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Trish Keenan, Broadcast

PROC FISKAL, grime moderne d' Ecosse * (*): Celle de Mogwai & Boards Of Canada of course.


L' an dernier l' Ecosse nous offrait une magnifique et prometteuse pépite électro en la personne de Lanark Artefax. Avec ce petit génie il était question d' une IDM remise au goût du jour sonnant réellement moderne et surtout pas vintage. En 2018 ce petit pays en superficie mais si gigantesque par sa musique remet ça en nous offrant un autre petit génie. Mais ce coup-ci pas d' IDM new look, quoique (on verra plus loin), mais un Grime instrumental lui aussi totalement revu et corrigé fruit de notre époque. Un Grime venu de si loin qu' il est susceptible de redéfinir les canons du genre.

John Powers n' a pas 21 ans, nous vient d' Edimbourg et le moins que l'on puisse dire c' est qu'il a tout pour plaire à ce blog. Fan absolu de Grime il préfère néanmoins laisser de côté ses aspects bestiaux et percutants pour en délivrer une version plus légère et chaleureuse. Parfois perçu comme trop agressif et combatif le vieux machin se dévoile entre ses mains plus cordial, biscornue et épique. Un vieux genre subissant un si puissant relifting, on signe toujours par ici. Ses aspirations pour son Grime sont aussi un point qui évoquera bien des passions partagées ici. Sous le pseudo Proc Fiskal le jeune homme rend le grime plus cérébral et introspectif à mille lieu de la joute verbale et des bombages de torses d' autrefois devenus si caricaturaux avec le temps. Purement instrumentale (c' est à dire sans MC), sa démarche n' est pas sans rappeler celle de certains autres génies tant adorés par ici. Si on en est loin par certains aspect le grime de Powers s' inscrit dans une lignée parallèle du Weightless de squatteurs du blog, les Logos, Mumdance, Rabit, Mr Mitch, Visionnist, Raime tout récemment et la dernière révélation du genre en date, Chevel. Si la clique et les proches de Differents Records n'ont eut de cesse de creuser le sillon dystopique du Grime en raréfiant les beat et en rendant les sons et la production fantomatiques, l' écossais quant à lui passe par une toute autre technique mais atteint lui aussi une sorte de rapprochement par instant avec l' ambient à travers la notion de paysage sonore éloignée du grime originel. Là où l' univers d' un Logos évoque l' espace et la science fiction celui de Powers pourrait s' apparenter à la BO d' une film fantastique limite baroque. Comment s' y prend alors le jeunot pour la rénovation du Grime? Surtout si on rajoute qu' il use et abuse de sample évoquant une certaine nostalgie car provenant des jeux vidéos 16 & 8 Bits encore plus vieux que le Grime lui-même. Nostalgie encore plus accrue car ces bipp sonnent franchement comme des rappels à l' oeuvre du roi Aphex Twin. Je vous l' avais dit plus haut, de l' IDM il en est tout de même un peu question comme chez Artefax. Quel est sa recette? Et bien c' est très simple, surtout si vous êtes un lecteurs fidèle de ce blog. Le gamin brille par ses étonnantes trouvailles rythmiques qui bousculent le classicisme Grime. Enfin étonnantes pas tant que ça car si on veut mieux comprendre il faut s' attarder sur les BPM. Dizzy Rascal et compagnie les avaient poussé à 140, Proc Fiskal/Powers les booste à 160. Et 160 BPM avec une rythmique jouant sur la polyrythmie et la surprise ça ne vous rappelle rien? Le Footwork bien sûr ! Powers est aussi un fan de RP Boo. L' inventeur du dérivé de Juke auquel j' ai consacré encore récemment un top. Cette accélération du rythme et les trouvailles en provenance de Chicago sont bien les clés qui lui ont permis de changer le sens de la cinétique grime. Il y avait bien un risque à sonner trop vintage et de là à trop jouer sur la nostalgie des fans de Mario ou de Rascal et Aphex Twin mais l' écossais peut être roublard et Powels ne déroge pas à la règle. Question sample par exemple les 16 bits croisent les notifications des Smartphones et celles des réseaux sociaux. Ce qui nous amène à deux des principales raisons qui font de Proc Fiskal un projet moderne non nostalgique du passé musicale et donc encore une fois deux affinités fortes avec ce blog. D' abord le sujet dont il traite à travers un Grime mutant. Le monde numérique qui est le notre. De son influence émotionnel et ses manipulations. Powels nous parle du même monde qu' un James Ferraro ou Oneohtrix Point Never.

Ensuite, l' autre affinité, c' est dans ses interviews qu' elle se dévoile : "Je pense que la nostalgie nous tue tous" Et oui, le mioche n' aime pas ce qui radote en musique. Pas plus qu' il n' est aveugle et passif face aux dangers et manipulations numériques du présent. Il est malin et use d' une stratégie démoniaque pour faire fuire le chaland nostalgico-gaga tout en critiquant ce qui risque de dégénérer à l' avenir. Ni reclus dans le passé, ni dans la passivité du benêt. "Les sons des médias sociaux et des notifications sont conçus pour libérer de la sérotonine, ce que j' aimerai que ma musique fasse(...), en utilisant ces bruits manipulateurs de manière positive, j' aime à penser que je récupère le pouvoir de la manipulation"

Ainsi il multiplie les informations les plus diverses et variées voire contradictoires en direction de l' auditeur afin de le perdre. Il entrechoque les époques et les souvenirs musicaux "pour foutre en l' air leur cerveau nostalgique". Le but est atteint largement. Qui aurait penser un jour tomber sur le croisement réussi entre le "i luv U" de Rascal, le reggaeton d' Equiknoxx et Ryuji Sakamoto comme c' est le cas sur "Dish Washing".

Cerise sur le gâteau et dernière raison pour que DWTN adore ce mec, une raison un brin contradictoire en apparence puisqu' elle peut être affiliée à de la nostalgie doublement. Par ses emprunts à sa culture écossaise comme son folklore musical ou ses dialectes présent sur le disque ou ce goût affirmé pour une certaine mélancolie et tristesse, il se pose en successeur de gens un peu ou franchement éloignées stylistiquement, Boards Of Canada et ...Mogwai!!! Il les évoque. Il s' inscrit dans leur succession à eux aussi. Mais de la meilleur des manières. Celle d' un jeune écossais de 2018, lucide et bien dans son époque en cherchant à la décrire et nous avertir de ses dangers. Un jeune prodige suffisamment talentueux et original, mais aussi respectueux et fin connaisseur de ses anciens et du passé, afin de ne pas faire dans le recopiage stérile et nous offrir ainsi une de ces si rares mutations susceptibles de changer réellement la donne pour un bon moment.


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