules notes d'un clavier qui nous guident pour ensuite nous abandonner dans un désert ténébreux. A l' autre bout c 'est une bande originale d' un film noir et horrifique qui nous cueille ("Nahbarkeit") tout en nous remémorant les récents travaux de Leyland Kirby acclamés par ici ("We, so tired of all the darkness in our lives"). Entre, on trouve un piano qui tangue dans une inquiétante obscurité jazzy ("Mercury"), on ausculte un autre piano jusqu' à ses entrailles puis une électronique glitch venue de nul-part nous hypnose. Selon Halo ce disque traite de la pleine conscience et c' est exactement de ça qu' il s' agit en terme de ressenti pour l' auditeur. Halo n' a pas son pareil pour l' amener à un degré d' attention d'une intensité rare. Il examine chaque son, la moindre variation ou apparition et disparition. Plusieurs écoutes et nous voici apte pour observer sur notre âme et notre corps les effets cachés de sons trop souvent noyés ou ignorés par ailleurs. Laurel Halo en à peine quarante minute nous éblouit encore une fois et sidère par sa vision intelligente et son art d' une immense originalité. L' américaine exilée à Berlin continue de tracer sa route et ainsi de devenir l'une des artiste phares de la décennie écoulée et ce pour un encore très grand nombre d' année.
- LOTIC, la confirmation.
C' était évident. Le premier album du résident Berlinois ne pouvait qu' être une gifle comme le fait que DWTN se jette dessus et ponde une chronique dythyrambique. Lotic revient sans cesse dans ce blog depuis 4 ans. Soit directement pour ses sorties discographiques (classées systématiquement) ou indirectement. En effet musicalement Lotic appartient en effet à toute cette musique d' avant-garde futuriste dont je ne cesse de vous rassasier. Cette antidote suprême à tout les revivalismes polluants pour nos oreilles. Pote de Rabit et M.E.S.H. au sein du crew Janus il est bien sûr dans tout les coups quand le terme Post-club et déconstructivisme sont cités même si il réfute maladroitement l' étiquette. Il est vrai que sa musique et ses comparses va beaucoup plus loin. Il est aussi souvent question dans ce blog de questionnement sur le genre et d' identité sexuelle (Arca, Elysia Crampton), de l'humanité et technologie avec leurs interactions (OPN, Holly Herdon), de l'influence artistique et autre d' internet (SOPHIE, PC Music), de ce monde inégalitaire et pourrissant provoqué par un pouvoir suicidaire et oppresseur (NON Worldwide, Klein, Yves Tumor). Pouvoir de l' argent mais aussi celui imposant les normes des uns aux différences des autres. Le premier album de Lotic s' appelle justement "Power" et dans ce dernier il n' est question que de ça. J Kerian Morgan a pris son temps pour nous offrir ce petit chef-d' oeuvre de modernité et d' humanité. Faut dire que la vie ne l' a pas trop épargné depuis 2015 date de ses deux premiers trésors, l' ep "Heretocera" et la mixtape "Agitations". Du jour au lendemain il s' est retrouvé sans abrits, lui qui déjà se sentait si mal logé dans son propre corps. "Power" s' est donc fait en plusieurs fois selon les opportunités et les coups du destin. Une gènése à l' image de notre monde où tout peut basculer dans un sens ou un autre à tout instant sans que l'on soit réellement et continuellement maître de nos destins. L' originaire de Houston décrit son disque comme une "exploration large des nombreuses façons dont le pouvoir peut être exprimé et vécu". Et si il y a pouvoir, il y a force. Et si il y a force d' un côté ce qu' il y a fragilité de l' autre. Les changements soudains intervenants dans de nombreux titres l' illustre parfaitement. La force du pouvoir alterne avec des notes d' espoir et de fragilité. La grande leçon de "Power" c' est le fait que ce que nous considérons comme faiblesses peut très vite se révéler comme le terreau de nos forces à venir. L' art de la déconstruction chere à Lotic ,tout comme à un Lee Gamble ou Elysia Crampton, dévoile ainsi que dans ce monde s' effondrant dans un gigantesque chaos de nouvelles identités apparaissent, de nouvelles opportunités tout comme de vieilles histoire longtemps enfouies. Rien, personne, ne doivent être négligés. Passés sous silence. Et il faut veiller à ne pas les laisser disparaître. Les faiblesses, les blessures qui font mal et aussi ce qui passait pour des plantages. Ils se révéleront fort utiles. Ce sont les socles du futur radieux ou tout au moins bien moins dystopique. Ici tous les styles ont leur place. Le R'n'b se teinte d' industriel croise le souvenir du bon vieux Gospel , les jeux vidéos tutoient le Heavy Metal comme chez Lopatin. L' électronique la plus abruptes fricote avec le tout venant des pistes de clubs. Des bruits robotique glaçant précèdent des violons lyriques qui laisseront la place à une voix fragile psalmodiant au milieu du fracas du monde. Ce disque s' intitule donc le Pouvoir. Le "leur" et le notre. Le notre que nous négligeons trop aveuglé par les démonstrations implacables du leur. Le pouvoir de notre corps par exemple même quand on veut nous le faire prendre comme une tare définitive ou une anormalité. La musique de Lotic comme celle de ses congénères modernes est celle qui exprime le mieux ce corps. Elle en témoigne comme cela ne l' avait plus vraiment été le cas depuis trop longtemps en musique populaire tant le revivalisme affadit malgré tout ce dont était porteur les musique du passés régurgitées à leur apparition. Depuis toujours les peuples luttent contre les forces négatives, réelles ou imaginaire, par la musique. Ce que longtemps certains ont voulu n'y voir que musique artificiel, froide, sans âmes, est en train avec cet artiste et tant d' autre , de dévoiler une humanité gigantesque susceptible de lutter solidement. Ils accusèrent les nouvelles technologies d' inhumanité et préférèrent se borner aux anciennes. En 2018 les sorties discographiques nous prouvent tout le contraire. Des pelletés de disques "faits à l' anciennes" qui peinent de plus en plus à cacher les faiblesses de la redite. Le rinçage du temps sur les formes anciennes d' art musicale. Il y a bien sûr des exceptions. Ce disque est truffé de mantras pouvant servir de baume et de cri de révolte. Dans ce qui est nommé Post-club et qui peut pouvait par instant rebuter à force de d' abstraction sonore créant un sentiment d' asphixie il y persiste malgré tout l' aspect tribal et rituel revigorant. Lotic comme tant d' autres avant-gardiste (Oneohtrix Point Never, SOPHIE) use de polytrythmies longtemps dédaignées par l' occident iméprialiste. Il sait à présent utiliser sa voix afin de confirmer que cette musique est l'une des plus émotionnelles et porteuse d' humanité du moment. Après SOPHIE et le relatif succés critique de OPN Lotic ne se contente plus de toquer à la porte des cloitrés du passéisme, il défonce les vitres et y propulse la modernité et la lucidité qui y manquait tant.
- LET'S EAT GRANDMA, quand la pop adolescente ridiculise l' indie vieillote.
