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DANCING
WITH
THE
NOISE

Nico

JLIN, footwork insoumis à son apôgée.


Jlin dans Dancing with the Noise, ça a commencé par là, continué par ici ou enfin là dedans. N' hésitez aussi à aller fouiller les articles antérieurs (nombreux) sur son style musicale, le footwork. De toute façon Jlin c'est aussi la troisième place du top album 2015 et sa présence dans le top des cinq ans du blog .

Et bien voilà, nous y sommes. Le monument, le disque révolutionnaire ultime du footwork qui va bien au delà. Celui qui transcende toutes les frontières, celui qui confirme tout le potentiel avant-gardiste de ce courant. Toutes ses promesses et ses victoires ultérieurs. Son immense et précoce influence sur une grande partie des disques essentiels de la décennie, sur les autres courants. En espérant bien sûr qu'il y en ait d' autres. La somme de tout ce que ce genre apparu à la fin des 00's à Chicago a pu produire en terme de nouveautés, de génies artistiques, de pistes inexplorées et de réflexions. Dès le début on savait que le footwork allait bousculer le marasme conceptuel dans lequel les musiques de danse avaient fini par s'engluer. Le footwork remettait la marche avant et pas seulement pour un rôle limité attribué par des sourds de simple machine à danser . Jlin offre au monde "Black Origami". Jlin, celle qui était devenue la reine du genre après une quasi disparition de 4 ans entre sa présence sur la légendaire compilation de Planet Mu ( le monstre "Erotic Heat" ) et son premier album lui aussi un monstre génial, "Dark Energy". Depuis ce dernier il devenait évident que Jlin apportait une singularité suffisante pour booster le footwork encore plus loin et haut. La différence qui fait tout. Dj Rashad, RP Boo, Spinn, Dj Earl, Traxman, Dj Paypal, Dj Nate, Dj Roc, Young Smoke, Dj Clent, Taye, Taso, Diamont sans parler des japonais et des russes. Tout ces noms maintes fois abordés dans ce blog peuvent être fiers de ce disque, "Black Origami". Ils y ont tous participé par leurs oeuvres mais Jlin est donc allé encore plus le loin. Le footwork s' était émancipé dès le début, Jlin s' émancipe du footwork définitivement. Alors que des gens comme Powell (rock et danse) ou Oneohtrix Point Never (ambient, IDM, ou autre) n'en finissent pas dans l' aspiration du footwork de tout détruire et rénover à grand coup de saccades, brusqueries, de coupures de rythme, choix de sources de samples totalement incongrus ou rafraîchissants (les fameuses poubelles de l'histoire et l' avant-garde en sauveteurs du progrès) , Jlin pousse encore plus les possibilités offerte par cet art subtil des polyrythmies à 160 bpm. Si il y a un artiste qui a joué sur ces derniers points un rôle majeur/divin au cours des 20 dernières et que l'on peut ainsi considérer comme un maître en la matière c' est bien Aphex Twin et que fait ce dernier? Ses dernières prestations sont truffées de titres de Jlin, jusqu'à 4 ou 5. Adoubée par les équivalents footwork depuis longtemps (Rashad et Boo) c'est à présent Richard D James qui place Jlin au dessus du lot, côté expérimental c' est Holly Herndon (encore!) et Basinsky qui s'en chargent aussi (présents sur le disque)?

