Le mystère musical 2020. 2020, l' année de colères interminables qui semblent être vouées au bâillonnement face à l' apathie d' une large majorité et l' obstination suicidaire d' une si petite quantité mais puissante d' affreux idiots. Comment les exprimer ces colères quand toutes les actions utilisées par le passé se révèlent inopérantes? Comment le mettre en musique? Faut-il utiliser là aussi celles qui ont fait leurs preuves au risque de louper la cible et de ne plus émouvoir mais juste "divertir" ?
Sault est un mystère à lui tout seul. Collectif? Vrai groupe? Et si il y avait un petit génie multi-instrumentiste à la Prince derrière tout ça? Même la reconnaissance euphorique de certains et la totale ignorance des autres concernant sa notoriété est une énigme.
Sault est apparu l' an dernier sans crier gare. En 18 mois, 4 albums! Deux doubles en à peine 12 semaines. Et rien en terme de promo, pas même des concerts ou une utilisation intensive des réseaux sociaux. Tout le temps semble n' être prédestiné chez Sault qu' à la création musicale. Question information sur ses membres idem. Rien ou alors très peu. Le nom des producteurs (Inflo & Little Simz) et c' est tout avec de vagues présomptions sur d' autres membres.
Mais une chose est sûr Sault aura marqué l' année 2020. D' abord parce que ses deux albums ont en commun avec les deux autres de 2019 le fait d' être de haute facture comme on dit. Probablement les meilleurs dans le courant musicale auquel on peut les rapprocher. La Néo-Soul. Vous savez ce vieux trucs qui a le mérite de toujours effectuer un retour aussi tonitruant que parfois bref dans nos existence selon les sorties discographiques et les modes journalistiques. Ou juste quand un ambigu alliage de désir jumelle besoin sexuel, volonté rebelle d' action politique et sociétale quand ce n' est pas chez certains qu'une vague recherche de confort dans nos cocons domestiques devenus des étouffoirs par temps pandémiques.
Quand "Untitled (Black is)" sort le 19 juin dernier c' est déjà une petite secousse qui va charrier un petit culte déjà grandissant chez les fans et certains critiques. Pour beaucoup ce sera la BO de l' été post-George Floyd et le mouvement de contestation mondial que son assassinat a entraîné. A peine quelques jours après la mort de Floyd sort donc ce double album imprégné de tristesse et d'une ardente volonté d' apaisement sans non plus baisser les bras. 20 titres de néo-soul s' inspirant des 50 dernières années de musiques noirs. Sault possède un savoir encyclopédique en la matière mais je me dois immédiatement de vous prévenir sur un point. Un point qui explique à lui seul la présence de Sault dans ce blog. Sault réussit là comme d' autres dans des styles différends en faisant dans le rétro sans vraiment que cela en est et parvient à déjouer les affres du déjà entendu. Et le plus étonnant sur une assez longue durée. Sault est à la Néo-Soul ce que Fontaines DC est au Post Punk ou Kelly Lee Owen à l' électro sont. Une espèce de faille temporelle reliant un passé mille fois entendu et un futur proche. Réussir à faire du neuf, du personnel, quelque chose bien dans l' air du temps, avec beaucoup de vieux. Le suivant, "Untitled (Rise)", sorti le 18 septembre se révèle être exactement du même acabit avec peut même une encore plus grande réussite. Et toujours sans trahir le mystère des débuts. "Untitled (Rise)" se différencie de son prédécesseur par une volonté plus affirmé d' être constructif et combattant pour la cause noire. Dans les deux disques l' auditeur va donc retrouver des territoires connus mais agencés d' une manière nouvelle. La surprise dans les changements stylistiques est encore présente sur les 15 derniers titres parus. Sault évite la niche en tâtant de TOUT! House, Funk, Disco, Hip Hop, R'n'B, Jazz, Afrobeat, Gospel etc etc. Bien sûr qu' ici on aurait aimé un rapprochement avec l' avant-garde africaine ou le Post-Club version NON Worlwide mais dans ce cas cela tient pour le moment du miracle. Pour le moment, sait-on jamais. Avec le tout dernier apparaît pour les avides de référence de franches ressemblances avec les grandes ESG. La rythmique Post-Punk s' incrustant partout et se mêlant à tout les autres genres. Il est vrai que "UNtitled (Rise)" sonne beaucoup plus dancefloor que son précédent. Sinon le reste du temps et surtout sur le "(Black is)" et la fin de "(Rise)" c' est le fantôme du gigantesque "There a Riot Goin' on" de Sly And Family Stone. Ce monument de colère tout en retenue qui fait mal. On pourra bien sûr citer Marvin Gaye pour les paroles et les teintures Smooth-Soul, Prince pour le goût de l' hybridation et un zeste de Stevie Wonder. Sault retranscrit mieux que quiconque par des sortes de cantiques hautement spirituels et émouvants les sentiments de paranoïa, de chagrin, d' exaspération et d' une volonté de changement et de lutte. Parfois les structures des titres paraissent squelettiques, l' instrumentation minimal puis ce sont de riches et fastueuses cordes qui vous surprennent et vous enveloppent pour vous porter comme aux plus belles heures de la Philly Sound. Les "Sault" comme tant d' autres de nos jours disent "Nous n' allons plus supporter" mais en appellent à tous de sortir de nos torpeurs et peurs pour passer à l' action sans vraiment en passer pas la guerre comme autrefois certains rappeurs. Violence, non-violence, le tout face aux violences pseudo"légitime" des pouvoirs en place et des polices. Une fois encore Sault tombe juste avec sa musique nouvelle aux fortes senteurs rétro. Bonne tactique ou pas, l' avenir nous le dira.
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