On les a vu venir de loin ces deux gamines de Let's Eat Grandma. Les 17 ans à peine sonnés elles nous avait offert un premier album intéressant malgré les défaut inhérents à leur jeune âge. Deux ans plus tard leurs détracteurs indie ne voyant dans ces deux copines de maternelle qu' une énième arnaque de l' industrie musicale vont déchanter à l' écoute "I'm all ears". " i Gemini" en 2016 avait rappelé les souvenirs de Coco Rosie pour le côté folk accentués d' un zeste de Gang Gang Dance pour l' électronique fofolle. J' oserai même dire que ce premier disque offrait une version attachante de Tropic Of Cancer en mode pop pour ado. De toute façon de tout temps certains ado ont toujours kiffé l' étrangeté et le malaise gothique très présent sur "I Gemini". Les deux petites pestes n' hésitant pas à en rajouter en se revendiquant être des sorcières. Humour ado ayant la capacité à agacer les poseurs se prenant un peu trop au sérieux sans parler d'un touchant jeu de scène répété dans leurs chambres axé sur la caricature de l' excentricité et la douce provoc alliée à l' enthousiasme propre à leur période de la vie. Les deux originaires de Norwitch passent l' échelon supérieur. Je dirai même qu' elles ont sauté des classe laissant loin derrière la pelleté de groupe synth-pop polluant l' espace vicié de l' indie traditionnelle. Même pas encore 20 ans mais elles peuvent donner des leçons de maturité, d' éclectisme et de créativité à bon nombre de trentenaire ou quadra pilleurs du passé. Qui plus est "I'm all ears" apporte la confirmation que ce sera une formation en perpétuelle évolution. Un groupe si porté sur la modernité et l' authenticité qu 'elles feront passer toute la pseudo scène pop indie pour de vieilles mégères renfrognées et réac, Florence & The Machine en tête de liste of course juste devant la franchise commerciale Beyonce. A la grosse différence de la référence Coco Rosie longtemps accolée les deux gamines vont bien plus loin qu' un seul et unique style. Mieux. Elles pioches dans de nombreuse époque jusqu'à parfois fréquenter le futur parfois et s' inscrire surement dans le présent. Il semble que bien sûr à leur âge on ne sait pas trop ce que l'on veut mais même si cette vision encore caricaturale va leur coller à la peau on peut franchement affirmer qu' elles savent ce qu' elles veulent dans un sens, ne pas choisir justement. Ne pas se borner. Le cul entre deux chaises à l' image de deux des collaborations présentes sur le disque. On retrouve le rat de discothèque un brin progressiste Faris Badman de The Horrors mais aussi l' ultra révolutionnaire moderniste SOPHIE dont on parlait récemment. Un autre tuteur à la production fait le lien entre ces deux visions, David Wrench (Frank Ocean, The XX et FKA Twigs. Chacun des noms connus apportent sa petite touche à une oeuvre qui n' en avait pas vraiment pas besoin à ses origines mais servira à l' avenir de bornes afin que les gamines ne s' égarent pas trop. Par exemple on peut rapprocher à The Horrors la collision stylistique des épopées de longue haleine du très indie-prog virant au post-rock " Cool Collected" et de la pépite House-Indie pop"Donnie Darko". La vision ouverte aux nouvelles technologie de SOPHIE et de récentes nouvelles approches en pop mainstream se font ressentir dans la production tout au long de l' album. "Hot Pink" ne jurerait pas en modernité sur le récent chef d' oeuvre de Sophie et "It's Not just Me" avec "Falling Into Me" par leur petites audaces enjouées et gratifiantes vont aller titiller la grande soeur Lorne. Maintenant que je viens d' écrire son nom il va falloir vite mettre les points sur les i. Let's Eat GrandMa a certes des points communs avec Lorne et ses trésors pop de 2017 mais franchement on est en présence ici de toute autre chose que des suiveuses. Seule la pop sert de lien stylistique. Par contre si les thématiques abordées dans les textes sont bien sûr proche de par leurs âges respectifs on se retrouve pas non plus à du copier-coller. Les deux filles délaissent un temps leurs délires de Contes de Fées omniprésent sur "I Gemini" et abordent la féminité puis nous parlent quête de la maturité, exploration et féminité. Leur travail d' introspection est à la fois naïf mais aussi pervers et délicat jusqu' à par la suite opérer une bienvenue ouverture sur l' extérieur. Deuxième effort et déjà l' assurance que nos deux gamines peuvent faire espérer pour la pop indie un avenir franchement bien meilleur que celui offert par les fossoyeurs de l' esprit moderniste au garage, au rock ou à l' électro bégayeuse des 90's. Le disque pop parfait pour l' été voir plus longtemps. On est pas sérieux à 20 ans. A 40 passé aussi et du coup on remet ce trésors de "Donnie Darko" une deuxième en version live avec jeu de scène excentriquement adorable et touchant.
- SOPHIE, Modern Pop.
J' étais ressorti à la fois enthousiaste et un peu frustré face à la compilation de singles "Product" en 2015 offerte par Sophie. Disque suffisamment génial pour être classé 9ème du top DWTN comme l' avaient été certains de ses singles précédents mais en même temps on savait que Samuel Long (son identité de naissance) pouvait aller encore plus loin. Déjà on percevait derrière l' esthétique K-pop et bubblegum trompe-l' oeil un sérieux bagage musical et une volonté affirmée d' innover pour prendre les chemins de traverses tout en rendant hommage à une certaine pop mainstream. Et puis il y avait un petit détail. De ces petits détails aguicheurs qui peuvent vite devenir sujet de déception par effet boomrang. Sophie dans ses rares interviews avait balancé une de ces références artistiques qu' il est bon de citer quand on se la pète. Un machin à la fois attirant et bien casse-gueule dans la bouche de la dernière hype quand est venu l' heure de passer à l' acte. Elle revendiquait le plus simplement du monde être fan d' Autechre et dans une moindre mesure des riches heures de l' IDM. Les senteurs glitch lié au duo anglais et à la clique Warp des débuts apparaissaient bel et bien à ceux qui passaient outre l' aspect "artificiel" et "Madonnesque" de ses premiers titres. Mais Sophie était-elle capable d' aller encore plus loin dans l' art du mélange des genres afin d' éviter la redite ou l' entourloupe arty tout en égalant ses illustres anciens? "Oil of every pearl's un-insides" se révèle être la réponse la plus cinglante aux pessimistes et autres sourcilleux de 2015. On est très loin d'un exercice devenu conventionnel une fois passé la surprise des premières rencontres originelles. D' abord parce qu' elle accentue le brouillage. Pop commerciale ou électronique d' avant-garde ? La balance atteint l' équilibre le plus parfait entre les deux. Un équilibre si rare ces temps-ci. On pouvait craindre qu'elle finisse par pencher un peu trop du côté mercantile mais à l'image de sa collaboration avec le lèche-botte Diplo sur un titre de la Madonne Sophie a une personnalité et une vision assez fortes pour de pas tomber dans le compromis flasque. Mieux même ! Un autre artiste venu quant à lui de l' underground encore plus pointilleux et moderne qui soit s'y est également risqué récemment. Et c'est pas rien de l' annoncer, mais à tous ceux qui ont été un brin déçu par le virage commercial d' Oneohtrix Point Never, le très bon virage tout de même (on y reviendra), je ne peux que les encourager à vite se ruer sur la dernière oeuvre de Sophie. Ils y trouverons peut être la dose de surprise et de réussite qu'il semble manqué par instant aù Lopatin cuvée 2018. Ce disque, déjà l'une des très grandes réussites offertes par 2018, risque cependant d'en laisser plus d'un sur le carreau. Ici, comme dans tant d' autres oeuvres chroniquées dans ce blog, au diable les conventions étriquées du goût. Le premier titre "It's okay to cry" franchement commercial si pas limite niais va perdre certains poseurs stylistique à l' esprit étriqué. Ce qui suit la chanson la plus faiblarde du disque part dans toutes directions sans que cela nuise à une certaine homogénéité. "Ponyboy" avec sa rythmique martial et ses glitch clinquants remémore à peine "Product" que le sommet "Faceshopping" assommera puis surprendra l' auditeur même le plus aguérri aux productions du pote de Sophie,A.G. Cook et son PC Music . Sophie fait ce qu'elle veut quite à taper dans l' héritage Trance avec la ballade "Is it cold in the water", les sonorités rock-FM chers à Daniel Lopatin ou les drones de l' ambient et de la noise/indus sur "Pretending". On la savait pointilleuse sur les textures on la découvre imaginative et diversifiée en matière de rythmiques pour accompagner son surréalisme clinquant. Tout au long de "Oil of every pearl's un-insides" la productrice née à Glasgow égale ses idoles Autechre dans l' art de la sculpture sonore faite à partir des formes d'ondes en lieu et place du simple échantillonnage. Comme celle de Booth et Brown sa musique marque les esprits par son aspect palpable, passant tour à tour des sensations liquides à solides, du chaud au froid, du caressant au claquant. Chez elle on comprend assez vite que la frontière entre la douleur et le plaisir est infiniment fine jusqu'à ce que ces deux poles d' émotions puissent se confondre. Entre acceptation de soi sur fond de sexe et d' identité, critique et reconnaissance de sa dépendance au consumérisme dominant, ce disque est le digne héritier un brin tapineur des oeuvres Vaporwave de James Ferraro et d' autres. Comme du Arca sous acide ou du Oneohtrix Point Never sous dopamine. Pop et expérimental, commerciale mais aussi "underground", aguicheur et sans compromis, "Oil of every pearl's un-insides" réussit en définitive à s'inscrire dans l' héritage d'un certain mainstream courageux et innovant malgré tout comme les Pet Shop Boys ou Depeche Mode autrefois. Sophie? La "vraie" pop moderne la plus parfaite de notre époque! Rien à voir avec le contenu d' un magasine français pas vraiment magique draguant sans cesse la nostalgie des quadras moutons du macronisme.
- BEACH HOUSE, le goût des premières fois.
