Je vous l' avais promis alors la voici. La chronique du grand disque de 2018. La bombe à retardement qui fait mime de planter mais qui va tout foutre en l' air dans peu de temps. Yves Tumor dans DWTN c' est déjà une vieille histoire tant son hombre et le petit monde auquel il appartient sont omniprésent. Vous pouvez aller voir par là, par ici et enfin surtout dans cette première partie de chronique pondue dans l' urgence après la sortie surprise et l' été de folie du bonhomme.
"Safe in the Hands of Love" est sorti depuis une dizaine de jours et à chaque écoute le choc est encore présent. Et ça va durer. Pourquoi ce disque souvent décrit comme étrange et défiant toutes règles est important et une totale réussite? D' abord penchant nous sur la carrière d' Yves Tumor. Pour bien appréhender l' ensemble de sa jeune mais déjà si importante oeuvre faut se souvenir de tous les pseudos de cet américain résidant en Europe. Pseudos souvent associés chacun à une direction musicale différentes des précédentes. C' est un touche à tout de génie et quand il annonce pour nom de naissance Sean Lee Bowie on se demande si ce n'est pas dès lors une entourloupe. Evidemment quand les néophytes vont tomber sur certaines vidéos où il change rapidement de costume et d' apparence donc de personnage, ou sur certain extrait de live où on se situe entre la simple performance arty, le concert et le Dj Set, ils vont vite comprendre qu' un autre Bowie plane autour du personnage. Il y a aussi certaines affinités autres que musicales avec Le David Jones aux cheveux longs et bisexuel dans le Londres des 60's. Ce garçon raconte s' être mis à la musique pour fuir son Tennessee natal avec son environnement raciste, homophobe, sexiste et conservateur. Il est devenu un membre à part de tout cette clique d' artistes Queer qui expérimentent musicalement et révolutionnent les pensées, les Arca, SOPHIE, Lotic, Elysia Crampton ou encore plus sagement Serpentwithfeet.
Les pseudos utilisés sont TEAMS pour tâter de Vaporwave, d' Hypnagogic-pop, de Chillwave et même d' Ambient House jusqu' à titiller parfois le Footwork alors naissant, Rached Ali, Shanti, Bekelé Berhanu et ses aspirations Post-Club. Puis progressivement c' est le Yves Tumor qui s'imposa avec ses début Ambient et hypnagogic-pop sur un fond d' héritage Soul et Gospel. A cela histoire de compliquer encore plus l' histoire il participa à de nombreuse associations, Silkbless et The Movement Trust avec LR Berdman qui suivaient les traces de Ron Morelli ou Huerco S en matière de House Outsider, soit de la Deep House violentée (j' en parlais par là). Une autre, peut-être celle qui me le fit mieux connaître, c' est le duo formé avec une autre star de ce blog, James Ferraro, au sein de BodyMusic et leur travail de déconstruction du Hip Hop s' apparentant à du proto Post-Club. Il y eut aussi une expérience Vaporwave au sein de la Teamm Jordann et plus récemment Trump$America avec encore(!) une connaissance du blog, Dedekind Cut. Les lecteurs assidus du blog constateront par eux même que Yves Tumor est passé avant "Safe In The Hands Of Love" par à peu près tous les courants et styles novateurs que ce blog n' a de cesse de défendre à longueur de temps. Il est au coeur de tout depuis le début de la décennie. Aucunes oeillères et enfin un sacré flaire pour trouver ce qui se fait de plus passionnant et avant-gardiste. David Jones/Bowie ne peut du ciel qu' apprécier lui qui savait aller là où les suiveurs n' osent jamais.Certains croisèrent Tumor même aux rares prestations live de Dean Blunt et Igga Copeland avec leur Hype Williams. C 'est dire! Où va-t-il à son arrivée en Europe? Après un passage en Italie il file là où ça se passe en matière de révolution culturelle des dancefloors et d' expérimentation sonore, Berlin. Passe par le Janus Club (Lotic, M.E.S.H.), fréquente Bill Kouligas et son Pan Records. On en reparlera prochainement