J' ai très peu écrit sur Sleaford Mods. Peut être parce qu' à mon esprit c' était une évidence, Sleaford Mods est le plus grand groupe du monde. Chacune de leur sorties n' avaient pas de réelles chroniques mais les classements annuels les comptent dans leurs rangs systématiquement. Peut être pas toujours à la place qu'ils méritent mais les Sleaford et la passion que je leur porte s' en passe largement.
(Pour ceux qui connaissent pas allez voir ici pour plus de précisions.)
Peut être aussi, et surement, parce que Sleaford Mods bénéficie depuis des année d' une bonne petite portée médiatique malgré une certaine ambiguïté chez certains critiques. Et ici on préfère parler longuement de ce qui n' est pas abordé ailleurs. Mais il est venu le temps d' afficher haut et fort les couleurs de mon club préféré. En ce qui concerne les Sleaford Mods et histoire de clarifier. Ces deux gars sont la plus belle chose arrivée à cette musique anglaise que je chérie tant depuis toujours. Musique anglaise plus vraiment le phare ultime du monde tant elle aussi s' était embourbée depuis trop longtemps dans la redite, le vintage racoleur et la médiocrité politique. Leurs atouts? Une personnalité très forte, une indépendance d' esprit à toute épreuve, l' expérience de la vie de deux quadras, une acuité politique fantastique et surtout, un talent musicale fantastique doublé d'un solide refus de la redite .
Groupe inclassable à l' influence certes indiscernable parce que pas facilement imitable mais profondément puissante. Ils sont là depuis 2007 et le seront encore quand tous les petits jeunots du Post post Punk se seront cassés les dents sur notre monde de brute ou se seront empêtrés dans leurs faux semblants et leurs petits compromis. "Space Ribs" est leur onzième album et peut être leur meilleurs. C 'est ce qui commence à se lire depuis quelques jours sans que justement les critiques étonnés de la longévité du bordel remarquent que cela fait onze albums que les Sleafords sont en constante progression. Et sur ce point-là il y a beaucoup de choses à dire ou écrire. Pour certains critiques Sleaford Mods n' étaient-ils pas qu' une gentille incongruité musicale et sociale? Un truc fait de bric et de broc au charme exotique estampillé "Populo"? Un truc appelé à vite devenir lassant et ennuyeux après que la fraîcheur des débuts se soit envolées? Comme-ci cet aspect populo et son côté minimaliste était synonyme dans l' esprit de certains d'un manque d' imagination, de remise en question et bref ... de réflexion. Certains préjugés de certaines classes sociales ont la vie dure et les bourges de s' étonner de l' endurance artistique de ces deux ploucs déjà vieux quand ils défendent d' autres bourges artistes qui n' ont plus grand chose à dire depuis longtemps.
L' accueil de "Space Ribs" révèle également que les critiques sous-estimait le rôle, et surtout son talent, du type immobile avec une main dans la poche l' autre tenant une binouse derrière Williamson pendant leur prestation. Une espèce de Guy Debord prolo anglais anti société du spectacle. Quand certains à force de gesticulation scénique tentent de prouver un talent de musicien hors pair parfois imaginée à la coolitude étudiée pour faire le spectacle ce mec se contente d' appuyer sur une touche sans en faire des tonnes sur son réel génie musicale. Depuis trois albums c' est Andrew Fearn qui propulse un peu plus la fusée Sleaford Mods encore plus haut à force d' originalité et de changement de cap. Jason Williamson quant à lui reste au niveau qu' il avait depuis longtemps. Celui du meilleur chroniqueur satirique de notre époque. Andrew Fearn fait preuve depuis "English Tapas" d' une énorme capacité en matière de renouvellement de ses idées et de son savoir faire. Il casse encore une fois l' image d' épinal qu' un groupe issu de la working class soit moins porté sur les autres courants musicaux que celui qui l' a vu naître et pas franchement adepte de l' expérimentation pure. Sleaford Mods n' est plus depuis quelques temps à résumer par la formule "The Fall rencontre le Wu Tang Klan". Et quitte à citer Wire, comme souvent, il faut également y ajouter la carrière moins connue post-Wire électro synthpop et Ambient de Colin Newman tant Fearn lorgne sur bien d' autres territoires à l' instar de Newman.
Son travail apparemment simpliste révèle des richesses de complexités apportant à l' ensemble un pouvoir immersif gigantesque. "Space Ribs" ou "Don't Rate You" c' est le dancefloor et la rave pré-confinement passés par son esprit et recraché avec une personnalité unique via ses outils à deux balles et un talent immense.
L' alchimie qui s' opère entre nos deux gars préférés de Nottingham est restée intacte et semble même devenir encore plus grande.
Les Sleaford Mods grace à Fearn évite l' échouage des Young Marble Giants et de tant d' autres adeptes de la vraie fausse simplicité en injectant lentement mais surement une électronique pertinente et une once d' expérimentation sonore dans la recette originale. Et ce avec un courage hallucinant tel des titres comme "Top Room" ou "Out There". Courage que les neuneus d' Idles, une cible préférée de Williamson, n' ont pas.
Je vous avais parlé justement des propos de Williamson sur les Idles et surtout de son leader Talbot. Il en remet une couche en le traitant Talbot de "Touristes de classe" sociale. Bien sûr les néo-libéraux d'Angleterre et d' ailleurs en prennent plein la figure mais Williamson ne cesse pas non plus de tendre le miroir à ceux de sa classe sans tomber non plus dans la leçon de morale facile et professorale. Alors bien sûr après cette putain d' année 2020 où notre monde ne s' était jamais autant avéré , Kafkaïen, hallucinant, anesthésiant par trop plein, dégueulasse et surtout dystopique devenue réalité, on est tous tenté d' y échapper. De se foutre une musique aux fortes vertus en terme d' évasion afin de se couper de l' extérieur. Tonton Williamson et le génial Fearn veille au grain. Continuer à se coltiner cette putain de réalité en face, dire et répéter ce qui ne va pas, constater nos lâchetés et lacunes de citoyens, chercher à comprendre, malgré tout ce que cela contient de souffrance, de désespoir et d' idées noire est la solution. Les Sleaford Mods avec cette album nous aident à relever la tête et si comme le dit si justement Williamson la musique seule ne changera pas le monde et n' est pas LA solution politique, celle de nos gars reste vitale et un modèle à suivre. Et pour un bon moment la meilleur parce que celle du PLUS GRAND GROUPE DE ROCK DU MONDE!
Et en bonus quand Williamson invite pour la promo un héros de ma jeunesse, un coriace comme lui, un dur de dur comme lui, un vrai!
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