En préparant cette chronique j'ai pris connaissance d'une anecdote concernant nos deux hurluberlus italiens de Ninos Du Brasil. A l'origine ces deux passionnés de Batucada et de techno jouaient dans un groupe de punk hardcore, With Love. Le projet Ninos n' était selon eux qu' une façon de tester le publique punk avant les concerts de With Love; histoire de voir qui resterait jusqu' au bout. Alors je préviens tout de suite les courageux qui désireraient faire pareil en France. A vos risque et périls, juste pour une question d' ouverture d' esprit un brin défaillante par chez nous. Surtout dans certaines scènes se revendiquant un peu trop facilement de l' héritage "PUNK!" et de la "coolitude" qui va avec. Même si, en même temps, j' encourage fortement à le faire parce qu'il n' y que comme ça que l'on enlève les oeillères. Un Devoir.
Ninos Du Brasil est une arme absolue en matière de lutte contre les a prioris, les oreilles bouchées et le manque de curiosité. Comme je l' écrivais en 2015 (voir par là) leur musique à base de percussions risquent fort de brusquer les allergiques ayant régulièrement le malheur de tomber sur une troupe de capuéra au détour d' une animation en centre ville ou d'un festival . Ne parlons même pas de la triste fête de la musique. Exemple flagrant s' il en est encore que ce pays respire tellement la musique qu'il se croit obligé de la célébrer une fois par an. Histoire peut être de palier un acte manqué perpétré 364 jours dans l' année. Avec nos deux italiens et leur passion pour les rythmes tribaux latins et plus précisément brésiliens les clichés en prennent donc un sacré coup depuis leur réussi deuxième album "Novos Mistérios". Le premier sorti sur un petit label italien étant une introduction un brin hésitante. Les fans d' exotisme caricatural, soleil, "foutebollllle", nana à poil et danse pour citadines en manque de sensations fortes dans leurs petites vies ne vont pas s'y retrouver. Le Brésil, l' Amazonie, l' Amérique latine? Oui mais alors pas du tout celles de téléfoot et des pubs touristiques. Celles qui effraie, façon le Werner Herzog le "Cobra Verde" ou "Fitzcarraldo"; et si il y a coup de tête ce n' en sera pas un totalement anodin dans la baballe par un adulescent millionaire, mais bel et bien celui qui vous explose la tronche, un acte profondément violent, autant que l' éclat de rire terrifiant produit par son auteur juste après, Klaus Kinsky.
A moi aussi il m' arrive d' avoir des crises d' allergie en entendant des percus mais de là à caricaturer et surtout à ne pas écouter attentivement il y a un monde. Pour les plus malins le simple fait qu'ils soit signés chez les expérimentateurs malveillants de Hospital Production aurait du taquiner leur curiosité. Ninos du Brasil est une antidote. Et cet antidote est fabriqué à base de gène punk, métal, techno,indus et même gothique. De la batucada DARK! Vous n' êtes pas sur Copacana ou au festival d' Aurillac, vous êtes perdus en pleine nuit dans une jungle épaisse et suffocante. Seul et recroquevillé sur vous, vous percevez au loin les tambours hystériques d' une tribu menaçante en plein rituel qui s' approche dangereusement et plus près du trou qui vous sert de refuge, c' est pas mieux ! Les bruits encore plus flippant de la jungle vous cernent au point de créer en vous une terreur profonde. Entre la violence humaine et le chaos de la nature. Mais cette jungle pourrait tout aussi bien être une friche industrielle abandonnée par le capitalisme cannibale où la nature la plus sauvage reprend ses droits. Le nouveau "Vida eterna" comme l' était son prédécesseur c' est ça, le combat permanent pour la survie en musique.
Leur musique et leurs prestations partage ceci comme point commun avec celles de leur patron de label, Dominick Fernow (Prurient, Vatican Shadow). Comme avec le fou furieux d' Hospital Records l' approche ressemble à du déjà vu puis une sorte d' échange puissant s' instaure entre l' auditeur attentif et l' artiste. C' est violent, électrisant, sans compromis !. La vie dans tout ce qu' elle peut avoir d' animal, de saloperie et d' amour vous saute à la gueule avec des types comme ça. Punk par essence. La chauve souris de la pochette vient de vous mordre au cou pour pomper tout votre sang et aussi bizarre que celà puisse paraître, vous ressentez en un instant la trépidante sensation d' éternité qui manque tant à beaucoup de formation autoproclamé "authentique", "rock", "punk". Leur électro sauvage en apparence régressive et facile pour certains est bien plus sophistiquée qu'il n'y parait. Les rythmiques ne se répètent pas grace à une diversité hallucinante et une maîtrise qui sent la passion sincère. Changements surprenants instigués par une créativité débordante. Par rapport au précédent LP celui-ci montre nos deux italiens domestiquer encore plus magistralement l' espace au point d'en faire ce qu'ils veulent avec virtuosité à grand coup de sample pernicieux venus d' on ne sait où. Les vocaux y sont encore plus travaillés et sont accumulés en une multitude de couches étourdissantes. Les textures se voient elles aussi surchargée. A chaque instant la tension peut être propulsée à son extrème pour retomber net. Un guépart rode, attaque puis repart en retrait pour mieux revenir et vous achever. Ce disque c' est 7 bombes à détonations multiples et imprévisibles pour tout dancefloor ronronnant . Pour toutes soirées rock ou punk conformistes. Le huitième semble touchée par le zen et l' apaisement. C' est l'occasion de retrouver en guest star une grande légende elle aussi fan de la musique brésilienne, Arto Lindsay ! L'un des papes de la No Wave, le génial fondateur de DNA et Lounge Lizzard, pose sa voix et enfin relativement sereins les deux Ninos s' enfoncent encore plus profondément dans la jungle en quête d'une cité perdue.