Cette époque aime-t-elle réellement les précurseurs comme on nous l' anonne? On peut franchement avoir des doutes quand on constate le très faible éclairage médiatique portée sur Jamie Teasdale. Que ce soit sous le nom de Kuedo qu' au cours de sa collaboration avec Roly Porter au sein de Vex'd on ne peut pas vraiment dire que l' anglais vivant à Berlin a fait le buzz. Surtout en France. L' homme revient pour son deuxième grand format et une nouvelle fois étonne dans le bon sens.
Depuis une dizaine d' année on est forcé de constater que Jamie Teasdale n' est jamais là où on l' attend. Carrière débutée au sein de Vex'd l' homme et son compère Roly Porter (voir par ici) offrirent une cure de jouvence à un dubstep à peine né. Reécouter Vex'd en 2016 a de quoi chambouler la vision d' Epinal que l'on se fait de ce genre. Déjà les deux anglais ne faisaient pas comme les autres en accentuant la dystopie par une aura futuriste et l' emploi de noise indus. Leur dubstep découlait ainsi d'un grand mais subtil brassage. Cette façon de faire et une vision de la science-fiction expressionniste sont la marque de fabrique de Jamie Teasdale depuis. Une fois séparé qu' allait-il devenir. Ce fut le chef-d' oeuvre "Severent" sous le pseudo de Kuedo. Il ne restait dès lors pour ses premiers pas solo que le son sépulcral du Dubstep alors que d' autres ne s' en sont toujours pas sorti. Kuedo pour se renouveler emprunta au passé les synthés de Détroit et s' inspira de son présent, le footwork et la juke de Chicago. Ce fut l' un des premiers a s'en inspirer de ce côté-ci de l' Atlantique. Faut dire que signer chez Planet Mu aide en matière d' avant-gardisme. Viendra ensuite le fabuleux single "Work, Live & Sleep in Collapsing Space". Avec ce dernier titre et "Severent" Kuedo avait déjà pris un ticket pour les palmarès en fin de décénie cette dernière alors, à peine entamée. En 2015 Kuedo offre une nouvelle preuve de son refus du surplace. Le ep "Assertion Of A Surrounding Presence" (sorti sur son propre label) le voit offrir plus d' abstraction tout en gardant le goût du surprenant, ce coup-ci pointe le gamellan en version digital et transparait un amour de la musique progressive électronique encore plus assumé.
Qu' attendre d' inattendu de Kluedo en 2016 ? "Slow Knife" offre comme surprise que l'on a pas affaire à un disque mais deux en un comme il le déclare. Deux parties bien distinctes. Mais tout au long du disque on retrouve la touche science fiction mais en encore plus mélancolique et crépusculaire. Moins axé sur les dancefloors et plus proche de la vaporwave citadine et Wong Kar Waienne des 2814. Si la première évoque "Severant" et son bagage UK Bass avec les caractéristiques écrites plus haut la deuxième laisse une plus large place à l' abstraction. Plus de drone, plus d' agression noisy et une ambiance encore plus ténébreuse et tragique. Kuedo par instant rejoint son ancien compère Porter et Tim Hecker. Des références cinématographiques sont citées par son auteur et paraissent franchement justifiée pour comprendre les différentes ambiances et parties du disques. "Le 6ème sens" de Thomas Mann a inspiré la première phase plus citadine. La deuxième ce sont "Angel Heart" et "Night Of The Hunter" pour les nuits sanglantes et la sauvagerie voodoo. Teasdale évoque pour l' ensemble le manga ‘Ghost In The Shell’ et le bijou de Mica Levi, ‘Under The Skin’. Et oui, Mica Levi encore citée en 2016. A l' écoute "Blade Runner" pour Vangelis et Badalamenti vous viendrons à l' esprit avec beaucoup de références Kosmich électronique (Tangerine Dream). Jamie Teasdale nous démontre une nouvelle fois tout son talent en usant de ses acquis de Sound Designer. Ce disque peut faire dorénavant office de BO pour un futur film. Ce sera à coup sûr un chef d' oeuvre, comme le disque.