Après un premier album en apparence sans surprises mais assez intriguant et complexe la formation provenant de Los Angeles revient avec l' émerveillant "Free Energy".
La divine surprise du moment en provenance d' un rock Indie qui voit se poursuivre son fragile renouveau artistique.
Depuis sa sortie en 2021 "Mandatory Enjoyment" des Dummy se révélaient être l' oeuvre d' une formation au style et à la personnalité difficilement classables. Un disque bien plus sibyllin qu' il n' y paraissait. Une sorte de cheval de Troie. Avec ses rythmiques Krautrock, ses claviers évoquant la Pop 60's et la musique Lounge, il paraissait évident que l' on avait affaire à des fans de Stereolab et parfois Broadcast et pas vraiment à une énième formation sans réelle personnalité adepte de la copie facile d' illustres aînés? Les neuneus adeptes du vintage se ruèrent sur "Mandatory Enjoyment" sans réellement saisir la portée de ce disque. Faute de détenir le mot clé caché par la référence Stereolab.
Pour les habitués de ce blog, avant d' être une simple lubie Rétrogaga 90's Indie Pop gentillette, Stereolab est surtout l' un des groupes précurseurs de l' Hauntology aux côtés de Broadcast. Je vous invite à vite vous jeter sur ce vieux post de 2016 (ici) ou à taper dans le moteur de recherche du blog le mot clé justement. On rappellera juste ici que la Hauntology Music se différencie de l' exercice rétrogaga simplet car il interroge le présent en utilisant la nostalgie non pas pour son seul intérêt réac de doudou mais pour évoquer un futur qui n' a pas eu lieu en tentant de reconstruire un utopisme perdu à l' heure du néolibéralisme triomphant. La composante Rétro-futuriste de Stereolab n' était pas seulement un simple déguisement vintage mais plutot une tentative de redonner goût à l' avenir par des gauchiste avérés refusant la terrible sentence ânonnée après la chute du mur de Berlin, "la fin de l' histoire". Le capitalisme a gagné et "There is no alternative" .
Avec "Free Energy" Dummy se révèle appartenir pour de bon à l' univers Hauntologique. Moins perfide que Dean Blunt, moins vintage et tordu qu'un Ariel Pink ou un John Maus (les deux représentant de la version ricaine que l'on appela "Hypnagogic Pop"). Ces derniers mois nous avons vu apparaître une pelleté d' artistes et formations jouant donc cette carte afin d' échapper au rétrogaga et interroger réellement sur le présent jusqu' à tenter de changer les choses. Dummy est la version Indie Rock et Pop d' une Bianca Scout (ici) ou de Space Afrika. Beaucoup plus fun mais non moins pertinent parce que fondamentalement le fruit d' expérimentations stylistiques et sonores. La palette référentielle s' est considérablement élargie avec ce deuxième album et sans que cela ne devienne un assemblage grossier cache-misère. Les rats de discothèque Dummy ont pris leur temps et dévoilent une certaine maestria dans l' art d' emprunter sans copier éhontément rejetant d' autres rats aux oubliettes tel les Horrors (pourtant assez pertinents par instant). Dès la sortie de "Free Energy" beaucoup de la critique neuneus conformistes du net se sont rués sur l'un des très rare buzzer référentiel mis à leur disposition par leur esprit simpliste, "Shoegaze!!!!!" . Suivi du nom du groupe qu'ils auraient probablement détester ou mépriser en 91, "My Bloody Valentine". Remarquez, ça change un peu de la tarte à la crème Post Punk. Un peu court bande de branleurs. Evidemment que le dernier Dummy a des senteurs "Loveless" mais elles ne sont pas caricaturales et enfin il faut veiller à préciser que le poids de la formation de Kevin Shields est axé sur un seul titre. Et quel titre. Avec des rythmiques délaissant le Krautrock pour aller se faufiler dans des univers plus dansant les Dummy rappelle l' importance du morceau clôturant "Loveless". Le gigantesque "Soon". Titre ultime pour votre serviteur, le pont ultime entre les deux courants majeurs de la musique Indie fin 80's début 90's. Deux courants portés plus ou moins aux nus et très vite raillés. Assassinés par une certaine vision rockiste et réac pour laisser la place net aux revivalistes dont la Britpop.
Mais deux courants aux portées considérables encore visibles de nos jours, le Shoegaze bien sûr et le Baggy Sound des Stone Roses, Happy Mondays et les Charlatans.
Il suffit d' écouter "Soonish" pour réaliser que les Dummy dans leur passion shoegaze sont allés là où si peu des prédécesseurs revivalistes du genre sont allés. Le dancefloor. On ne peut également pas clore ce pont entre la scène Shoegaze et Madchester sans parler des sous estimés Chapterhouse.
Mais réduire "Free Energy" à un simple changement de paramétrage nostalgico-gaga grossier en direction d'un seul autre courant du passé est une erreur comme le dévoile "Blue Dada". Avec son intro basée sur un rythme typiquement Baggy et ses voix éthérées qui font place à un retour surprenant du Krautrock accompagné de drones et larsens en tout genre ce titre résume parfaitement ce qu' est ce disque. Plus loin "Godspin" invoquera le Field Recording sur "Opaline Bubbletear" quand certaines senteurs New Age risquent vous surprendre au détour d'un "Opaline Bubbletear" avant de replonger chez MBV et Lush. Juste avant "Unshaped Road" laisse à entrevoir ce que donnerait un vieux banger Baggy Madchester entre les mains des Girl Band/Gilla Band.
Nos sommes confrontés à un Kaléidoscope foncièrement moderniste des 90's. Une vision déformée par le prisme de courants pas réellement associables à cette époque et qui ont la côte de nos jours car ils se sont renouvelés. Délaissant le rétro futurisme du premier album les Dummy opte pour le psychédélisme via ses textures sonores mais dans les us et coutumes de la composition on sent une approche qui a plus à voir avec l' Ambient et l' expérimentation. Certains sons vont réellement surprendre l' auditeur par leur nouveauté et la production joue un rôle très important pour se différencier du peloton tant elle ne cesse de tenter et de trouver.
Alternant ainsi des titres abrasifs parfois Noise Pop avec d' autres plus calmes et planant cet album psychédélique à la vision large et doté d' un songwritting hors pair à l' efficacité redoutable me rappelle un autre des 90's par sa richesse et sa diversité. Découvrir "Free Energy" en 2024 peut permettre aux jeunots de ressentir les même émotions perçues par le quinqua plus de trente ans auparavant à une autre de ces formations honteusement sous estimé. C' est la même sensation jouissive et addictive d' ouvrir une mystérieuse boite à surprise qu' autrefois avec le "Everything's allright Forever" des Boo Radleys.
Comme les Liverpuldiens Dummy révèlent non seulement être dotés d'une sincère et forte curiosité dénuée d' arrière pensée mais en plus savent partager leur savoir tout en l' enrichissant à leur tour. Peut être en plus charmeurs et trompeurs Dummy appartient bel et bien à cet petite galaxie de formations apparues récemment qui renouvellent enfin et véritablement l' Indie tel les merveilleux Still House Plant ou Squid.
Bonus, les ponts entre le Baggy Sound/Madchester et le Shoegaze
Comments