Ça fait 33 ans que ça dure. 33 ans a ne jamais sombrer dans l'inutile, la redite, le tout venant. 33 ans qu' ils ont largué les amarres et quitté le morne quotidien de la plus part en nous entraînant avec eux. Pas d' Autechre, pas de Dancing With The noise. Pas ce goût pour l' étrange, l' inconnu, un futur imprévisible. Pas cette attraction pour une dystopie qui s' avère de plus en plus pertinente.
33 ans que ça dure et à nouveau en 2020, ces deux types de Manchester m' ont encore poussé à me cloîtrer dans leurs monde pendant des heures. Et avec deux albums sortis coup sur coup s'il vous plait!
Des instants magiques à disséquer, à s' abandonner, à s' émerveiller.
Je n' ai jamais chroniqué un disque d' Autechre. Inutile ou peut être, infaisable. Comment expliquer que leur musique est l' une des plus passionnante, essentielle, vitale depuis autant de temps. Comment mettre les mots avec mon faible bagage sur ce petit miracle qu' ils réussissent en permanence. Petit miracle consistant à produire une musique issue de machine et pourtant tant humaine. L' une des plus humaines et juste. C' est que nos deux génies n' ont jamais réellement divulgué leur secret. Le secret !
Une musique de machine bancale comme un humain.
Leur dernier "vrai" album si on ose dire c' était l' inconstant "EXAI". Inconstant parce qu' il offrait une succession de sommets artistiques un peu trop espacés par des moments un brin banals. Mais la banalité chez Autechre est souvent l' équivalent de la folie douce chez les autres. Un jour plus frisqué que les autres mais toujours sous l' égide de leur éclatant soleil Noir. Je parlai de "vrai" album si on référait à une certaine norme. Pas la leur. Parce que dans ce cas-là et comme les Top annuels de DWTN l' atteste les Autechre ne nous pas épargnaient en coups de boule abstraits. En agressions sonores magistrales multiples et variées prenant souvent l' apparence de marathons musicaux éreintants mais toujours vivifiants dans un second temps. Les sessions de 8 heures pour la radio NTS, monstrueux dédales où l' intransigeance et le génie du duo vous surprenaient à tout moment pour ne plus vous laisser en sortir. Et ça c' est si vous n' aviez pas laisser votre peau dans le vrai-faux album "Elseq" de 2016 sorti en 5 volumes et cumulant 4 heures de musique. "Elseq" lui aussi un monstre d' abstraction. Un sommet du genre pour Autechre. Allaient-ils finir par se perdre, nous perdre, à force d' exigence et de demande d' endurance envers l' auditeur? Le quatorzième album "SIGN" est la balise qu' il fallait au bon moment certainement. C' est aussi pour ceux qui avaient fini par l' oublier à force d' abstraction la preuve ultime du talent et du génie des deux mancuniens. Une balise à laquelle les probables naufragées de leur longue carrière peuvent s' agripper. "SIGN" est un disque fortement mélancolique, moins agressif et intransigeant. Du AUtechre pudique, tendre et agréable. Beau dans le sens commun du reste du monde. Pas de réel sentiment d' étouffement ou de malaise comme il s' en dégageait de plus en plus depuis 15 ans. Certains se sont contenté dedire que "SIGN" était leur oeuvre la plus dépouillée depuis des lustres. Tout dépend ce que l'on entend par "dépouillée" tant cet album met à jour la talent des deux gars dans l' art du détail. Il en faudra de multiples écoute pour enfin contempler la richesse et la variété de ces détails. On trouve des traces des albums précédents mais que des traces. Pas de redite ou de travail compilatoire facile chez eux. "SIGN" à peine digéré que déjà Autechre revient offrir une deuxième balise sur le chemin menant à leur oeuvre labyrinthique précédente. "PLUS" peut être lui aussi considérée comme une porte d' entrée accessible mais Autechre reste Autechre et ce dernier disque est plus brut de décoffrage que "Sign". Moins "beau" parce que plus décapant, une ambient un brin plus sombre et moins douce. Moins surprenant après "Elseq" et les "NTS Sessions" mais toujours intriguant. Peut être mon préféré des deux.
J' expliquai que mon goût pour les musiques futuristes souvent à connotations dystopique me venait probablement des Autechre. Ils avaient semé en moi les graines pour cela. Quand je vois ce que j' apprécie de nos jours, les expérimentations africaines de Nyege Nyege, le Post-Club des Lotic M.E.S.H. ou les délires aventureux d' un Daniel Lopatin ou d'une Holly Herndon on peut considérer les Autechre comme des guides spirituels voyageurs du temps qui fin 1994 déboulèrent nous prévenir qu' il ne fallait pas avoir peur du futur et de l'inconnu si on voulait justement qu' ils soient meilleurs.
Ce temps curieux où votre serviteur passait d' Oasis à Autechre pour glisser sur Pulp et terminer dans les bras du furieux Richard James.
Un temps pas si révolu que ça en fait.
Et si parfois une légère impression de déjà entendu apparait au cours de "SIGN" et "PLUS" les diables d' Autechre prouvent une nouvelles fois leur pertinence et n' apparaissent absolument pas comme un "vieux machin" largué au milieu des jeunots. Bien au contraire.
Ils avaient trente trois ans d' avance et peut même, plus!
A suivre.
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