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DANCING
WITH
THE
NOISE

Gary "Mani" Mounfield
1962-2025
(The Stone Roses & Primal Scream)

Music Blog
& OTHER

FANTOLOGIA, l' Hauntology Music version Amérique Latine, somptueuse, novatrice et révolutionnaire.

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"L' avenir n' est pas devant nous, mais derrière nous (...), avancer c' est aussi revenir" Elysia Crampton


Je ne pensais pas remettre de si tôt cette phrase de Crampton insérée dans la chronique portant sur l'immense disque qu' elle nous a offert avec son frère sous le pseudo Los Thuthanaka (voir ici).

Mais en cet été 2025 une compilation vient de faire échos aux propos de l' artiste d' origine Aymara sur la monstruosité et les conséquences toujours vivaces de la colonisation, et ce, de l' une des plus belles manières.

Non seulement "Fantologia I" distribuée par le label équatorien +ambièn perpétue le travail de mémoire et celui d' avant garde de Crampton mais elle nous offre une version régénérée de l' Hauntology Music que l'on pouvait croire, vieille manie de colonisateurs, l' apanage de nous autres justement , les occidentaux.

Et oui je sais. On va encore parler d' Hauntology dans DWTN et ça fait plus de dix ans que ça dure. Et encore une fois on va avertir que si la nostalgie peut réconforter elle peut également être un frein pour quiconque désire réenclencher la marche avant de l'innovation culturelle quand d' autres par revivalisme malsains et un goût mortifère pour le rétro ne cesse de nous empêcher toute progression.

Ce que certains voulaient résumer qu' à une esthétique tendance chez les artistes électro British du débuts des 00's pour d' autres bien plus perspicaces l' Hauntology Music était l' une des offres musicales parmi les plus pertinentes, symptomatiques et étrangement progressistes apparues au milieu des incessants revivals en tout genre.


Pour les retardataires l' Hauntology Music est un courant apparu dans les 00's et abordait par le prisme de la mémoire musicale le futur disparu et les espoirs anéantis par le postulat qu' une fois le communisme battu, 1989 marquait la "fin de l' histoire". Le capitalisme et son néo-libéralisme avaient gagné et comme disait l' affreuse Thatcher "There is no alternative". Et ainsi une partie de la jeunesse occidental et la production musicale de tomber dans une sorte de coma dépressif rétrogaga allergique à toute velléité progressiste.

Les artistes de l' Hauntology Music par leur envie de susciter une nostalgie hantée nous rappelaient les promesses non tenues du 20 ème siècle, des promesses qui hantent nos quotidiens. Le terme Hauntology Music vient de l' auteur français Jacques Derrida qui l' avait formulé au sujet du "spectre du communisme" qui hanterait le capitalisme triomphant post chute du mur de Berlin.

Les artiste Hauntology appuyaient là où ça faisait mal en invoquant les fantômes du passé sans se lover dans cocooning nostalgico-gaga. Ils réouvraient et laissaient apparaître au grand jour les plaies béantes que certains désiraient ignorer ou cacher via un simpliste verni vintage. Si les Leyland Kirby, Focus Group, Burial et tant d' autres semblaient nous offrir qu'une énième sorte de musique Post Moderniste ce n' était qu'en apparence et finalement dénonçaient l' emprise néolibérale sur nos vies et sur nos goûts musicaux. Et de l'une des plus efficaces et ambiguës manières.

Plutot que se réfugier dans un passé lointain comme d' autres s'en servent de doudou interrogeons le, lui et sa place dans nos quotidiens, et demandons nous qui veut que la musique ne se conjugue plus qu' au passé. La musique et tout le reste. Un glorieux passé artistique souvent rebelle en son temps mais parfaitement digéré, domestiqué et récupéré par le capitalisme.


Il ne faut pas oublier l'Hypnagogic Pop, la Chillwave et la Vaporwave, des courants qui avaient pour très commun avec l' Hauntology cette volonté affichée de se confronter à la nostalgie omniprésente stylistiquement tout en tentant d' expérimenter.

Je n' ai eu de cesse de vous en parler depuis 2012 alors que ces courants étaient souvent ignorés ou méprisés par les sites journalistiques occidentaux à la vision basse et totalement incapable de renverser la table d' une Indie Music rétro-gaga.

En parallèle à l' Hauntology music et les courants proches je n' ai pas abandonné la volonté de déceler et défendre les nouveaux courants innovants, eux aussi sagement mis de côté par certains. Ce qui était vital pour le fan de musique était tout autant un moyen efficace d' échapper à un fatalisme qui nous avait amené le triomphe des revivals dans les 00's et gangréné une grande partie de nos quotidiens.