L' indie music de mes 20 et 30 ans est en train de péricliter irrémédiablement. Le temps qui passe. Trop de revival faciles, trop de sales manies mainstream, trop de redite et si peu de "vraies" personnalités et d' originalité. Beaucoup de groupes apparus ces dernières années sont bons. Mais là n' est plus la question. "Je n' aime pas les disques que j' écoute" avait écrit un critique rock il y a 20 ans. En réponse à cette sentence je suis allé voir ailleurs et j' y trouve largement mon bonheur. Mais que voulez-vous, parfois, comme certains aiment à retourner sur les lieux de leur enfance, il m' arrive de refricotter avec certaines sonorités de ma jeunesse. Ils sont très peu nombreux les groupes "indies" a pouvoir encore vous foutre le frisson. A être capable à chacune de leur publication de nous remémorer par sa seule musique les émotions d'un amour naissant, de l'insouciance, de la mélancolie si salvatrice dans ce monde devenu si hideux. Ces disques beaux et réconfortant comme le sourire de votre enfant. Si certains peuvent faire illusion ou faire renaître le feu de notre jeunesse cela ne dure jamais très longtemps. Pourtant quelques uns perpétue ce qui tristement devenue une "tradition". Et Beach House est peut être l'un des plus beaux spécimen dans cette catégorie. Pour préparer cette chronique je suis tomber sur une prestation live sur une grande télé américaine. Pas de chichi, pas de jeu de scène en guise de poudre de perlimpimpim ou d'une pseudo authenticité rock ou poétique surjouée. Un guitariste à peine visible, un batteur sobre et une Victoria Legrand se contentant de faire ce qu'elle sait faire le mieux, chanter et nous émouvoir. LE groupe indie dream-pop 90's par excellence, timide et perdu dans ses rêves. Face aux grosses machines pseudo indie actuelles tel les Arcade Fire, Arctic Monckeys ou la pelleté de bégayeur garage Beach House apparaît comme la réminiscence absolue des heures de gloire de leur genre. L' anomalie dans laquelle nous nous retrouvons tous à un moment ou autre. Le truc revival dont on n'ose pas critiquer leur passéisme tellement les émotions passées semblent revivre. Les dignes héritiers des My Bloody Valentine, Mazzy Star, Slowdive, Sundays, Low, Galaxie 500, The Durutti Column, Moose, Pale Saints, Cocteau Twins etc etc. Chez Beach House rien ne semble bouger mais pourtant, tout surprend systématiquement. Si il y a changement ce n'est qu' à une vitesse d' escargot. Il n' y a qu' à observer leur lente progression et évolution depuis leurs débuts. Deux premiers albums charmeur tapant à la porte discrètement (l' éponyme et "Devotion", puis deux autres les installant sur la même marche que les glorieux aînés cités plus haut ("Teen Dream", "Bloom". Les deux suivant, "Depression Cherry" et "Thank Your Lucky Star" semblaient marquer le pas et la lassitude s' installait malgré une prise de risque timide à l'image de ce groupe. Ils et surtout nous, avions tristement conscience que la "recette" était définitive et risquait tourner en rond. Le charme toujours là mais en passe de devenir une habitude. Les rencontres avec le couple Scally/Legrand devenait l' équivalent des repas dominicaux familiaux. Mais parfois a-t-on vraiment envie d'y échapper. Le néant nous guette-t-il peut être en cas de révolution? Autant y revenir? Conscient de ça Beach House a changé ses habitudes, pas sa belle personnalité. Présence du batteur des tournées en studio, changement de producteur et pas des moindre. Sonic Boom des Spacemen 3. Encore une référence de notre jeunesse et des grandes heures.La sonorité dsobrement bien nommé "7" s' en ressent, plus pesantes, plus pêchues, plus directes. Le groupe nous offre peut être pas une remise à neuf ou un changement de cap à 180° mais au moins de belles intentions. L' envie d' ouvrir les fenêtres. D' être plus immédiat mais toujours autant énigmatique. Les inspiration surf pop ou autre des Jesus & Mary Chain sont plus assumée. L' héritage cinématographique de "tonton" Michel Legrand rarement autant sur le devant. Lynch n' a jamais aussi était aussi proche d' eux dans leur Los Angeles. Dans "7" Beach House offre une évidence toute simple que nous avions oublié au profit de la simple quête de refuge dans une époque idéalisée. Ces deux-là sont parmi les meilleurs songwritters de leur époque et sont à présenter comme le revers le plus classique de la même médaille Dream Pop 2.0. La belle Liz Harris avec Grouper représente le versant le plus aventureux. Avec "73 ils réussissent le miracle de retutoyer les sommets comme au temps des "Teen Dream" et "Bloom". Beach House, l' un des derniers grands groupes indies. Quand une anomalie tape l'incruste dans l' entertainment le plus rodé et attendu.
- ELYSIA CRAMPTON ou, ce sont les oubliés du passé qui feront l' avenir .
Si j'ai mis des mois pour pondre la chronique de son premier album sous ce pseudo, que ce même album soit classé dans le top de fin d' année sans une seule explication et qu' ensuite cette dernière ne soit arrivée qu'en Avril j'en suis désolé mais sachez aussi que ce coup-ci je vais prendre le temps de reparler de la belle Elysia tellement son "Demon City" est un trésor et tellement AUSSI chacun des ses collaborateurs méritent que DWTN reparle d' eux. Pour les retardataires voici l' article d' Avril ( ici ) et ce titre hypnotique digne des breuvage hallucinatoires concocté par les prêtres et autres chamanes Sud-américains. Ce disque n' est pas une pure oeuvre solo puisqu'on y retrouve bon nombre de collaborateurs et que du haut niveau, Rabit, Why Be, Total Freedom, Chimo Amobi et Lexxi. Artistes maintes fois croisés dans ce blog depuis des mois. Si souvent on lit ou on entend " musique cinématographique" il est rare de tomber sur "pièce de théâtre musicale". La première impression donné par "Demon City" est celle-là. Une sorte de tragédie antique construite autour d'une succession de monologues et de dialogues par plusieurs auteurs/comédiens. La référence à l' art antique avait déjà été d' actualité et même citée par Crampton et d' autres au moment de la sortie d' "American Drift". Elle est encore plus aujourd'hui. Crampton parle de "Poème épique". "Épique" comme l' "Odyssée d' Ulysse" de qui vous savez. Depuis ses premiers collages lyriques la musique de Crampton a une réelle portée universelle comme les récits et les poème d' Homère. Comment réussit-elle a parlé aussi bien de notre monde contemporain, du présent et du passé et à chacun ? Comment le discours issu d'une minorité réussit-il à concerner la majorité bien au delà que cette dernière peut l'imaginer? "Demon city" est le fruit d'un grand brassage de cultures, cultures surtout minoritaires. Les opprimés d' hier et d' aujourd'hui sont la clé du futur. Ces "poèmes épiques" sont fortement politisés. Revendicatifs. Si les notions ethniques sont fortes (quasiment tout ces artiste font partie du collectif NON) les notions de genre le sont aussi. Fatalement avec Crampton depuis toujours et c'est encore plus le cas . Le corps comme chez Arca et Lotic tient le beau rôle. Le corps est le réceptacle principal et définitif de tout ce que subissent les opprimés. De toutes les violences. Les repères sont multiples et ne servent plus à rien quand il s' agit de classer. Impossible de catégoriser et finalement de caricaturer. La technologie numérique fricote avec le folklore ancestral, un rire vaudou et une rythmique bolivienne s' assaisonnent d'une production glaciale grime britanniques. Cette musique est monde. Au risque de se répéter mais la plus part des artistes défendus dans ce blog possèdent tous malgré les apparences musicale parfois différentes les même manières. Recyclage (Ferraro) qui ne se limite pas à lui seul car issu d'une volonté de coller au présent, détournement et ouverture d' esprit totale sur la provenance des matériaux (Lopatin), sans peur ou naïveté béate face à la technologie et le futur (Herndon & M.E.S.H.). Le vocabulaire emprunte au dancefloor mais sans ordonner un seule façon d'y vivre (M.E.S.H. encore et Lotic). C'est encore une avalanche de sources sonores et d' information symbolisant l'impact du monde virtuel numérique et des chaines infos. Elle parle de "Severo", "Severo est une accumulation, plutot une accrétion". Ce monde virtuel et ses infos s' agglomèrent à la surface de chacun qu'on le veuille ou non. Crampton et les autres refusent le repli sur soi. Qu'il soit stylistique ou temporelle. Les souffrances de gens éloignés par l' intermédiaire d' internet giclent sur nos beaux habits d' occidentaux. Nous ne pouvons plus dire que nous ne savions pas, à présent ça se voit de plus en plus et le cynisme devient impossible. Cette musique est MONDE. Et ce Monde vient d' accélérer un grand coup dans sa marche vers le village planétaire. La musique de Crampton par sa modernité l' exprime parfaitement. Peut-on encore être hermétique et attendre le samedi soir pour danser sur des kilomètres et des kilomètres de house? Peut-on encore se calfeutrer dans son garage pour pondre un rock blanc parlant de sex ou de bagnoles? Peut-on encore se contenter à faire mumuse avec les pédales d' effets et les guitares pour pondre du "rock psyché" en tirant sur son joint? Ces derniers temps quand je tombe sur le terme psychédélique il est quasiment toujours associé à des musique occidentales du 20 ème siècle. Souvent blanche et parfois noire. Trop souvent le rock et ses guitares. Consciemment ou pas. Merci encore une fois les ermites occidentaux du garage rock pour votre réécriture nombriliste-inculte et votre omniprésence gerbante. Les hallucinations et la perte de repères hypnotiques n'ont pas attendu Timothy Leary et Jimi Hendrix. L' état de conscience altéré pour éprouver de nouvelles sensations n'est pas uniquement produite par des guitares et l' analogique et est aussi vieux que le MONDE. Thee Oh Sees, Ty Segall ou Tame Impala c'est vraiment de la dope coupée au lait en poudre comparé à des titres comme "Demon City" ou "After Wooman". Le psychédélisme et la musique de transe retrouvent une putain de vitalité fantastique, vitalité absente depuis longtemps dans les revival rocks à force de redite. Avec du recule on peut se demander si le terme psychédélique n' a pas été inventé pour créer un fossé entre le rock et la pop (blanche) avec la coutume rituelle de la transe des autres cultures. Comme si certains s' étaient cru obligés de renier l' apport des autres. Consciemment ou pas. "Demon City" c'est le trip puissant cocaïné du champignon hallucinogène "Petrichrist" de l' an dernier. Le titre "Children Of Hell" coécrit avec le roi du bruitisme moderne tendance abstraction sonore Chimo Amobi vous fera partir rejoindre les esprits de tous les ancêtres comme jamais. La technologie et le folklore ethnique au profit d'un psychédélisme politique ouvert sur les autres et plus seulement un trip individualiste de salle de concert. Lexxi en solo nous offre un trip synthétique et latinos susceptible de vous élever et vous faire planer bien plus haut que toutes les couches de phasing crées au cours de toute sa vie par Kevin Parker de Tame Impala. Même si "Demon City" n'est pas l' oeuvre uniquement d' Elysia Crampton ce disque prouvent encore une fois qu'elle est devenue en l'espace de trois ans l' équivalent d'un Lopatin ou d' une Holly Herndon ou d'un Arca. La présence de gens comme Lexxi ou Rabit venant d' univers divers et variés prouvent aussi que c'est une véritable révolution sonore à laquelle nous assistons. Un vent d' air frais balayant tout sur son passage (les vieux genres mais surtout leurs resucées). Depuis le début d' année des groupes ou artistes prétendument qualifiés de "valeurs sûres" ont sorti des disques et comparés aux artistes cités dans ce blog ces sorties récentes sont toutes susceptibles d' être affligées des termes "passéistes" ou "largués". Radiohead, Kevin Morby ou Parquets Court coté indie rock comme The Avalanches et le prochain Justice coté électro et en ce qui concerne le rap/hip hop/r'n'b alternatif ou mainstream la sentence est la même (Blood Orange, Beyonce, Anderson P Park et Kanye West). PS: En parlant de psychédélisme, de voyage vers le pays des esprit, de perte des repères par la conscience et en y associant les origines indiennes de Crampton je ne peux m'empêcher de vous balancer ce documentaire terriblement hallucinant et terrifiant sur l'usage de la mescalline dans les andes Péruviennes. Et pour la bande-son flippante Elysia Crampton vient de sortir un premier single terrifiant pour le label Adult Swim (titre absent sur Demon City).
