Dans le radar de ce blog depuis belle lurette Bianca Scout délivre enfin le grand disque espéré. Un bien étrange songe musicale dont on en sort pas indemne.
Cela fait 10 ans que le nom apparaissait régulièrement dans l' Underground. De Bianca Scout jusqu' à présent on ne savait seulement qu' elle possédait un sacré carnet d' adresse tant elle illuminait de sa présence les travaux des autres. Et quels "autres". Croisée aux côté des merveilleux Mica Levi, Coby Sey, Space Afrika, Klein et bien d' autres on prévoyait que tôt ou tard cette danseuse de formation souvent dans l' hombre allait à son tour avoir droit à la lumière de l' avant garde Ambient. Restait à savoir de quelle manière.
La native de Newcastle en est partie très vite pour rejoindre le Sud de Londres. D' abord connue pour ses prestations dans la sphère de la danse elle s' est donc très vite acoquinée avec le gratin cité plus haut. Suivrons trois albums solo sortis en catimini et encore très difficilement trouvables. Sans faire de bruit elle creusait son sillon. Souvent une Ambient à base de collage sonore lorgnant plus ou moins sur la Pop.
En parallèle on la verra collaborer en duo avec Martyn Reid au sein du projet Synthpop Marina Zispin ou encore aux côtés d' Elena Isolini pour une Ambient Pop aux senteurs Folk.
2023 marque un tournant qualitatif. Scout franchit un palier avec son quatrième, "The Heart Of Anchoress". Découvert trop tardivement par votre serviteur il en fallu peu pour qu'il tape l' incruste dans mon Top annuel.
"The Heart Of Anchoress" voyait Bianca Scout cesser de tâtonner pour atteindre une réelle maîtrise. Plus assurée elle délivrait une Ambient parfois Pop aux sonorités fortement Hypnagogic Pop mais finalement Hantologique parce que travaillant sur la nostalgie sans l' être réellement. (Pour les retardataires sur ce sujet allez ici et là) Enregistré en partie dans une église afin de bénéficier de son orgue cette musique éthérée ne cachait pas ainsi l' influence de la nostalgie sur son autrice mais évitait que ce sentiment commun à tous ne devienne donc un refuge définitif s' approchant en définitive d' une prison . Bianca Scout n' effectue pas un repli sur le passé mais affronte le présent tout en domestiquant les spectres musicaux d' autrefois.
Le récent "Pattern Damage" fait plus que confirmer la progression opérée par le précédent. Il l' accélèrent et la renforce. La palette stylistique dévoilée sur les dix années écoulées s' est concentrée en seulement 12 titres et ce avec une maestria rare. Electro Dark ("Desert"), la Musique de Chambre ("Forest Spirit" et "Lead Us") ou la DreamPop Lo-Fi. À certains moment on peut penser à l' Illbient quand en parallèle l' utilisation des techniques Chopped & Screwed confirme la largesse d' esprit et la curiosité de Scout. "Passage" est un clin d' oeil R&B appuyé à la version alternative du genre que nous offrent le duo magique Tirzah et Mica Levi. C' est donc une Ambient Pop bien plus complexe qu' elle en a l' air lorgnant sur la musique Classique mais surtout imprégnée de l' esprit Post Punk.
Et c'est peut être bien cet état d' esprit qui fait tout le charme quand il est au service d' une musique faussement rêveuse et pas rétrogaga.
Bianca Scout affronte sans fausse pudeur l' époque de troubles profonds que nous vivons, cette succession de trop plein numérique et de vide existentiel comme l' illustrent ses paroles incisives assez détonante dans l' Ambient. C' est à la fois hypnagogique et anesthésiant mais surtout pas soporifique quand Bianca Scout nous raconte un terrifique présent dystopique et technocratique. Selon ses dires ce disque aborde les traumatismes et l' importance des réponses qu' on leur apporte. Des réponses qui parfois ne poursuivent qu' une boucle infernale quitte à entraîner des traumatismes chez les autres et soi même.
J' ai beaucoup penser à Leyland Kirby aka The Caretaker tant la musique de Bianca Scout possède ses senteurs et sonorités profondément Hauntologic. Mais à la différence de son compatriotes ce n' est pas vraiment une relecture d'un passé lointain et identifiable affirmant la disparition d'un futur (Derrida) mais l' utilisation d'un passé flou dépourvue d'une vénération isolationniste pour mieux décrypter et traverser le présent. Moins cynique, plus combatif. Album d'une beauté foudroyante "Pattern Damage" s' inscrit parfaitement dans le renouveau apporté par une certaine scène britannique expérimental les pieds bien encrés dans le bitume de nos villes. Les Space Afrika, Klein, Coby Sey ou encore Tirzah. Il est à noter qu' après Space Afrika, Jack Muir et la très étrange Hip Hop Ambient du non moins bizarre Yungwester le jeune label mancuniens Sferic tape fort encore une fois et ravive à merveille la flamme de l' histoire musicale tant vénérée ici de cette cité anglaise et est appelé à devenir une boussole essentiel pour la musique britannique dans son ensemble.
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