Dans ma chronique (par ici)sur son "A Year With 13 Moons" sorti il y a un ans je terminais par ces mots: "Disque essentiel pour ceux ayant été bercés par l'indie-pop et le shoegaze mais encore un peu hésitant à l'idée de submerger dans les longueurs du drone et la violence du noise." On peut tout de suite annoncer que ce n' est plus le cas. Jefre Cantu-Lesma dont je vous ai déjà tant parlé a sorti en catimini la cassette "In Summer". Et encore une fois, alors que le genre ne cesse de subir les agissements des groupes indie revivalistes et copieurs, c' est LE disque de l' année Shoegaze/Noisy. Le passe muraille idéal. Sans tomber dans le pastiche dénaturé et la facilité Cantu-Ledesma nous offre son disque la plus accessible. Une nouvelle fois sa connaissance de la culture shoegaze britannique explose aux oreilles mais il suffit d' écouter "Blue Nudes (I-IV)" pour s' apercevoir qu' il s' affranchit réellement de ses guides spirituels, les Cocteaux Twins pour ce titre par exemple. Je l' avais également écrit mais si on peut parler rapidement de shoegaze pour l' aspect éthéré il faut bien préciser que les leçon de My Bloody Valentine sont mêlées à celle de quarante années de Drone, d' ambient et de l' ancêtre du sampling chère à Kevin Shields, la tape-music. Bref d'un des amours de ce blog dont il sera question plus tard. Notre californien est comme l' Irlandais, il joue à expérimenter plutot que jouer à imiter. On l' image manipulant ses bandes et d'un coup de doigt génial tourne très légèrement un bouton. Geste très anodin mais qui donne par le talent du bonhomme un résultat digne d'un gigantesque tour de magie pour l' auditeur. Il lui faut vraiment pas grand chose pour nous envoyer dans les cieux. "Jouer" est vraiment adéquate pour le sujet de ce disque, l' été. C' est ce qui le sépare notemment de bon nombre de ses compatriotes copieurs qui n' assimilent caricaturalement le shoegaze qu' à l' hiver Britanique avec son brouillard et ses paysages rincés par la pluie. paysage morose de Landes ou d' industrie en décrépitudes . La mélancolie de Cantu-Ledesma nous parle de l' été, cette saison qui évoque tant l' enfance perdue pour certains dont les souvenirs ténus réapparaissent chaque année chez l' adulte. Des instants forts. La période de l' année peut-être la plus favorable à la découverte, aux rencontres et aux expérimentations en tout genre pour les enfants. Sur sa pochette il décrits très bien sans l' expliciter réellement la sensation de l' homme déclenchée par une odeur, un son ou un endroit (la plage) : “a catalogue of photographs… snapshots of people, places, interests.”
Dernier petit détail sur cette beauté absolue. Dans le très petit nombre d' articles français relatifs à ce disque l' étiquette de Chillwave apparaît. Il est vrai que ça y ressemble mais c'est une erreur grotesque bien significative du manque de culture et surtout du mépris de certains pour ce grand mouvement qu' était l' Hypnagogic-pop. Ce que propose Ledesma est du shoegaze passé par le filtre conceptuel de l' Hypnagogic. Comparé à la Chillwave les travaux de Ledesma font preuve d'une plus grande expérimentation, d' une prise de risque plus forte et beaucoup moins "pop". Il ne subsistait dans la Chillwave que d' infime trace du drone, de l' ambient et du psychédélisme de l' Hypna. Réécoutez Toro Y Moi, Neon Indian ou Washed Out. La mélancolie n' est pas une simple nostalgie des 80's. Et puis quand on connait le parcours de Ledesma et son label Root Strata (Oneohtrix, Liz Harris et son pote Swanson, Harold Budd, Barn Howl ) on se doute bien qu'il n' avait pas les oeillères indie-pop des gentillets de la Chillwave. Historiquement c' est l' hypnagogic-pop qui a enfanté la Chillwave tout comme la Witch House. Et ce disque va enfanter bien du plaisir à bon nombre.