Depuis la création de ce blog je ne cesse d' avancer cette constatation, le salut du rock et plus particulièrement celui de ses guitares passe par le post-punk entre autres choses. Mais alors que Idles balance son deuxième album et rencontre un succès critique et "populaire" hallucinant, tout deux mérités, un goût amer reste dans le gosier. "Dans un premier temps !" aurais-je du écrire plus souvent et d' autres de l' affirmer plus clairement en ce qui concerne le salut. Parce que tout réussit qu'il est le IDLES s'il affiche une volonté de changer les choses ne va pas pour autant tuer les poisons actuels de la scène rock actuelle et d'une partie de son publique, leur cynisme et cette horrible ironie de gens bien retranchés dans le passé et leur petit monde.
Ce post-punk est semble-t-il le courant qui subit le moins les affres du revivalisme. Celui que la patine du temps néo-libérale n' arrive jamais tout à fait à édulcorer ou rendre totalement inoffensif par l' effet gentillet du vintage nostalgique(cf le garage pour ça). Mais attention ce processus est inévitable et comme il est déjà en cours il deviendra fatalement problématique. N' est-ce pas déjà le cas et ce qui justifie cette chronique de IDLES. C' était dans ses gènes au post-punk de tenir le route encore un temps tant l' aspect politique a toujours été prédominant. Mais pas seulement. Et le début du problème des IDLES commence ici.
Le post-punk signifie pour une personne comme moi bien autre chose que guitares énervées et paroles politiques et sociétales. Par la variétés de ses formes et esthétiques ce courant avait également une approche artistique franchement diversifiée à la vision très large. Pour les héros des origines la forme devait elle aussi à l' instar du fond nécessiter une accroche dans le présent et si possible dans le futur afin l' anticiper si ce n'est de le provoquer. Une esthétique vieillotte rendait toujours selon eux le message moins clair voir totalement infertile. Parti des guitares punk il s' est aventuré très loin et ,tel le parcours des Raincoats, jusqu' à les rendre méconnaissables ou carrément les abandonner. Public Image Limited avec "Metal Box" et "The Flowers of Romance" était et reste une ligne directrice. Incorporation d' autres influences, expérimentation et enfin une plus grande attention sur les ambiances. Le Post-punk est, et doit rester, la sortie de secours de toutes salles de rocks et bar quand ces derniers deviennent des ghettos sociaux et stylistiques. Le Post-Punk n' a pas échappé au revivalisme vintage à l' orée des 00's. The Strokes, Interpol et LCD Soundsystem (pour la version dansante) portaient en eux le germe mais tous ces groupes mettait l' attention sur les aspects pop et indie rock "classiques". Petites trahisons que l'on pardonna un temps jusqu'à ce qu' elles se révèlent être un retour en arrière sans grande réflexion teinté de cynisme et d'ironie parfois. Le volet politique se fit de plus en plus franchement en roue libre et finit même parfois par disparaître. Succès publique assuré mais lifting consumériste le rendant franchement inoffensif malgré les volontés affichés de ses acteurs que l'on se contentera de nommer de "doux naïfs". Ou de pointer du doigt leur origine sociale et celle d'une partie du publique.
Dès 2010 le politique et une version plus abrupte, souvent aussi plus prolo pour les origines de ses artistes, mais reluquant toujours les origines rocks et punks émergea et DWTN vous en parla avec Iceage, Savages, Ought, Total Control, Viet Cong (Preoccupations), Protomartyr, The Fat White Family dans un sens, Shame etc etc. Mais à côtés de ce nouveau revival le blog aborda, bien plus souvent, une multitude d' artiste et courants en apparence éloignés mais qui portaient très haut l' étendard et la volonté de changement autrefois détenu par le post-punk. Not Waving en électro, Carla Dal Forno et tant d' autres. Même la démarche critique et expérimentale d' un James Ferraro, d' une Holly Herndon ou d'un Daniel Lopatin comporte l' héritage post-punk originel .
