Laurel Halo sera à l' avenir considérée comme une artiste majeur, si ce n'est culte. C' est une évidence. Depuis ses débuts en 2011 elle nous a offert une carrière suffisament solide et enthousiasmante pour que sa côte d' amour auprès des fans de musique ne cesse de croître jusqu'à atteindre un statut d' icone voir d' intouchable. Un destin semblable dans la notoriété à celui d'un Arthur Russel si proche dans l' approche aquatique de la musique, l' aspect dramatique de la disparition précoce en moins. Halo n' a pas d' oeillères. Halo ne se repose jamais sur ses lauriers. Halo est en évolution et perpétuelle remise en question. Halo a un courage et un sens de l'intégrité artistique rares. Halo est incapable de faire dans la redite. Mais surtout elle est une magicienne. Comment surprendre à chaque fois? Comment refroidir ou bousculer l' auditeur puis le charmer irrémédiablement par ses sorties? Toujours être juste et autant aventureuse? Un an après "Dust" et sa pop étrange venue d'une planète lointaine à dominante aquatique où pouvait-elle encore aller? Dans quelle dimension seraient propulsés ses beats submergés, ses esquisses de voix ensorcelantes, et ses synthés décolorés mais toujours transcendants? Pour les retardataires revenons à cette putain de carrière qui peut servir de graal absolu pour quiconque veut échapper au ronronnement artistique et aux fatidiques niches stylistique provenant de la sénélités. Partie de l' expérimentation la plus pointue la voilà qui croise le chemin de deux génies, Daniel Lopatin et James Ferraro pour la collaboration FRKWYS Vol.7 en 2011. Fatalement elle plongera dans l' hypnagogic-pop et commencera ses aller-retours entre pop et avant-garde parfois difficile mais souvent en gardant comme fil d' Ariane ses aspirations ambients et son héritage familiale résumé dans une passion pour "TOUS" les jazz. Le très Oneohtrix Point Never "Antenna" tatera du New Age et de son électronique progressive. Avec le ep "King Félix" (son autre pseudo) elle offrira ses visions détonantes de la synth-pop et la dream-pop. "Le premier chef d' oeuvre, le ep "Hour Logic", dévoile la même année l' ouverture d' esprit gigantesque de la belle. Ce coup-ci c'est le dancefloor qu' elle fait muter. Les gènes de la techno, de la house, du breakbeat et même du footwork (l'une des premières à s'y attaquer), subissent une transformation digne des expérimentations nucléaires les plus sidérantes. "Behind the green door" remettra ça en 2012 quand "Quarantine" se teintera d' IDM pour propulser ses nouvelles envies pop dans un autre monde aquatique. Un an après c' est son amour irraisonnable pour tout ce qui touche à l' histoire techno de Detroit qui subira ses foudres de déconstruction et la rapprochera un temps d'un Lee Gamble. "In situ" en 2015 dévoile ses tentations microhouse et "Dust" avec sa petite consécration médiatique offrira pour très longtemps un disque exemplaire en matière de monumentalité et de richesse. En 2018 Halo opère encore un virage à 90° avec une réussite totale. Retour à une certaine abstraction et la pop disparaît au profit d' une expérimentation lorgnant sur l' électro-acoustique et même le glitch. Et bien accompagné qui plus est puisque l'on retrouve le violoncelliste Oliver Coates et le percussionniste Eli Vesyler. Dans "Raw Silk Uncut Wood" plus une seule trace de voix. Dans le premier titre du même nom que le disque ce sont deux seules notes d'un clavier qui nous guident pour ensuite nous abandonner dans un désert ténébreux. A l' autre bout c 'est une bande originale d' un film noir et horrifique qui nous cueille ("Nahbarkeit") tout en nous remémorant les récents travaux de Leyland Kirby acclamés par ici ("We, so tired of all the darkness in our lives"). Entre, on trouve un piano qui tangue dans une inquiétante obscurité jazzy ("Mercury"), on ausculte un autre piano jusqu' à ses entrailles puis une électronique glitch venue de nul-part nous hypnose. Selon Halo ce disque traite de la pleine conscience et c' est exactement de ça qu' il s' agit en terme de ressenti pour l' auditeur. Halo n' a pas son pareil pour l' amener à un degré d' attention d'une intensité rare. Il examine chaque son, la moindre variation ou apparition et disparition. Plusieurs écoutes et nous voici apte pour observer sur notre âme et notre corps les effets cachés de sons trop souvent noyés ou ignorés par ailleurs. Laurel Halo en à peine quarante minute nous éblouit encore une fois et sidère par sa vision intelligente et son art d' une immense originalité. L' américaine exilée à Berlin continue de tracer sa route et ainsi de devenir l'une des artiste phares de la décennie écoulée et ce pour un encore très grand nombre d' année.