- GROUPER, Liz Harris tutoie les sommets.
Il se sera donc écoulé près de 4 ans entre les deux derniers albums de Grouper. Comment avons-nous fait pour tenir si longtemps? Autant le dire tout de suite, l' attente valait la chandelle. Liz Harris vient encore de nous offrir l' une des plus belles oeuvres de l' année en cours. Depuis 13 ans cette américaine ne cesse de nous étonner et de nous émouvoir au point de devenir l'une des grandes dames de la décénnie comme le furent jadis une Bjork ou une PJ Harvey. Près de treize albums au compteur et toujours pas une once d' ennui ou la sensation de se retrouver face à de inutile. Des hauts, voir des très hauts, et quelques bas, si réellement le mot "bas" est le terme approprié dans son cas. "Grid Of Points" vient de sortir et la première chose qu' il vient à l' esprit c' est la capacité cette artiste à toucher la corde sensible de chacun malgré des moyens de plus en plus pauvres. Ici il y a encore moins d' instruments et d' effets que sur le déjà minimaliste "Ruins". Ce dernier pouvait évoquer par son dénuement la maison de résidence servant de lieu d' enregistrement au Portugal. Un habitat spartiate où le minimum vital (des années 2000) suffisait tel la sonnerie de micro-onde que l' on pouvait distinguer en arrière plan. "Grids of Point" c' est le même habitat mais transposé dans le Wyoming avec ce coup-ci la sensation qu' il est totalement vide de tout meuble. Avec sa seule voix et un piano Harris arrive encore à occuper un espace gigantesque. Ses paroles sont sussurrées voir même expirées par une voix granuleuse qui ne subit pratiquement aucune transformation. Les silences ont dans la même logique encore plus d' importance que pour le précédent. Un bruit de fond enveloppe tout le disque et évoque par ses crépitements des artistes comme Leyland Kirby ou les Demdike Stare. Il nous offre la même sensation que "Ruins", un être humain s' adresse à nous de la plus simple des manières malgré le brouhaha mondial environnant. Le temps se suspend en à peine une demie heure et huit titres. Avec le fond sonore décrits plus haut servant de fil conducteur les titres semblent s' enchevêtrer. Les mélodies faites d' arrangements sobres se superposent et paraissent s' étendre à perte de vue. Sensation accrue par une réverbération touffue et chatoyante malgré sa froideur et paradoxalement un sentiment de rigidité. Un disque immédiat à la pureté incomparable. L' émotion est omniprésente, obsédante et désarmante. Liz Harris explique que l' enregistrement ne dura pas plus d'une semaine et qu' il fut interrompu par une forte fièvre. Certains titres présentent donc un aspect non fini qui rend l' ensemble encore plus essentiel. Fragile. Magnifique.
- DJ NIGGA FOX, P.ADRIX & PRÌNCIPE RECORDS: Des ghettos de Lisbonne jusqu'à Manchester & W
Celà fait longtemps que les sorties et les artistes affiliés au label portugais Prìncipe Discos squattent les tops de ce blog. L' an dernier c' étaient le premier album de Nidia Minaj et le ep "15 Barras" de Dj Nigga Fox, en 2016 Dj Marfox avec son "Chapa Quente" et Dj Nervoso pour son ep éponyme. D' une manière détournée 2015 avait encore vu la clique Principe se placer devant le peloton avec leur première incursion chez WARP pour la série d' ep compilations CARGAA et encore Dj Nigga Fox avec son "Noite é dia". Et histoire d' en finir avec les preuves d' amour de ce blog pour Principe Discos on pourra en remettre une couche que le label créé par Pedro Gomez figure systématiquement depuis trois ans dans la liste des meilleurs labels. Si l' album de Nidia Minaj avait fait grand bruit l' an dernier il semblerait que le soufflet hype dont ils bénéficiaient depuis 2 ans se soit un peu dégonflé dans les médias, ces derniers certainement partis poser leurs griffes d' arrivistes dilétants sur autre chose. Erreur totale de leur part et surtout mauvais timing. L' année 2018 s' annonce comme l'une des meilleurs pour Principe. Coup sur coup deux disques font grimper à ce qu'ils nomment et symbolisent la Batida music un palier supplémentaire en terme artistique et en promesses pour un futur radieux. Petit rappel des faits pour les retardataires. C' EST QUOI LA BATIDA? Batida signifie en portugais les battements rapides du coeur après un choc émotionnel ou un accident. Rarement une appelation aura symbolisé autant éfficassement un style musical. La première rencontre avec cette musique s' apparente à un choc ou un coup de poing du fait de la frénésie qui s'en dégage. Une tempête sonore d'une richesse et d'une diversité des sons résolument hypnotiques. L' auditeur d' abord un brin saoulé par autant de stimuli en peu de temps peut certes envisager la capitulation et préférer des choses plus posées et attendues. Mais ça c 'est la première réaction de son cerveau en mode réflexe. Très vite les jambes vont prendre le relais et finalement le cerveau en bouilli va recoller les morceaux et s' y retrouver. S' apercevoir qu'il y autre chose qu'une simple polyrythmie bien huilée par objectif fonctionnel pour bobo ou hipster en manque d' exotisme facile les premières chaleur venues. L' irrégularité des rythmes envoûte autant qu'elle peut rebuter le junkie de house kilométrique. De toute manière ce genre de bourges 2.0 va vite être mal à l' aise face à la complexité qui s' en dégage. Le consommateur de musique cartésien qu'il est va tout aussi vite ressentir un profond malaise devant les relents de sorcellerie que porte en elle la Batitada avec ses discordances harmoniques. A écouter les Nigga Fox, Minaj ou Marfox, la Batida a autant pioché dans les musiques ancestrales africaines que les plus récentes comme le zouk. Une grande majorité viennent bien sûr des ex colonies Lusophones. La Pagode brésilienne, le Kuduro Angolais, le Kizomba et la Tarraxhinna. Mais pas que! Cette bande de gamins qui ont grandi dans les ghettos périphériques de l'ancien colonisateur de leurs pays d' origine n' ont pas seulement recraché leur héritage culturel. Le même miracle que celui qui eut lieu autrefois au Royaume Uni avec son immigration Jamaïcaine c' est reproduit. Ils ont mélangé tout ça avec la culture électro et dancefloor européenne du pays hôte. La Batida transpire de house et de techno. Pour eux elle doit être un exemple parfait d' "hybridation Trance et Grime". C 'est qu'en plus ces mecs ne se contentent pas de manipuler le tout venant. Ce sont des ouïes fines et de parfaits radars à nouveauté stylistique sans oeillères et d' expérimentations. En matière d' expérimentation les artistes Batida damnent le pion à beaucoup d' autres et on pourra évoquer une certaine parentée dans cette vision et volonté de mélanger musique "populaire" des dancefloors et musiques "savantes"avec les jamaïcains d' Equiknoxx ou les cliques NON, Club Chai et NAAFI. Une autre tête chercheuse en la matière, Rabit, ne s'y était pas trompé en incluant dans la compile passionnante "Conspiracion Progresso" publiée