Donc voici IDLES qui débarque toutes guitare hurlantes et décapantes. Première remarque, ce retour d'un post-punk plus "underground" et politisé n' est plus autant tonitruant qu' à l' époque des premiers Iceage, Savages ou Women. La nouveauté a disparu et IDLES s' inscrit en queue d'une liste déjà longue appelant à la lassitude. Ce qui les sauvent du tout-venant c' est malgré celà le sentiment éprouvé à leur découverte d'une certaine fraîcheur. Les voir en live ne peut laisser indifférent et faire bailler. Puissance et vitalité exemplaires. Ils possèdent également une assez forte personnalité pour sortir du peloton de revivalistes. Le look n' est pas un copié-collé de Mark E Smith, Tom Verlaine ou Ian Curtis comme ceux des 00's. Les postures des guitaristes expliquent bien à elles seules que IDLES a su intégrer des choses apparu après l' âge d' or. Lookés 10's respirant une certaine envie de s' éclater malgré tout (oui je sais,du revival 80's quand même). On semble ainsi par instant retrouver chez IDLES ce penchant assumé pour un certain hédonisme traduit en vêtement et résolument engagé sur le fond que d' autres prolo anglais affectionnaient à la fin des 80's. Les Stone Roses en tête et les mouvements baggy et Acid quand la morosité et le côté cul-bénit d' un Morrissey commençait à dévoiler son isolationnisme. IDLES rvendique ouvertement leurs volontés optimistes et rien que ça c' est déjà un bonus comparé aux James Murphy de tout poil.
Le post-hardcore de Fugazi ou Hüsker Dü et la Math-rock de Shellac sont d' évidentes influences vu la hauteur des guitares. Un chanteur qui déambule en permanence de long en large de la scène tel un MC du Rap prêt à affronter le public ça nous change des piquets 00's coincés derrière leur pied de micro. C 'est bien un type qui est apparu après et qui a intégré dans sa culture perso le hip-hop et tout ce qui en a découlé. Il se proclame fan de Kanye West et de Grime. Et puis il y a la voix du bonhomme. Celle de Joe Talbot. Leader charismatique dans la plus pure tradition post-punk des Lydon et Smiths. Intelligent et fin observateur à la volonté affichée d' en découdre il apporte une certaine sensibilité touchante. Dans le premier album paru en 2017 un titre m' avait ému tout en remuant ma fibre politique. Son "Mother" était un hommage vibrant à sa mère infirmière récemment décédée doublé d' un violent manifeste contre les politiques néo-libérales qui détruisent les système de santé et leur personnel. Un aide-soignant en Ehpad ne peut que lui dire merci tant le sujet ne semble pas réellement intéresser ses congénères. Dans le tout récent "Joy as an act of resistance" on retrouve tout cela et plus. Des thématiques bien encrées dans l' époque tel l' immigration, le brexit mais aussi le retour flippant d'une certaine virilité masculine, les éternels souhaits des parents jugées parfois réac ou trop conforme au dogme néo-libéral. Il identifie très bien et met en avant certains maux et danger sociétaux pour l' avenir tel l' agonie des centre villes tout comme certains comportements héroïques dans le quotidien et ce en échos à "Mother" sur les soignants. Talbot à la suite de Jason Williamson décrit particulièrement bien aussi la diabolisation rampante de la classe ouvrière et d'une grande partie de la population dans les médias et ailleurs. A ce sujet de la diabolisation du "peuple", dans le ailleurs, ne faut-il pas aussi un peu observer un peu plus le comportement de la faune des salles et festivals de rock? Certaines attitudes élitistes, snobinardes, postures sociales et isolationnistes? Même chez certains fans des Idles . Encore ces espèces de quiproquos, ambiguïtés voir petits arrangements bien visible en France qui me rappelle ceux constatés au sujet d' un Ariel Pink Et John Maus. Quand le côté vintage masquait au regard de certains nostalgico-gaga ghétoïsés la démarche Hauntologique.
Mais seulement voilà. Si ce disque des IDLES est totalement réussi par instant, il n' en demeure pas moins qu' il possède malgré de grands moments des tares à l' image de l' ennui qui peut s' emparer de l' auditeur sur la longueur d'un album. Curieusement, ou peut-être pas, c' est quand ils abandonnent la frénésie Hard-Core et Math-Rock qu' ils accèdent à une nouvelle dimension. Quand un certain post-punk kiffant l' ambiant refait surface accidentellement. Quand la vitesse ralentie un peu quelque chose de bien plus rafraîchissant se dévoile mais c' est rare et la vitalité du reste peine à voiler une certaine répétitions stylistiques du passé. Leurs versions du rockab ou du revival Mods des 70's font franchement trop garage revival à la Thee Oh Sees pour être passionnant et portent en elles tout ce qui peut attirer les cyniques en tout genre jouant le double-jeu.
