Quand je suis tombé sur cette photo d' Yves Tumor pour illustrer cette article je n' ai pas pu m' empêcher de penser à Scott Walker. Probable ressemblance iconographique avec un ancien cliché de son illustre aîné américain. Ressemblance tout autant probablement travaillée tellement la culture de l' américain est grande et pointue. Mais tout cela ne s' arrête pas à une seule question d' image. Tumor est le Scott Walker de notre époque. Son plus digne héritier. Celui qui allie le mieux d' une façon inespérée la pop culture de masse et l' avant guarde la plus pointue. Scott Walker ce génie qui au travers de sa discographie peut vous amener de l' expérimental bruitiste la plus rêche à la Baroque Pop la plus charmeuse en apparence. Un disque de Tumor, une chanson voir même une seule seconde de Tumor et son personnage c' est un concentré des quelques 53 ans de carrière de Walker. A la fois difficile à saisir au premier abord et en même temps d' une évidence totale par la suite. Et s'il fallait trouver d' autres noms pour faire comprendre encore mieux l' importance de Shean Lee Bowie aka Yves Tumor et ses particularités faut encore taper dans le haut du panier d' un certain imaginaire musical. Bien sûr suffit de retenir son vrai nom de naissance. On peut ajouter l' une de ses idole revendiquée récemment disparue, Genesis P Orridge. Comme pour Walker et sa carrière chaotique Tumor c' est celle de Saint Genesis, des tréfonds contre culturel 60's, à l' indus la plus âpre pour finir par arriver à une Acid House hédoniste mais toujours caustique. J' avais clôturé la chronique de son précédent disque en le désignant comme une sorte de "Screamadelica" des Primal Scream de l' ère numérique où toutes les découvertes et les brassages paraissent encore plus permis. "Heaven to tortured Mind" est le digne héritier des deux autres grands disques de Gillespie et compagnie, "Vanishing Point" et "XTRMNTR". Et en mieux.
"Heaven To Tortured Mind" est le digne successeur de "Sand in the hands of Love", LE disque de l' année 2018 de ce blog et aboutissement d' une fantastique carrière débutée dans l' avant garde de tout bord tant adulée par votre serviteur. Hypnagogique Pop, Vaporwave, Ambient, le collectif NON Worldwide, le Post Dancefloor, Pan Records, Janus etc etc etc. Finalement je m' aperçois qu'il ne va pas falloir vous pondre un pavé pour décrire en quoi ce récent disque est une merveille et largement en avance. Allez sur les liens mis plus haut. Quoique... J' ai déjà tout dis au sujet de Tumor et de son passage à une musique plus pop. Si "Heaven To Tortured Mind" est la suite logique avec cependant des petits changements de trajectoire plus ou moins surprenant ce disque dans son ensemble est composé des même caractéristique que son prédécesseur. Mais pas non plus une simple redite. Certaines choses sont abandonnée quand d' autres sont approfondies et le résultat est urgent à découvrir. Il n'y aura que les suceurs de roue et autres arrivistes de tout poil de la critique qui auront des trucs neuf à dire, faute d' avoir parler du bonhomme plus tôt et d' avoir vu venir le génie si évident depuis "Serpent Music". Et franchement sur certaines chroniques (française notamment), on ne peut que penser à des poules découvrant pour la première fois une clef à molette. QI zéro et 10 années de retard passée à suivre les nostalgico-gagas et conformistes ennuyeux. Comme toujours chez Tumor nous passons de l' apaisement au chaos sonores. De l' évidence et la suavité pop/soul à la complexité et la rugosité des musiques plus expérimentales et aventurières. De l' évidence au mystère le plus ensorcelant. Tumor est encore plus Soul, plus funky, plus virtuose, bref plus Prince que jamais. Et j' oserai ...encore plus pertinent. Les solos du kid de Minneapolis m' ont touché cassé les couilles malheureusement mais ceux, rares, de Tumor me paraissent jamais de trop. Le rock indie est encore bien présent même si sa traduction hypnagogic pop à la Ariel Pink prend encore plus le dessus en abandonnant ses penchants Big Beat ou Baggy. Une version d' Ariel Pink qui va plus loin que le fêlé de la cote Ouest. Tumor n' a plus de frontière depuis longtemps mais sa capacité de passer d'un style à un autre avec un savoir faire indéniable et surtout pas incongru arrive encore à étonner et charmer.