par son label Halcyon Vieil DJ Nigga Fox. DJ NIGGA FOX, BAIN DE JOUVENCE POUR WARP Rogério Brandao aka Nigga Fox est probablement la plus belle et aventureuse tête chercheuse issue de Prìncipe. Ceci explique parfaitement qu' il est dorénavant le premier artiste du label a bénéficié d' une sortie chez WARP en son seul nom. Son ep "Crânio" sorti il y a peu est une bénédiction pour tout fan historique du label originaire de Sheffield. Bénédiction parce que ce disque fondamentalement d' avant-garde garde fermement un pied sur le dancefloor et replonge le label équivalent musical d' un Barça ou d' un Réal en foot le nez dans ses belles racines club et rave. Il perpétue ainsi la nouvelle habitude prise par les anglais mise en place avec la signature du fou furieux de Trance Lorenzo Senni. Et en matière de Trance il s'y connait aussi le renard de Lisbonne. A au fait. Peut être êtes vous étonnés du pseudo récurent "Fox" dont s' affublent beaucoup d' artistes et Dj Principe. En fait il semblerait que cette génération voue un culte irraisonnable pour un vieux jeu "Starfox". Dj Nigga Fox porte d' autant mieux ce pseudo qu' il se révèle un véritable renard des dancefloors capable des plus beaux tours de passe-passe pour stopper le danseur en pleine montée pour l' envoyer au ciel juste après d' une manière encore plus puissante. P.ADRIX, BATIDA VERSION MANCHESTER. C' est le petit dernier de Prìncipe. Il a grandi à Lisbonne comme tous les autres et comme pas mal d' entre eux il en est aussi parti pour un autre pays. Encore un exemple parfait de ce que peux produire une diaspora en matière musical. Si Nidia Minaj en suivant ses parents avait posé ses bagages à Bordeaux au milieu des bourges et des addict de garage rock, la pauvre, Adrix eut bien plus de chances? Il en s' est retrouvant quant à lui dans une ville dont il suffit de dire le seul nom pour que tout passionné de musique sache qu'il faut y jeter une oreille. Manchester. Ce qui devait arriver arriva. Sa culture africaine et lusophone au contact des sons industriels provenant des club mancuniens et la tradition UK bass, Grime et Jungle nous offre l' une plus belle réalisation du projet avoué par ses collègues, hybridation totalement réussie ! La Batida subit entre ses mains après celles de Nigga Fox une nouvelle mutation. A croire que ce genre dans les têtes de ses ardents prophètes possède le gène du développement permanent. Franchement pas le style musicale à deux doigts de se reposer sur ses lauriers pour finir par mourir. La musique d' Adrix comme celles des autres est bien sûr destinée aux clubs mais l' écouter ailleurs est également susceptibles de vous projeter dans un états de transe hallucinant. Votre petit salon peut à tout moment se transformer en un entrepôt british sordide en pleine rave 90's que devant dans un jardin public face un Soundsystem gigantesque.
- INGA COPELAND redevient LOLINA et nous offre le meilleur folk moderne pour 2018.
Alina Astrova aka Inga Copeland aka Lolina est une artiste secrète et discrète. Tellement discrète qu' elle n' a jamais eu droit aux honneurs dans ce blog. Injustice totale ! C' est d' autant plus injuste que son confrère du duo Hype Williams , Dean Blunt, ne cesse de truster les top annuels. Tout juste si on l' aperçoit dans certains top ep. Pour être clair je mets l' oeuvre de la Russe résidant à Londres au même niveau que ce satané Blunt. Et même, mieux, , au dessus avec le tout récent et inattendu "The Smoke". Tout d' abord, il me faut avertir le lecteur. A l'instar de son acolyte, Blunt, Lolina fait dans le bizarre, un bizarre à la fois trompeur et hypnotique. Parfois cajoleur, parfois franchement hermétique et brutal. Vous allez donc dans un premier temps vous retrouvez face à des choses déjà entendues, des senteurs connues. Dans un premier temps! Très vite vos certitudes vont être battues en brèche et l' incompréhension gagne du terrain dans vos petits cerveaux. Puis, ce sera comme une révélation. La musique de cette jeune femme appartient à la fois à l' avant garde comme à l' héritage commun de toutes les sonorités dominant la culture populaire. Chez elle l' électronique à la plus indocile copine avec le r'n'b ou le hip hop les plus connus. Une synth-pop simpliste peut se napper de collages sonores incongrus et l' UK Bass et le dub se saupoudrer d'une poésie inhabituelle. L' immédiateté alterne avec les chemins de traverse où il est aisé, voir même préconiser, de s'y perdre. "The Smoke" est le premier album sous le pseudo Lolina. Il marque un palier dans la carrière de la jeune femme. Ici la cohésion, qui "semblait" manquer du temps du nom d' Inga Copeland, devient plus évidente. Peut être parce que la russe avec ce disque est à son apôgée dans son art d' illusionniste du chaos. Chaque titre laisse l' auditeur face à un cyclone musicale où toutes les références prennent des apparences inaccoutumées. Lolina fait bel et bien dans le format de musique le plus écouté, des chansons, mais d' une manière totalement réinventée. De nos jours, c' est plus que rare, c' est miraculeux. Pour cela l' intérêt porté aux textures importe tout autant que celui pour la composition. Par exemple les synthés chez Lolina réussissent l' exploit de vous surprendre par leurs sonorités venues d'on ne sait où. Les rythmiques semblent elles aussi fait de textures inédites à force de torsions en suivant des schémas que seule la russe donne l'impression de pouvoir décrypter. Derrière l' étrangeté de ce dub maladif c' est un travail d'une méticulosité inouïe qui se dévoile après quelques écoutes. Méticulosité toujours pour ce qui concerne les paroles. Les textes semblent eux aussi ne signifier pas grand chose tellement ils peuvent paraître incompréhensibles mais très vite chaque mot, chaque choix de leur emplacement et le phrasé de Lolina participe à un parfait témoignage sur notre époque et la vie de son auteur. Un critique anglo-saxon s' est lancé au sujet de ce disque dans un grand exercice de réflexion. Pour lui "The Smoke" est ce que l'on devrait considérer comme ce que doit être l' album folk typique de notre époque. Partant du constat que la tradition folk est l' art de prendre le premier instrument venu et tout ce qui a précédé en terme de référence musicale pour écrire des chansons servant à encapsuler la période et son zeitgeist qui l'ont vu naître. Ici la guitare poussiéreuse des passéistes est remisée au profit du sampler et d'un simple clavier, l' héritage stylistique et esthétique "folk" 60's abandonné au profit d' une culture musicale et technologique un brin vieillote certes , mais qui a l' avantage de bien mieux illustrer notre ère où justement la technologie semble donner le LA. On ne peut que donner raison à ce chroniqueur tellement le dernier Lolina peut réellement postuler au titre honnrifique de meilleur album folk moderne pour ce début d' année.
- EQUIKNOXX, le jamaïcain se conjugue à nouveau au futur.
