Question identité, origine et localisation, on peut dire de Cucina Povera que c' est bien moins simple que ça en a l'air. Si son nom de naissance est Maria Rossi et continue ainsi d' établir un lien avec la torride patrie de Lorenzo Senni alors une petite surprise vous saisit quand on découvre son lieu de naissance et là où elle a grandi. La froide, grise et pas toujours très connue Finlande. Et là où ça se complique c' est son nouveau lieu de vie et d' enregistrement. La moins froide mais tout autant grise et surtout humide Glasgow. Egalement ville du passionnant label qui l' héberge, Night School. Par contre, si il y a bien une chose remarquable par sa simplicité, c' est la beauté pure que sa musique offre aux aventuriers sonores. Une musique faite de presque rien et se résumant plus particulièrement à ce qu' il y avait à portée de main de la musicienne. Pour le coup le terme italien de Cucina Povera utilisé comme nom de scène est totalement justifié et ne trompe pas à ceci près que le résultat est un disque uniquement riche par sa singularité et son charme dévastateur. Je n' avais jamais entendu parlé de cette belle inconnue jusqu'à la sortie récentes de son troisième album, "Tyyni". Un vrai petit loupé tellement ses deux premiers albums méritaient que l'on s' y penche un instant. On peut rajouter également histoire d' enfoncer le couteau dans la plaie du fan honteux de son retard que son "Hilja" de 2018 aurait certainement eut droit aux honneurs du top annuel. Depuis ce premier effort la belle Nordique nous offre un singulier mariage d' abstraction expérimental avec un chant aux fortes senteurs médiévales et folk. Si au début elle privilégiait des sons organiques afin d' accompagner sa magnifique voix "Tyyni" dévoile une part grandissante pour une électronique toujours autant aventureuse si ce n' est plus. Ce disque est bien plus avant gardiste que l' inaugural et s' inscrit ainsi dans la droite lignée du deuxième paru l' an dernier. "Zoom" dénotait par rapport à "Hilja" par son dépouillement et sa méthode, plus un travail d' improvisation sur sa voix via une pédale d' effet et l' utilisation d'une bouteille vide qu' un savant et laborieux travail de studio par ordinateur. "Tyyni" s' avère bien plus pressant et incisif avec ses boucles plus répétitives, ses synthés délavés jusqu' à en devenir étranges et enfin ces rythmiques rachitique lorgnant parfois sur la rapidité footwork ou jungle. Cette nouvelle caractéristique amène à une étrangeté et une tension plus forte et angoissante. On pense à un croisement curieux de Zola Jesus avec Grouper ou peut être bien Julia Holter pour les penchants médiévaux. Parfois c' est le fantôme d' une Carla Dal Forno version F Inger. Maria Rossi utilise sa voix comme ossature avec ses superpositions afin de nous plonger un peu plus dans les profondeurs de son intimité pour ensuite nous cueillir par l' irruption de sons provenant de l' extérieur. D' abord des sons d' animaux retravaillés puis ceux des interférences téléphoniques plus loin auxquels ceux de l' océan succéderont. Avec elle on navigue sans cesse entre la technologie et la nature, humaine ou non. Ce que confirme ses interviews dans lesquels elle dit vouloir "explorer les complexités de la vie moderne". "Tyyni" est une vraie merveille totalement inclassable nous plongeant dans un univers glacial et hanté qui répond d' une manière tout autant étrange mais juste aux récents et troublants moments que nous venons tous de vivre. Des instants où nous nous retrouvions coincé seuls face à nos intimités mais en permanence aux aguets des nouvelles de l' extérieurs via les intrusives technologies d' informations.