Pourquoi "Black Origami" ? Pourquoi Jlin et pas un autre producteur footwork? Jerrylinn Patton n' a pas exactement le même parcours que les autres Dj footwork. Elle n' est d' ailleurs pas exactement à l'origine une Dj footwork à proprement parlé selon ses dires . Née du côté de Gary dans l' Indianna Jlin s' est faite faite toute seule, coupée de la scène originelle distante de quelques dizaines de kilomètres, Chicago. Sa relation avec les Rp Boo, Rashad et autres s' est faite par les réseaux socios et internet favorisant un certain détachement. Cette plus grande liberté en terme d' introspection et de rêverie lui a permis de développer ses propres techniques et d' aller en quête d' influences musicales ou autres bien plus diverses et variées que les autres. Dans "Black Origami" les musiques Africaines (déjà avec le ep Dark Lotus en début d' année), Indonésiennes, Tibétaines ou Japonaises côtoient l' expérimentale plus occidental tel les drones et le travail sur les boucles de William Basinski ("Holy Child"), les voix retravaillées et l' influence dancefloor européenne d' Holly Herndon ("1%"). Le footwork est avant-tout une musique de danse, de battle, Jlin se casse du ghetto et le traîne autant dans les ateliers de danse contemporaine (collaboration avec le chorégraphe Wayne McGregor) qu'en Inde avec l' aide d' Avril Stormy Anger une spécialiste du mouvement et de la danse de ce pays. Le footwork, ou ce qu'il en reste, n' en fini pas de voyager tout au long du disque, Afrique du Dud et sa scène hip hop queer (Dope Saint Just) jusqu' en ... France façon gothique avec la présence de Fawkes ( on en reparle très vite de cette énigmatique parisienne, Sarah Foulquière!).

Jlin par ses gigantesques aptitudes à assimiler et son imagination débordante construit des titres au fonctionnement rapide et brillant. Dans ses interviews pour la sortie du disque elle assimile sa façon de composer à la vie par la métaphore de l' art origamesque, une feuille blanche que l'on plie sempiternellement. Elle plie le rythme avec ligne directrice le mouvement quite à en inventer de nouveaux. Elle plie encore et encore, les convenances et les coutumes. Elle plie ... mais surtout ne déplie jamais! Courage absolu que d' adopter ce procédé créatif sans gilet de sauvetage. Refus absolu de revenir en arrière pour recadrer une architecture musicale totalement inédite donc un brin intimidante. C'est ce qu'il y a d' encore plus passionnant selon moi chez Jlin, cette volonté affirmée de modernité, cet objectif du jamais entendu. Bref, foutre la merde !!!! Son modèle en la matière, Igor Stravinsky et son "Sacre du printemps". Quoi d' étonnant quand on connait les points communs entre l' oeuvre du compositeur russe (reliser mon article de 2013 sur le sujet ici) et celle de la productrice footwork qui ne cesse de clamer que ce dernier est incontestablement Africain par ses origines. Un critique anglais écrivait récemment que chez elle comme dans le footwork en général on retrouve le leitmotif de bon nombre de musiciens géniaux et révolutionnaires de ces quarante dernières années. Rythme, mélodie, harmonie...pas un ne surpasse les autres parce qu'ils ne font qu'un. Et l' anglais de citer Kraftwerk, la Jungle 90's et la tradition africaine des tambours comme moyen de communication à distance. Autre modèle cité par Jlin mais qui concerne plus ses rapports à la politique, à son féminisme et sa quête d' émancipation, mais aussi dans un certain sens à ses racines sociales (elle a travaillé dans la sidérurgie) et ethniques, Coco Chanel !!! Jlin aurait incontestablement sa place chez NON tant elle aussi fait entendre une voix rafraichissante et différente parmi la domination, le monopole, des musiques blanches et occidentales. Ce disque est gigantesque. Gigantesque au point d' être intimidant, oppressant, incompréhensible à la première rencontre. N' aillez pas peur, n' aillez plus peur. La beauté et la liberté sont à ce prix. "Black Origami" est extravaguant, innovateur, révolutionnaire; il excelle, débloque tout. Il est au coeur de tout. Disque monument, disque matrice pour les années à venir. Beaucoup plus mûri et élaboré que "Dark Energy", il garde aussi toute la bestialité et l' énergie brute des premiers titres concis et rigoristes du footwork originel. Jlin est devenue définitivement une artiste majeur explosant toutes les frontières sur son passage.

Sa dernière Boiler Room.


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