dans DWTN du machin Deconstructed Club/ Post-club avec un gros dossier récapitulatif tant les Janus et d' autres deviennent inévitables en 2018 pour appréhender le futur. Si à première vue le son de Tumor ne ressemble pas à ceux post-club de Lotic, M.E.S.H. certains titres ont une parenté évidente tel "Economy Of Freedom" et "Honesty". "Hope in Suffering" et "Let the Lioness in You Flow Freely" ressemblent quant à eux aux collages sonores du Deconstructed Club de Chino Amobi et Elysia Crampton. "Safe in The Hands Of Love" est bel et bien une bombe à retardement tant il va exploser toutes les barrières, faire perdre tout repère aux auditeurs. C' est une oeuvre fruit d'une liberté totale à la puissance émancipatrice capable de faire changer toute personne atteinte de panurgisme stylistique et sociale. Une bombe fabriquée par Tumor en utilisant toutes ses expériences et errances passées. Ce disque comme je l' écrivais dans le premier article le concernant aborde plein de courants du passé, souvent on se retrouve à des souvenirs 90's mais il ne s' agit que de traces presque accidentelles. Trace de Big Beat, de Baggy Sound, Trip Hop, R'n'b, Dreampop etc etc. Tumor a certes de la culture mais ne l' étale pas bêtement. Les risques de se perdre existaient sur le papier comme à l' écoute distraite de bon nombre qui vont passer à côté. Mais il y a fil d' ariane auquel Tumor s' accroche depuis toujours. D' abord techniquement il utilise le sample comme principal outils avec des moyens Lo-fi. Ensuite tout au long des 10 titres une sensualité bien personnelle se dégage. On l' avais croisé dans ses premiers disques solo sous ce pseudo même si en live il se laisse aller à une certaine provocation sonore bien plus rentre-dedans. De cette bipolarité le disque en porte les traces tanguant entre violence et raffinement. La violence évoque l' isolement autoritaire que nous fait subir nos sociétés modernes et le raffinement exprime une idée de vouloir s' en extirper par le refus de la caricature et de l' urgence. Ses paroles abordent la nécessité d' en passer par une rupture brutale qui sera de toute façon déchirante mais salvatrice. Sortir la tête du trou dans le quel les réacs et Néo-Libéraux, souvent ils sont une et même personnes, n' ont de cesse de nous y jeter. Cet album est donc libéré de toute restrictions identitaires et stylistiques au point qu' il va en perdre plus d' un des snob et élitistes de pacotille. Bombe à retardement parce que si il peut titiller la fibre vintage dans un premier temps il va lentement mais surement la duper et la tuer. Tumor fait ce qu' un John Maus et Ariel Pink ont fait. De l' Hauntologie tueuse de connerie nostalgique. "All The Love We Have Now" c' est une sorte d' Ariel Pink post-vaporwave et Seapunk. Si parfois il revient à ses aspirations expérimentatrice, indus et ambiant, à d' autres moment il nous offre l' une des plus belles mutation de la pop. Un laboratoire à la pointe du progrès qui effectue un terrible bombardement moléculaire sur les structures "classiques" de toute forme de musiques dites Pop. Il l' a dit souvent, il n' a pas de musique précise en guise d' objectif, ce serait pour lui juste une tentative de traduction d' ambiance différentes. Si parfois certains titres évoquent l' esprit des Avalanches ou des Animal Collective la démarche de Tumor et ses comparses contemporains va bien plus loin et est bien plus révolutionnaire. "Safe in The Hands of Love" est le grand disque important de 2018 qui va s' inscrire durablement dans l' histoire parmi par exemple les trésors du jazz entre-aperçus au début et la synth-pop 80's croisée à la toute fin de l' album. Pour les reclus du référentiel indie c' est ni plus ni moins que le "Screamadelica" des 10's. Voir mieux. Un "Screamadelica" produit par Aphex Twin sous le patronage de Saint Bowie pour toutes les raisons évoquées plus haut.
Hommage évident à Bowie