Et si je commençais ma chronique aussi simplement que ça : Equiknoxx c' est un duo de producteurs Jamaïcains dans la mouvance dancehall que l'on peut considérer comme les dignes héritiers du lourd passé musical de leur pays. Pour être vicieux je rajouterai Lee Scratch Perry en lieu et place de la figure tutélaire. Alors tout de suite la caricature va se pointer. Pour les plus largués et ignorants des occidentaux on va avoir l' image d' Epinal, reggae, dread, fumette puis dub et ska pour ceux possédant une once de réflexion musicale. Pour les moins hermétiques et un poil moins cloîtré dans le passé lointain ce sera paroles obscènes, mama black remuant du popotin avec pose indécentes sans parler de l' inévitable règlement de compte sur fond de deal entre bande rival à grande rasade de uzzi sur le dancefloor. STOP ! Revenons à la réalité et sa complexité puisquittons les réflexes et les préjugés occidentaux colonisateurs. L' an dernier Equiknoxx avait pourtant envoyé un sacré avertissement à tous les bas du front via leur compile "Bird Sound Power" (classé dans le top 2016 DWTN). Tout n' était pas aussi simple sur le dancehall Jamaïcain. La-bas ça fait pas comme dans notre si vieille Europe, back to the past et entre-soi culturel. On cherche (dans toutes les directions) , on regarde le futur, et on trouve! Il y a avait bien un petit indice concernant les velléités aventureuses et innovantes du collectif. Leur label, DDS. Pour les ignorants, ces initiales se rapportent au nom du duo boss, DEMDIKE STARE. Je vous refais pas le topo y'a qu'à fouiner dans les 5 années du blog. Je parlais de Lee Scratch Perry et son importance dans la production musicale de ces 40 dernières années. Que l'on soit fan des Clash ou de Brian Eno ou même de shoegaze on est tous redevable à jamais du vieux griguoux. Si le dancehall n' a jamais réussit à tutoyer le cinglé Perry en terme d' avancée et d' expérimentation Equiknoxx avec leur "vrai" premier album viennent de réenclencher la machine à voyager dans le futur et l' expérimentation. Il faut avouer que le dancehall semblait franchement marquer le pas depuis quelques années à force d' accélérer sans cesse le rythme et de ne puiser les sons que dans un nombre limité de banque de données et de logiciels. Les deux têtes pensantes d' Equiknoxx, Gavin Blair et Jordan Chung, sont sortis de l' air vicié et enfumé des dancehall. Et vas-y que je te récupère des sons improbables, des harpes, des glockenspiels, des ustensiles de cuisine en passant par ceux fauchés dans les garages. Et ne parlons pas d'une lubie qui apparaît partout sur la planète de nos jours, les chants d' oiseaux! Lubies que vous allez bientôt rencontrer prochainement du côté de ... l' Islande via le Vénézuela (voir ici). "Colon Man" déboule et va encore plus loin que son prédécesseur. Il faut rappeler que "Bird Sound Power" compilait des enregistrements réalisés sur une longue période allant de 2009 à 2016 et déjà on s' apercevait de la constante progression et des trajectoires inédites du duo au fil des années. "Colon Man" enfonce le clou avec des titres enregistrés à la suite d' une tournée mondiale surfant sur leurs succès critiques et publiques. Tournée mondiale ne passant évidemment pas par la France. Preuve s'il en est de l' étroitesse d' esprit et du largage complet de notre petit monde de la musique hexagonal absolument pas visionnaire pour deux sous. Si le poids des illustres prédécesseurs s' estompe les jamaïcains mettent un point d' honneur à leur rendre hommage au travers de la signification cachée du titre. Rarement on a rencontré une électronique aussi pointilleuse et chirurgicale dans le dancehall. Que ce soit avec cette dernière ou avec les samples on se demande s'ils n'ont pas des visés digne de musique concrète. "Nous pouvons sauter directement d'une soirée dancehall à un évènement plus expérimental" Une nouvelle fois on se retrouve donc face à des riddims venus de nul part qui ne dépareilleraient pas dans un mix ambient voir indus . Pour la faire courte un riddim est une séquence musicale sur le quel les MC posent leurs voix. Il peut exister ainsi plusieurs versions issus du même riddim originel. Dans "Colon Man" pas de parole ou sinon des bouts de voix massacrés et dénaturés. Et des oiseaux! Equiknoxx ne ce fixe pas comme unique objectif la danse même si la fameuse polyrythmie 3/2 du dancehall affleure partout. Avec cette album essentiel Equiknoxx n' a plus à rougir des ancêtres, propulse le dancehall dans la stratosphère et permet à nouveau de conjuguer le Jamaïcain au futur.
- PAPER DOLLHOUSE, Darkwave post nucléaire
Nos deux sylvidres adorées nous reviennent enfin après trois années d' une très longue d' attente. Pour ceux qui ont loupé la beauté glaçante magistrale que fut "Aeonflower" et qui se demandent bien ce que signifie ce qualificatif de "Sylvidre" allez vite faire un tour sur l' ancienne version du blog (par là). Astrud Steehouder et Nina Bosnic après quelques collaborations et travaux accessoires reviennent donc aux choses sérieuses. Et pas accompagnées par n' importe qui. Tout d' abord pour la sublime pochette elles ont fait appel à Andy Votel (pote de Bradly Drawn Boy et Grandaddy). Déjà on comprend que si le duo n' a pas réellement l' attention médiatique qu' il mérite il possède cependant un sacré carnet d' adresse auprès de leurs pairs. C' est qu' en plus "The Sky looks different", troisième "vrai" album studio, nous dévoile un autre grand nom en qualité de producteur et pas des moindres. Surprise totale tout de même d' apprendre que les deux filles travaillent depuis un bon moment avec l' iranien de Planet Mu tant adoré par ici, Ash Koosha (voir par ici). Que nos deux héroïnes adeptes de la cause analogique fricotent avec un de l' un des partisans de nouveaux sons et de manipulations en tout genre par ordinateur ce n' était pas si évident. Celà prouve encore une fois leur volonté de ne pas rester dans leur niche pour faire du surplace. Les Paper Dollhouse offrent depuis leur premier album "A box Painted Black" une sacrée preuve d' ouverture d' esprit et d' évolution réelle. Parti d' un folk certes bien déjà lugubre, mais un folk comme il s' en fait tant avec cependant certaines traces d' Arthur Russel et d' autres plus évidentes comme les ombres d'un Scott Walker et d' une France Galle 60's (RIP), elles opérèrent un salvateur ambient avec "Aeonflower" que bien des autres adeptes du vintage folk devraient envisager. Dans ce disque à la beauté immortelle l' ambient ne tenait pas le role d'un simple cache misère tant on percevait des senteurs modernes perçues chez des gens comme Demdike Stare, Andy Stott ou le fou Dominick Fernow. L' apport de Koosha via des sonorités digitales maximalistes et modernes absentes par le passé chez elles fait entrer la musique des Paper Dollhouse dans un nouvel univers totalement nouveau. L' aspect dark ambient quitte l' univers post apocalyptique fantasmé de leurs influence coldwave et gothique du 20 ème siècle (Cure, Throbbing Gristle, Joy Division) pour celui bien plus réel de notre présent. Les filles nous offrent une visite du monde de demain par une froide nuit radioactive. Nous oscillons entre traditions pop et expérimentation à base de manipulation électronique (la touche Koosha) et beaucoup de Soundcollage. Les Paper Dollhouse ont donc pris tout leur temps, entre réflexion et expérimentations, et elles ont bien fait. "The Sky Looks Different" fait entrer la Darkwave devenue tant à la mode chez les faussaires vintage dans une nouvelle ère prometteuse. Probablement aussi et surtout leur disque le plus abouti et envoûtant. Plus peut être qu'un "Aeonflower" jugé trop souvent à tord comme un acte indépassable.
- HUERCO S devient PENDANT et continue sa refonte de l' ambient
Brian Leeds aka Huerco S revient sous une nouvelle appellation et crée pour l' occasion son propre label (West Mineral Ltd). Deux ans après son gigantesque "For Those Of who have never (And also those who have) " (voir ici) et près de 5 ans après sa tonitruante apparition avec "Colonial Patterns" (par là) c' est des grands chouchous de ce blog qui met enfin sur les bons rails une année débutée bien timidement en matière de long format. Pas de réelles surprises à la découverte de ce bel ouvrage qu'est "Make me know you sweet". Leeds a donc abandonné son traditionnel pseudo de Huerco S pour celui de Pendant mais continue sa fugue des dancefloors en direction des territoires ambient. Pour les retardataires rappelons juste que ce brave garçon originaire du Kansas débuta dans la deep house puis devint un des principaux acteurs de ce que certains appellent l' Outsider House. Ce courant apparu début 10's est l' une des plus belles réponses apportées face à la deep house kilométrique et commerciale par ses sons hyper lissés et son manque total d' originalité dont tous les Dj de bas étages gavent tous les danseurs du monde. Avec ses sonorités lo-fi et son état d' esprit Do It Yourself ce délicieux acte underground anti ronronnement a réussit le plus parfait des mariages entre la gentille House et les plus rugueuses Techno, Indus et Noise. Pour les curieux allez jeter une oreille sur les catalogues de LIES du bon docteur Ron Morelli et un peu chez Opal Tapes. De son Outsider House Leeds semble n' avoir gardé que ses senteurs hypnagogic pop et shoegaze en devenant Pendant. Le dancefloor n' est plus qu'un souvenir tant ce qui l' évoquaient autrefois chez Huerco S , ses fameux sons saccadés provenant de synthés, sont ici en voie de disparition à l' exception du titre "BBN-UWZ". Sur tous les autres ce sont des drones et des manières indus et noise qui ont la main mise. Un schéma précis semble se répéter mais surprend systématiquement et emporte l' auditeur. Leeds plante un décor souvent étouffant et lugubre évoquant une jungle envahissant des vestiges industriels puis progressivement ce décor se désagrège, se déforme pour devenir totalement abstrait. Nous ne savons plus si nous rêvons et si cela est réel. En fait l' américain semble jouer avec nos sentiments et surtout nos anxiétés tant il s' adonne avec délectation à une dissection avancée. Bien sûr on risque perdre encore plus les fans à la vision étroite tellement ils sont scotchés à leur dancefloor par addiction à la dictature rythmique mais par contre les amoureux d' une ambient renouvelée et les nostalgiques des bonnes vielles Chill Room 90's vont y trouver leur came.
