THE NEW EVES, les sorcières nous ont toujours voulu du bien.
- Jojo Lafouine
- il y a 41 minutes
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Cette musique peut sembler à la fois bien commune et étrange à sa première approche. Comme si vous croisez une vieille connaissance mais quelque chose détonne. Un quelque chose ma foi fort agréable. Un changement a eut lieu et vous êtes bien incapable de savoir ce que c' est.
Le premier album de The New Eves fonctionne de la même façon. Il y a une évidence puis elle disparait comme par magie et nous errons en territoire et époque inconnu . Le temps est passé et la personne que vous retrouvez porte en elle aussi le présent.
Ou, et Lynch avait raison, le temps est devenu glissant de nos jours.
Il y a quelque semaines de ça je suis tomber sur un documentaire évoquant le sort réservé aux sorcières. Il était question de bucher, de massacres et de croyances. On prenait une fois de plus conscience de ce qui se cachait derrière la mise au banc, les accusations fallacieuses à l' encontre de ces femmes allant jusqu' à ce que l'on doit bien appeler des féminicides de masse (plus de 60000 assassinats au Moyen Âge). S' il y a bien eu des hommes accusés de sorcellerie au Moyen Âge selon les historiens plus de 80% des jugements et condamnations concernaient des femmes. On pige pourquoi le mouvement féministe reprenant du poil de la bête (Lisez Mona Cholet) s' est emparé du sujet tant le documentaire démontre qu' en fait le seul tord de ces victimes du patriarcat et de la religion était d' être des femmes un peu trop libre et indépendantes pour leur époque.
The New Eves puisent leur inspiration dans la tradition ancestrale britannique en évoquant par leur paroles et leur look ces femmes dites alors "sauvages". Leurs robes blanches et beaucoup de leur photos évoque le cliché des jeunes filles gambadant pieds nus dans les champs et pratiquant des rites païens. D' adorables hérétiques. Cliché souvent teinté d' un érotisme terne car bien sûr détourné par le patriarcat. L' an dernier nous avons rencontré déjà ce phénomène de réappropriation du passé britannique ancestrale dans la géniale musique de TRISTWCH Y FENYWOD (ici) puis plus tôt cette année avec une Circuit Des Yeux ou Masma Dream World selon un prisme plus mondiale. Dans ce blog on peut également remonté à Gazelle Twin et son "Deep England".
Les New Eves, nom tiré d' un roman d' Angela Carter grande figure féministe d' Angleterre, vont nous prévenir de l' apocalypse à venir et se présentent comme des sauveuses d'un monde retombant dans les travers et la misogynie Moyen Âgeuse. Bien sûr qu' elles abordent le féminisme mais d' une façon à la fois subtile et imparable. Si le premier titre fait office de manifeste les suivants paraitront plus flous et plus surréalistes jusqu' à ce qu' un mot, une intonation reprennent un flambeau caché un instant par la poésie. Pas donneuses de leçon mais prescriptrices. Les paroles évoquent fréquemment la multiplicité de la féminité moderne. Musicalement il en va de même avec ces quatre femmes de Brighton. Avec elles aussi le temps est devenu glissant tout comme les frontières stylistiques. Bien sûr qu' elles piochent allègrement dans le Folk britannique mais leur musique se révèle bien plus moderne. Leur approche de la Folk est franchement sinueuse. Elles n' ont pas opté comme d' autres pour une version aseptisée et momifiée. L' étrangeté typiquement britannique provenant de la nuit des temps teinte de mystère les paroles et la musique. David Tibet de Current 93 n' est jamais bien loin avec son Wyrd Folk, une version fort imprégné de mysticisme et d' un goût particulier pour l' horrifique. Dans ce domaine The Incredible String Band et Comus ont aussi été écoutés.
The New Age ne sont pas contentées de ce seul terreau. D' une seule époque. Une influence plus proche dans le temps et bien plus éloignée géographique apparait évident. The Velvet Underground. Les cordes frottées, torturées, dronesques ne peuvent qu' évoquer celles de John Cale. Mais comme le faisait remarquer un critique britannique, cette technique novatrice prouve encore en 2025 ce que racontait Brian Eno et fait taire les mauvaises langues réécrivant l' histoire: "The first Velvet Underground album only sold 10,000 copies, but everyone who bought it formed a band." La batterie saisissante est elle aussi fille de celle de
Moe Tucker et la poésie déclamée de la sorte sert de marqueur absolu Reediens.
Mais c' est encore plus compliqué que ça. Avec une assurance certaine ces dames sont allé piocher dans le Post Punk ou le Proto Punk du côté The Fall ou les Modern Lovers l' aspect répétitif et certaines approches textuelles de Mark E Smith. Mais aussi les côtés sauvages des Slits et expérimentateurs des Raincoats. Parfois ce sont des guitares étonament 90's qui citent Pavement ou Sonic Youth quand votre serviteur pense fortement à Electrelane. Je parlais de Proto Punk, de féminisme et de poésie, on ne peut que citer Patti Smith.
Les New Eves sans vraiment aller loin dans l' inconnu dévoile cependant une personnalité rare et sont finalement incomparables. Maîtresses dans l' art de l' hybridation elles brillent aussi par un songwriting qui, si il ne révolutionne pas, surprend assez régulièrement par certaines structures. Ce disque qui peut apparaître comme d' un gentillet exotisme chronologique et culturel aux premiers abords gagne assez vite en puissance et en devient tout à fait moderne
Ce "New Eves is Riding" s' empare de la tradition, l' ensauvage, l' actualise et la poétise jusqu' à faire de cette vieille Folk un objet vivant. Pas un artefact poussiéreux sorti d' un musée et devenu anachronique.
Premier album et franche réussite, on attend la suite avec impatience.
Le temps est bel et bien devenu glissant. A nous de l' attraper pour ne pas le laisser entre les mauvaises mains qui renverront les femmes sur les buchés Moyen Âgeux.
Et en prime leur dernier single sorti en Septembre et absent de l' album.













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