Souvent l' innovation dans ce blog ne venait pas de l' occident mais des diasporas, des anciennes colonies, des minorités, des exclus et d' ailleurs. Les éternels laissés pour compte ou premières victimes du néolibéralisme. Gqom, Footwork, Deconstructed Club, etc etc etc.

Même l' Hyper Pop , courant équivoque s' il en est avec sa vision critique et follement hédoniste du capitalisme numérique triomphant, peut être considéré comme le petit frère remuant et rafraîchissant des courants cités.

Il a donc été question régulièrement d' artistes interrogeant la colonisation, le capitalisme triomphant et leurs horreurs, dénonçant la vision et la réécriture occidentale. Evoquant souvent ces futurs subtilisés et salopés par le colon comme le signalait Crampton. Des artistes qui certes utilisaient leur passé musicale mais le transformait, le croisait avec d' autres, pour finalement régénérer la musique et rendre les espoirs futurs disparus à nouveau possibles.

"Fantologia I" parue en début d' été est essentiel au regard de votre serviteur parce qu' elle tisse les liens (évidents) entre ces deux tendances fortement présentes dans le blog et comme le disait le génial Mark Fisher, plus grand penseur et observateur de la musique du 21 ème siècle au sujet de l' Hauntolgy Music :

« un signe que la culture "blanche" ne peut plus échapper aux disjonctions temporelles qui ont été constitutives de l' expérience afrodiasporique »

Cette compilation, l' une des plus passionnantes et susceptibles d' interpeler en 2025, possède principalement l' intérêt de régénérer un courant vieux de vingt ans et ainsi de le rendre à nouveau pertinent.

Si les artistes présents s' inscrivent réellement dans la tradition de Hantology Music en le revendiquent assez fortement ils apportent aussi une modernité et un véritable vent de fraîcheur. Ils abandonnent ou renouvellent bien des habitudes et techniques des prédécesseurs occidentaux comme celles issues de l' Easy Listening, la Library Music, le proto Psychédélisme, l' Ambient ou la Pop. Plutot que puiser dans le même passé des médias audiovisuels ils n' hésitent pas à mélanger les sonorités récentes apparu sur leur continent avec leurs traditions. Et que le patrimoine musical de ce continent est riche.

Les textures sonores des 17 titres ont le clinquant des 20's et délaissent parfois assez radicalement les traits caractéristiques des occidentaux avec leurs sons cotonneux, éthérés et embrumés dus à l' utilisation à outrance de la réverbération, la filtration et l' écho. Pas signe des typiques craquements de vinyle donc comme chez Burial ou Leyland Kirby (The Caretaker). Ou à peine. Les crépitements semblent plutot avoir été générés par des manipulations numériques et nous n' avons pas seulement à faire à de très malin et expert fossoyeurs et manipulateurs des enregistrements du passé, mais aussi à des maitres de l' expérimentation électro et organique.

A l' image du patrimoine folklorique dans lequel puisent les 17 titres, il se dévoile une diversité susceptible de faire pâlir toute la scène occidentale. Nous pouvons passer d' une évocation Hauntologique puisant dans les Dancefloors à une Ambient New Age quand certains tropes ne proviennent pas de l' IDM.

Il y a, fait rare depuis longtemps dans l' Hauntology Music, des mélodies envoûtantes comme aussi de réelles chansons.


Ces artistes délivrent un très sérieux travail d' introspection et de réflexion en abordant le désir, la perte et la mémoire. Si les occidentaux sembler regretter trop simplement les promesses non tenues du 20 ème siècle les Sud Américains reconjuguent au présent les aspiration Hauntologiques en abordant de front autant les incertitudes provoquées par le Néolibéralisme et la résurgence d'un certain fascisme du présent que les blessures du passé coloniale. Un combat au cours duquel ils ont compris la nécessité d' exploser les frontières des genres et des normes culturelles. Cette compilation est un puissant acte de résiliation des stéréotype musicaux quand les diverses scènes occidentales peinent encore à l' oser.


Le créateur du label équatorien +ambien, Daniel Lofredo Rota aka Quixosis, a su avec un réel talent de découvreur lever une véritable armée d' artistes susceptibles de tout bousculer sur son passage. Si une Alina Labour ou le duo DJ+1/Gregorio tissent le lien évident entre cette nouvelle vague et les illustres aînés de l' Hauntology Music ou de la Vaporwave, Azulina avec ses flutes ancestrales transposées dans l' Ambient fait décoller le disque vers d' autres cieux que les salles de bal de The Caretaker ou les génériques de The Focus Group.

Plus loin Isaac Soto, Quixoxis et JUan Quantum finissent de propulser l' Hauntology vers l' expérimentation et un futur enfin retrouvé quand Siete Catorce n' hésite pas à la trainer de force sur les dancefloors.


Un disque essentiel et salvateur.






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