- MUSIQUE ET ALZHEIMER, un docu choc et le prodigieux projet The Caretaker (Leyland Kirby)
C' est un article un peu particulier. Il arrive parfois que passion et vie professionnelle se rencontrent. Parfois... Ma passion vous la connaissez déjà si vous lisez ces lignes mais il va falloir un peu vous préciser d' où vient une grande partie des motivations à pondre cette double chronique. J' ai l'immense chance d' être Aide Soignant auprès de personnes atteintes d' Alzheimer et dans ce cadre je me suis rendu compte du rôle que peut jouer la musique. Le passionné de musique le soupçonnais fortement mais souvent entre l'intuition et la réalité il y a un monde. Bref, il arrive souvent au soignant de faire appel à sa passion. Pas assez à mon goût et les raisons sont en partie développées dans le documentaire "Toute la musique que j' ai aimé" . Des raisons dont il me semble également vous avez du entendre parler un certain 30 Janvier 2018. Mais avant tout examinons d'un peu plus près cette saleté dont tout le monde a entendu parler mais sans réellement saisir tout ce que cela signifie faute d' y avoir été réellement confronté par malchance ou tout simplement à force de la fuir comme on nous l' apprend dans nos sociétés dites modernes. La perte de mémoire, quèsaco? Rien ne vaut qu'une bonne vieille chronique de disque de derrière les fagots. Comment l' aborder en musique. L' illustrer. Les oeuvres sont très rares. Il semble que ce sujet n' enchante guère les musiciens et les chanteurs. Il est vrai que depuis sa naissance la pop culture est atteinte d'un jeunisme un peu trop envahissant et certains sujets tel que la maladie sont évacués. En grattant sur le net on peut trouver une chanson signée ...Didier Barbelivien mais!... Vous l' avez compris, malgré tout le respect que l'on peut porter à ce "grand artiste" (dixit Nicolas Sarkozy), je vais préférer m' abstenir de vous laisser un lien. Pas assez amateur de la facilité à grand coup de gaz lacrymogènes que notre chère variété nationale peut offrir. Côté anglo-saxon par contre il y a pléthore de chansons évoquant le sujet (liste dispo ici) dont celle du grand Glen Campbell atteint par cette merde. Mais souvent cela passe par le texte. Et par la musique? Justement, l' unique musique quand elle est utilisée à des fins thérapeutique prouve qu' elle est capable de bien des "miracles" sur nos petits cerveaux . Alors est-elle capable d' illustrer parfaitement leur fonctionnement en plus de nos émotions? Il faut donc du sérieux. Du fin et surtout, quelque chose qui sonne juste. Leyland Kirby se pose probablement comme des mieux placé. Ce nom vous l' avez déjà croisé maintes fois dans ce blog . L' an dernier cet artiste avait encore une fois droit aux honneurs de DWTN pour son magnifique "We, so tired of all the darkness in our lives". Alzheimer touche la mémoire et qui de mieux placé qu'un artiste affilié au courant Hauntologique. L' "Hauntology music", ce bidule "post-moderniste" qui tire son nom des travaux de Jacques Derrida, je n' ai de cesse de vous en parler et une fois de plus il ne peut qu'en être question. Il y a de solides et bien réelles passerelles entre la perte de mémoire liée à Alzheimer et la réflexion hauntologique. Ces musiques traitant de la nostalgie et des tours que cette dernière joue aux souvenirs quand nous sommes en quête d' un avenir qui ne s' est pas réalisé. Quand le présent devient dystopique. Mark Fisher parle quant à lui toujours au sujet de l' Hauntology d'une "confrontation avec une impasse culturelle. L'échec de l'avenir". Les pertes des repères et des souvenirs provenant d' Alzheimer ne représentent-elles pas également une impasse et l' avenir une notion bien évasive ? Les personnes atteintes semblent enfermées dans une vision courte au jour le jour. Si ce n'est pas de l' instant à l' instant. En apparence. Un hauntologiste refuse d' abandonner l' avenir en évitant le même travail bêta des copieurs revivalistes de tout poil. Il décompose la musique du passé, la transforme, la parasite. Il n'est pas "nostalgique", il utilise la nostalgie du passé pour critiquer le présent et tenter d' amener un avenir plus radieux. Kirby a une autre particularité et pas des moindres pour être le plus à même de décrire la démence et l' oublie. C' est un ancien aide-soignant justement. Cela fait déjà pas mal de temps que Kirby a monté son projet The Caretaker. Rien que le choix du pseudo évoquait la mémoire et nos liens avec le passé, nostalgie et mélancolie. Référence au "Shining" de Kubrick et notamment aux dons de médium du mioche du film, un personnage susceptible d' explorer le passé. En 2011 avec " A empty bless beyond this world" il aborde une première fois Alzheimer avec tact et pertinence. Succés artistique et critique au rendez-vous. Mais comment s'y prend-t-il pour évoquer cette maladie? Comme souvent et dans la grande tradition Hauntologique il utilise des références du passé. Ici ce sont des samples plutot que des instrumentations jouées. Sample des musiques jouées dans les bals anglo-saxons des années 20 et 30 dont on possède les traces par l' intermédiaire de 78 tours. Après en avoir déniché un certain nombre Kirby n' a eut de cesse de mettre en boucle certains titres ou extraits. Est arrivé ensuite l' un des éléments majeurs dans son travail et celui de ses congénères hauntologiques (Burial, Belbury Poly, William Basinsky). Le bruit de la surface d' enregistrement. Les fameux craquements des vinyles tellement symboliques du passé à l' heure du mp3 sont amplifiés et ce très progressivement jusqu'à prendre toute la place. Jusqu'à en faire disparaître la musique. Cette dernière est ici, comme justement dans le traitement des personnes atteintes, appelée à enclencher nos souvenirs. Mais, par le filtre de la maladie (les craquements, la déformation du son), la perte des sens s' installe jusqu' à atteindre le point de non retour symbolisé par un silence pesant et l'unique présence des craquements et de la tête de lecture du gramophone. Nous sommes sur le dernier sillon du disque , celui qui ne mène à rien si ce n'est qu'à lui même. L' impasse. La métaphore parfaite. Avec ce travail méticuleux il réussit parfaitement à reproduire les procédés fragmentés et non probants de la mémoire atteinte d' alzheimer. Depuis 2016 il va encore plus loin en affinant son travail avec la série "Everythere at the end of time". Cette série doit comprendre 6 parties et nous en sommes qu' à la moitié. Une fois terminée, The Caretaker sera appelé à disparaître selon les dires de Leyland Kirby. Chaque partie doit représenter un stade particulier de la démence précoce. La phase 1 sortie en 2016 abordait les premiers signes de perte de mémoire. Il ne semble pas se passer grand chose sur ce disque comparé à "We, so tired..." sauf à quelques petits détails près. Des morceaux présent aux débuts reviennent à la fin, se répètent mais sous un autre titre. La personne chercherait-elle ses mots, leur signification? L' ambiance reste cependant plus radieuse, favorable. Nous ne sommes confrontés qu'aux bons souvenirs et aux grands moments de nos vies. Mais qu' advient-il quand nous ne sommes plus capable de favoriser ces "bons" souvenirs pour faire face aux difficultés de la vie quotidienne. Quand le puit s' assèche et qu'il ne reste plus que de la vase mémorielle à sucer pour subsister. Ce que l'on voulait oublié et qui devient l' ultime canne . Mais une canne prête à se briser et possédant une poignée truffée d' épines. La phase 2 (Avril 2017) décrit une chose rarement abordée au sujet d' alzheimer et de bien d' autres démence. Quand la personne atteinte repère les premiers signes. Plus la mémoire s' efface et plus l' humeur devient négative. Le "black dog" de Churchill s' installe. La dépression précède le refus puis parfois l' acceptation attristée. Leyland Kirby commence à se lâcher sur cette phase en terme de rajout de sons aux samples et de manipulation. L' ambiance se noircit. L' heureuse nostalgie devient triste. Arrive la phase 3. La plus manipulatrice et intéressante. Et aussi la plus porteuse de promesses sonores quant à la suite de la série. Le brouillard s' installe définitivement. Les éclaircies dans le traitement du son de la précédente phase diminuent fortement. Les boucles se répètent plus fortement, le tempo ralenti fortement et de brèves accélérations viennent trahir de probable énervements dus à l' incompréhension face à un extérieur devenu inconnu. La suite, les phases 4 et 5 devraient être publiées courant 2018 et le projet se clore définitivement avec la 6 en Mars 2019. Leyland Kirby aka The Caretaker par sa maîtrise et son talent offre une nouvelle fois une oeuvre gigantesque, tortueuse et absolument pertinente. Comme toujours avec lui l' auditeur se retrouve confronté à une musique à la fois simplissime dans les apparences mais aussi très difficile d' accès si le contexte n' est pas posé. Un projet de longue haleine, donc fatalement à contre courant de l'immédiateté et du zapping dominant. Un disque nécessitant une écoute très attentive et endurante mais certainement le plus abouti et le plus essentiels des travaux sonores sur ces pathologies que la musique nous a offert. On va parler ensuite de cette bombe qu'est "Toute la musique que j' ai rêvé". Docu "bombe" où vous explose au visage le rôle thérapeutique de la musique pour lutter contre Alzheimer et bien d' autres types de démences. Et ce, d'une manière bien plus approfondie que les rares reportages franchement caricaturaux