Il y a donc bien un truc qui coince. Stylistiquement malgré l' amour pour le hip hop ou le grime, leur ville d' origine Bristol et son passé de brassage de style et le fond politique actualisé pertinent, leur musique sonne résolument trop vintage et raccroche Idles vers le passé et la niche sociale et stylistique du petit monde du rock à guitare contemporain. Parce que IDLES lorgne fondamentalement dans le passé musicalement les visées futuristes de prise de conscience puis de marche en avant de la lutte ont quelques peu du plomb dans l' aile. Ils luttent réellement, ne font pas semblant, ont bien identifié l' ennemi mais se sont totalement plantés sur le choix des armes qui se retournent contre eux. Si ils sont lucides sur bien des choses on ne peut s' empêcher de constater une certaine naïveté franchement embarrassante. La technologie moderne n' est pas abordée par exemple ou si c' est le cas c' est d'une manière un peu "nez pincé". Absente dans le son, le choix des armes disais-je, comme dans les paroles. Alors qu' ils le veulent ou non, elle a un impact considérable sur notre quotidien, pour le meilleur comme pour le pire et surtout pour les musiciens qu'ils sont, c' est l' un des outils essentiels pour pouvoir moderniser leurs armes. C' est une tare récurrente du vintage, soit réfractaire ou soit coupé du monde en ce domaine terriblement important. Après il y a aussi qu' arrivé au deuxième album les IDLES commence déjà à se répéter musicalement quand ce n' est pas Talbot qui donne des signes de facilité par l' usage de banalités. Franchement le coup du "ce flocon de neige va devenir une avalanche", c' est carrément du niveau d' un Jean Jacque Goldman des restos du coeur qui ferait simplement gausser Brigitte Macron et Stéphane Bern autour d'une tisanne. Trop bisounours pour correspondre à la réalité et être réellement productif. Convertit que les convaincus et Williamson des Sleaford Mods de régner sur le trone du songwriting post-punk et de la poésie prolo pour un bon moment. Bref vous l' aurez compris, j' adore les Idles, leur disque est à écouter et j' ai un respect totale pour eux mais seulement voilà! Ce que j' attendais du post-punk à guitare sur le retour c' était qu'il permette qu'on sorte définitivement de la spirale revivaliste et de la niche stylistique et sociétale dans lequel le rock indie s' est enfermé depuis les Strokes. Que les guitares se remettent à expérimenter à nouveau afin d' innover et trouver un vocabulaire pertinent pour notre époque. Qu' elles échappent à leur passé. Kevin Shields a 55 ans et Thurston Moore vient de fêter son soixantième anniversaire et depuis leur heure de gloire les guitares n' inventent plus. IDLES a raison sur le fond mais son choix esthétique s' avère totalement inopérant si ce n'est pas être un cul de sac créatif. Non, IDLES ne va rien changer avec son Post-punk si ce n' est que rendre hommage et perpétuer une déjà trop longue tradition. Par contre, les Lotic, Arca, Amnesia Scanner, Yves Tumor, Rabit, Non Worldwide et tant d' autres, tous ces gens dont je parle sans cesse, eux, ils ont effectué le bon choix des armes. Ils parlent des même sujet que Joe Talbot, mais en plus précis, et vont même bien plus loin. Il a raison Talbot quand il enfonce les portes ouvertes avec "je mets les homophobes dans des cercueils" et les racistes c' est des méchants parce que l'on est tous pareil. Mais franchement, les réflexions d' un Lotic ou Arca sur le genre, celles d'un Tumor ou de NON Worldwide sur la colonisation et les races, ça vole franchement plus haut et se révèle bien moins facile à caricaturer et à réfuter par les salops. Et que dire du fait que IDLES comme tous les autres groupes à guitares se refuse à toucher là où ça fait mal, les visées passéistes du genre. Ariel Pink, Maus et Lopatin pour l' électronique ont bien su trouver le chemin du questionnement et le courage pour tenter de trouver des solutions. Pourquoi cette obstination et cet aveuglement? Pourquoi cette course folle contre le mur de la redite de la part des amoureux de cet instrument?