C 'est l' exemple parfait du gentil "petit" disque ne payant pas de mine sur lequel on ne cesse d'y revenir sans cesse. L' an dernier c' était celui de MJ Guider dans un autre genre. La galloise Kelly Lee Owens passée par Manchester va irrémédiablement squatter bon nombre de quotidien sans le crier sur tous les toits. Si à la première écoute elle ne semble pas se démarquer de la masse d' artistes électro-pop dont nous gave l'industrie les suivantes dévoilent un talent prononcé au dessus du lot. Une sensibilité particulière mêlée à une maîtrise solide des rythmes lent. Kelly ne choisit pas un camp. Elle lorgne autant sur la Dream Pop avec ses petites comptines que sur le dancefloor en mode after ou lounge avec ses synthés acide et surréel. On peut retrouver aussi bien des morceaux de Kosmich (Kraut) tripant que de l' ambient reposée parfaitement assumée. Les crochets pop zigzaguent, prennent leur temps. Owens nous prend la main pour divaguer dans ses toiles impressionnistes dont les coups de pinceau ressemblent fortement à la houle marine. Elle pratique une dream pop plus aquatique qu' aérienne et se rapproche en cela de deux chouchous du blog. Quand on prend un peu de recule il y a vraiment des similitudes avec Laurel Halo et Andy Stott même si les outils et le vocabulaire musical ne sont pas les même. Le point de ralliement avec Halo notamment ne tarde pas à venir avec le titre "Arthur". Hommage évident à Arthur Russel dont elle perpétue la tradition de vouloir rêver avec les souvenirs de la soirée précédente. Certains penseront aussi à quelqu'un d'un brin plus énervé, Daniel Avery ou à Ghost Culture pour la pop synthée rétro et planante. Normal puisque Owens avait déjà posé sa voix sur les disques d' Avery et qu' elle est proche du second . Par contre elle évite assez facilement par son mariage d' une certaine complexité, son affectivité et un minimalisme trompeur les aspects redite et rétro des deux bonshommes. Par exemple si on peut reconnaître un petit bout de drone et de sitar so Chemical Brothers elle dépasse largement la citation grotesque à la Avery ("8") avec son amour de la fantaisie méditative. Un autre nom connu s' invite dans ce premier album c' est Jenny Hval et bien lui en a fait à la scandinave tant elle retrouve le peps et une fraîcheur d'esprit qui lui manque tant dans ses expérimentations un brin scolaire. Kelly Lee Owens peut aussi évoquer, plus proche chronologiquement, une Marie Davidson mais sans le clinquant et le m'as-tu vu 80's que la canadienne dévoilait un peu trop pour offrir elle aussi le disque refuge par excellence. Owens nous offre bel et bien cela, le disque refuge parfait sans pour autant tomber dans le pantouflage rétro et autocentré. Owens capte parfaitement la nature fugace des sentiments et de la vie en général. Son passé d' infirmière en service de cancérologie n' y est incontestablement pas étranger.