et réducteurs que nos chers médias français daignent offrir. Il y a très longtemps que je rêvais de vous parler du documentaire passionnant sorti aux States sous le titre de "Alive inside". Je l' avais déjà visionné mais jamais en version traduite et il demeurait du coup difficilement accessible à un grand nombre de nos compatriotes. C' est chose faite grace au site de streaming de la chaine Arte. Documentaire disponible gratuitement ici en version française Sélectionné au festival de Sundance en 2014 ce film fit l' effet d' un petit cataclysme outre Atlantique. D' abord par les apports possibles de la musique pour lutter contre les conséquences du vieillissement ou de certaines pathologies mais aussi, ce qu'il révèle du sort réservé aux "vieux" dans nos sociétés occidentale . Et de la catastrophe à venir. Loin du mélange constitué d' angélisme, de lamentations ou autre tires larmes franchement nunnuches et édulcorés que l'on peut percevoir dans les docus par chez nous. Entre espoir face à de probables aides en matière de réconfort si ce n'est de guérisons et totale honte face aux comportements de nos pays et aux conséquences des diverses politiques néo-libérale menées un peu partout. On pourrait émettre des réserves en constatant que le triste tableau qu'il dresse sur le sort réservé aux "vieux" est celui des Etats Unis mais je peux vous affirmer que la France n'a pas vraiment à la ramener. Et que ça empire malgré quelques progrès et exceptions trompe-l'oeil. Le séquence d' ouverture peut paraître un peu trop Too Much mais je peux vous assurer qu 'elle est bel et bien issue du réel. Nous voyons une dame se rappelant de pas grand chose de sa vie puis en quelques secondes ce bon vieux Louis Armstrong vient à son secours et la voilà nous racontant avec précision son passé. Tout au long du film ce petit miracle qui n' en est pas un, juste le fruit d'une connaissance approfondi de l' humain et du retrait de certaines oeillères, se reproduit. Ma préférence pour des raisons bien précises et utiles dans l' avenir va à la séquence de Marylou. Marylou qui ne retrouve pas le mot pour désigner une cuillère ni même à se souvenir à quoi peut bien servir ce machin. Les signes dépressifs sont évidents et sa tristesse immense pendant l' interview. L' humain , qu'elle reste, semble disparaître sous nos yeux dans les tunnels obscurs de la mémoire. Les portes se referment. Et bien observez ce qu'il se passe quand Cohen lui met un casque sur les oreilles avec la musique de sa jeunesse. Le traitement du son de cette séquence est parfait. On pose le casque et on lance la musique. Le son est d' abord filtré évoquant ainsi une certaine distance, une séparation. L' attaque par les choeurs du fameux "Round round get around" semble être le bruit de quelqu' un qui frappant à la porte Le son s' éclairci, devient plus "réel", plus proche, et surgit un "waou" sidérant quand l'orchestration entre en jeu. Ce "waou!" tel celui du bébé illustre un véritable retour à la vie. Cette séquence qui ne respecte en rien les reportages caricaturaux permet également d' annoncer ce qui va se passer dans nos Ehpad. On peut ainsi percevoir le petit espoir que certains d' entre nous placent envers les futures générations de résidents et le rôle encore plus majeur de l' utilisation des musiques "pop". Les Babyboomers arrivent. Quelle autre génération que celle-là a eut accès le plus facilement à la musique. Bien évidemment les plus âgés écoutaient aussi de la musique mais les occasions étaient plus rares, les moyens (techniques) moins démocratiques. Les babyboomers ont été les premiers a avoir accès plus facilement à la pop culture. Au point d' y vouer un véritable culte. Par son apparence Marylou casse donc l'image que vous vous faites des "mémés" atteinte d' alzheimer et devient le marqueur du tournant. Ensuite il y a la musique qui enclenche la machine. Elle ne date pas des temps anciens, l' avant guerre ou son immédiate suite, les 50's. Elle a une connotation particulière. Une musique qui symbolise bien plus que la seule et unique jeunesse personnelle de Marylou. Ce titre du génie Brian Wilson avec ses Beach Boys illustrera pour toujours les changements intervenu à partir des 60's. L' émancipation d'une jeunesse et plus tard celle des femmes et de bien d' autres composantes de la société . Marylou a vu ça, y a participé. Arrivée dorénavant à l' âge de la confrontation avec la dépendance, les "Marylou" et leurs aidants vont certainement être moins corvéable à merci que les précédentes. Les goûts seront beaucoup plus divers et variés. Aux soignants aussi de changer de disque, l' âge d'or du musette et de la guinguette dans les maisons de retraite vit ses dernières heures et les souvenirs des yéyés pointent déjà leur nez. Comme le révèle une récente enquête les musique entendues et écoutées aux alentours de nos 14 ans semblent être celles qui s'inscrivent le plus durablement dans nos cerveaux. Inutile d' aller voire dans nos ehpad, ces constatations on peut les faire soi-même. Souvenir ému d'un fan d' Heavy Métal quadra à qui on aurait même pas osé faire écouter un titre de Nirvana car jugé trop "mou" mais qui tomba dans une sorte de transe nostalgico-gaga dès les premières notes d'une vieille merde du top 50 (Jeanne Mas). A quand un questionnaire bien plus avancé qu' actuellement portant sur ses goûts musicaux à chaque entrée de résident. Et si la famille ne peut répondre il y a dorénavant suffisamment d' archives et de banques de données sur le net pour trouver ce qu' ils étaient susceptibles d' écouter vers leurs 14 ans. Kant: "La musique est la langue des émotions" Et pas que! Quand le réalisateur Michael Rossato-Bennett nous montre le parcours du combattant du travailleur social Dan Cohen pour développer ses travaux sur la musicothérapie personnalisée avec ses sidérants effets bénéfiques nous sommes pris par la colère et l' incompréhension la plus totale face aux directeurs d'institutions expliquant que cela n'est pas possible pour d' uniques raisons budgétaires. La monstruosité néo-libérale explose aux visages. D' autant plus que l' auteur aux travers d' interviews (dont celle passionnante du neurologue Oliver Sacks) et de démonstrations bluffantes démontre l' aspect bien moins onéreux de ces pratiques face aux traitements pharmaceutiques. On peut creuser le trou de la sécu à grand coup de substance issu des labo mais pas moyen d' obtenir quelques euros pour l' achat d'un lecteur mp3 individuel. En France on fait plus fort, on peut dépenser pour le jardin devant l' ehpad, le fameux plan alzheimer qui n' est devenu qu'un cache misère, mais dès qu'il est question d'une hausse d' effectif des soignants, ce que nécessite d'ailleurs la musicothérapie personnalisée, dégagez y' a plus rien dans les caisses. Entre poudre aux yeux et déni total. On dira juste que nos élites si intelligentes qu'elles le croient sous estiment les moyens nécessaires et encore plus les enjeux à grand coup d' économie de bout de chandelle. Enjeux de civilisation face à de bien moribond et déconnectés choix économiques dictés par un dogme suicidaire. Du coup aux States comme en France la musique se consomme collectivement au sein des structures parce que la spécificité des travaux de Cohen par la personnalisation avancée est impossible dans la plus part des institutions. J' ai personnellement la chance de la voir être pratiquée mais trop peu, faute de temps, d' argent, de personnel. "Alive Inside" est d'une grande richesse parce qu'il dépasse aussi le simple sujet de la musicothérapie. Par un petit rappel glissé au beau milieu du docu Rossato-Bennett démontre que bien avant les progrès scientifiques les peuples connaissaient déjà les qualités thérapeutique de la musique. Certains guérisseurs dans la tradition africaine étaient des musiciens et utilisaient leur instrument comme d' autres leur grigri. Une nouvelle fois on se retrouve face au lavage de cerveau culturel de l' occident que j' avais abordé il y a longtemps au sujet de Debussy et du gamelan javanais. La partie abordant la relation étroite entre tout être humain et la musique depuis la nuit des temps et leur naissance est l'une des clés du documentaire. La musique est un phénomène physique avec des conséquences sur nos petites cervelles et nos corps. L' aspect tribale est une notion importante. Mais je doute fort qu' au pays de la "chanson", là où la musique est prise en otage par les poètes de tout poil, on se rende bien compte des effets de tout son. De toute sorte de musique. Faute de temps je n'ai abordé que la technique consistant à retrouver la musique de leur jeunesse. Il y a aussi bien d' autres manières, parfois mélangées, pour aider les personnes atteintes. Un jour je vous parlerai des fantastique découverte faites très récemment au sujet des effets des ultra sons sur nos petites cervelles et certains genre comme l' ambient. On arrive déjà à alléger la douleur engendrée par des soins en faisant appel à la musique ambient mêlée à des techniques provenant des dj tel que la manipulation des Bpm. Ce documentaire nous montre que nous en sommes qu' aux balbutiements et que la musique est amené à jouer de plus en plus un grand role dans la prise en charge des patients atteints. Un rôle encore trop sous-estimé. Parfois par le personnel soignant, souvent par les institutions sauf dans des objectifs d' image de marque, mais aussi et peut être le plus gènant, par les amoureux de cet art et les musiciens qui ont un très grand rôle à jouer.