La sensation perçue depuis le plus difficile "Serpent Music" se confirme. A l' écoute de sa musique nous réalisons parfaitement le monde dans lequel nous vivons actuellement. Cette sensation de vivre dans un film dystopique surréaliste. Entre rêve et cauchemars. Tumor décrit comme personne les conflits émotionnelles qui nous assaille et prescrit des conseils pour affronter tout ça. Il y a quelques jours au début du confinement alors que tout s' écroulait ou devenait encore plus confus et imprévisible dans nos esprit je fus saisi, hypntotisé, par le silence inédit du centre ville où je réside. Ce calme m' apaisa et me revigora. De la même manière alors que par ma profession je suis malheureusement confronté de très près à la saleté Covid j' ai été à nouveau saisi par la tranquillité qui régnait dans un service où ce virus traînait ses guêtres prêt à faire souffrir. Mes résidents étaient calmes et leur tranquillité me redonna des forces pour les aider et apaisé ma colère et frustration.
La musique de Tupor depuis 5 ans c' est exactement ça. Des formes connues, des stimulis bien identifiés, et en même temps des voix sur le fil du rasoir, des synthés défigurés, une production extravagante et riche qui étourdie (encore un somptueux travail de Justin Raisen), frappe pour mieux nous sortir de notre torpeur. Tumor c' est l' affirmation suivante, dans le bordel, l' enfer, il y aura toujours un calme à trouver, à rechercher pour aller de l' avant et s' en sortir. Les faits se succèdent à une vitesse ahurissante et construisent un flou abstrait où nous nous perdons. Tumor dépeint ça et offre en prime une solution via sa musique et son talent. Après le stress, la pénibilité, le désespoir que mon métier d' aide soignant me fait subir j' ai toujours apprécié me plonger dans des disques apaisant et hyper sensuel comme "What's going on" de Marvin Gaye ou d' autres artiste black des 70's. Parfois Prince. D' autre fois mon patrimoine génétique musicale me poussait dans la dream pop bruitiste du shoegaze. "Heaven To Tortured Mind" c' est exactement leur réunion en une seule entité moderniste et originale.
L' entame du disque est un coup de massue pour les sens et le référentiel facile. "Gospel for a New Century" est un chef d' oeuvre de pop/rock passé par d' improbables manipulations sonores et passant du coq à l' âne en matière de références . "Medicine Burn" est du pure Tumor alternant sur une rythmique funky le sensuel et le noisy. "Identity Trade" transporte l'indie à travers les styles et les époques pour mieux la propulser vers le futur. "Kerosene" opère de la même manière en allant repêcher le Prince des sommets pour une remise à jour ensorcellée. La suite est faite d' apaisements recelent un chaos caché, la production se fait cajolante puis agressive. On ne sait jamais à quel sauce Tumor et ses humeurs changeantes vont nous engloutir. Yves Tumor démontre qu' il est le grand bonhomme de ces deux dernières années. Celui qui réussit à rétablir le pont entre le milieu indi et l' avant guarde plus vivifiante. Le miracle que l'on attendait pas. Et peu importe si le succès populaire n' est la suite logique du succés critique actuel. L' influence va être majeur pour les années à venir. Je reconnais que "Heaven To a Tortured Mind" est tout autant complexe que son prédécesseur et que l' évidence peut tarder à venir à certains, mais jetez vous dessus. Ce disque est déjà un classique et l' ensemble de la carrière de Tumor un passage obligé.
Et en prime les clips pas encore sortis au moment de mes chroniques de Safe In The Hands Of Love