top of page
trish-keenan.jpg
Music Blog
& OTHER

DANCING
WITH
THE
NOISE

Trish Keenan, Broadcast

LAWRENCE ENGLISH, "Cruel optimism", beauté contestataire.


Parler de Lawrence English sans passer par la case truc rigolo à deux balle qui va remplir la chronique est à la fois difficile et franchement incongru. Difficile parce qu' il y aura toujours un couillon pour dire que son pseudonyme suffit à désigner sa nationalité et incongru parce que la musique du bonhomme n' amène franchement pas à la grosse marade. Lawrence English est australien. Et sa musique est simplement l'une des plus belles choses à entendre, à révasser et à réfléchir. Ce pote de Ben Frost et Tim Hecker nous revient trois ans après son merveilleux "Wilderness Of Mirror" (19ème du top 2014) et l' enregistrement d' extérieur "Viento". English a le rare don de toucher systématiquement et de vous rendre attentif à tout et n' importe quoi. Dans "Viento" l' auditeur était hypnotisé par les sons collectés en Patagonie et en Antarctique. Ainsi le souffle du vent sur une tolle ondullé devenait un véritable poème épique. Je sais, écrire un truc comme ça peut préter à sourire mais tentez le coup par une froide soirée d' hiver et vous ne vous en remettrez pas.

C'est quoi la musique de Lawrence English? De l' ambient faite de drones plus ou moins bruitistes et de sons collectés divers et variés franchement inidentifiables. Une brise sonore devenant bise pour à nouveau ne devenir qu'un souffle léger mais ténu. Un aller-retour constant entre minimalisme et maximalisme . Cette succession de vents légers interrompus par de sacrées rafales stimule et dynamise l' auditeur. Chez certains musiciens proche d' English il peut arriver qu'on s'y ennuie dans ces alternances de calme et de tempête, qu'une certaine forme de routine s'installe, mais aussi que l'on s'y perde face à trop de complexité servant de camouflage à ce trop plein d' automatisme. L' australien évite les excès d' apport de couches sonores par sa sobriété et sa réflexion directe et forte. Son sens du détail lui permet d' éviter d'en dire trop en ciselant une musique directe. Vous verrez beaucoup le terme d' impressionnisme à son sujet et c' est franchement justifié mais pour continuer dans le paralèlle avec la peinture on peut résumer vite faite son dernier disque à une sorte de peinture impressioniste politique. Un acte à la fois contestataire, clairvoyant et encourageant, comme son titre l' illustre si bien, un disque optimiste et lucide. Très curieusement on néglige souvent la portée politique et le désir de révolte des musiques ambient et drone. Par exemple en n'y voyant qu'un simple refus du commercial, une démarche jugée "jusqu ' au boutisme" sans réelle intérêt. Certains n'y voient aussi qu'un simple outil méditatif ou un truc artistique coupé des réalités du quotidien face à ces musiques lentes où il ne se passe apparemment pas grand chose . D' autres préfèrent n'y déceler que le fatalisme des "jusqu'au boutisme" et même le désespoir de gens désireux faire une pause avec un goût prononcé pour le sombre et l' angoissant. Un truc de personnes cherchant à se faire peur "artificiellement" ou étant désespérément triste, mélancolique. Entre attitude zen insouciante ou pensée dépressive individualiste sans but. English démontre tout le contraire en dévoilant par exemple ses motivations derrière "Cruel optimism". Il nous raconte s' être inspiré des écrits de l' essayiste Lauren Berlant portant sur l' absence et la présence du pouvoir sur nos vie. Sur son influence et comment il nous façonne. English précise : "sur la manière dont le pouvoir consomme, augmente et façonne finalement deux conditions humaines suivantes: l' obsession et la fragilité."

Derrière ça se cache bien sûr une sacré critique et une bonne dose de réflexion combative à l' encontre de notre monde capitaliste et du "libéralisme triomphant et agonisant. Il démontre surtout que l' ambient et les drone en étant certes moins direct que les musiques incluant des paroles (folk, pop, rap etc) n' agissent pas moins d'une manière plus indirectement. Les sous-entendus se révèlent parfois aussi forts si pas plus efficaces que les slogans un brin grossiers et trop facilement caricaturaux. Slogans tellement attendu et entendu que l'on ne sait plus vraiment s'ils recèlent du fond.


 RECENT POSTS

bottom of page