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Nico

LEILA: Essentielle réédition de son gigantesque "Like Weither".


Nous sommes au printemps 1998 (voir ici) . Très vite l' image provenant d' archives familiales de cette jeune fille sur son espèce de bicyclette trafiquée va devenir un symbole derrière lequel bon nombres d' amoureux d' hybridation musicale, de passerelle entre le mainstream vers l' underground et d' avant garde vont se retrouver. Et il aura suffit d'un disque sorti en catimini mais rencontrant très vite un petit succès critique et populaire. Un disque devenu culte mais jamais réédité depuis 22 ans.

Le contexte, 1998 année fabuleuse et peut-être... bien étrange pour les millennials.


Je me souviens très bien de la découverte de ce disque. Je me revois l' écouter à la fois méfiant et charmé, puis totalement emballé et addict. Quand cette fille d' exilés politiques iraniens publie son premier album votre serviteur est perplexe et curieux avant de le découvrir. Perplexe parce que son "Like Weither" est emballé médiatiquement avec le stickers "a joué avec Bjork". Bien qu' étant fan de l' islandaise déjà devenue une boussole à talents et à courants novateurs je n' en étais pas moins averti de certaines technique de vente utilisées par l' industrie musicale.


L' autre motif de mes doutes était que le seul titre connu de ma part était "Don't Fall Asleep" diffusé un soir chez Bernard Lenoir et relayé avec moult battage par les Inrocks. Un titre écouté à la volée, certes très bon, mais à mon goût franchement trop dans la lignée du "Maxinquaye" de Tricky et de pas mal d' autres choses. C' est qu' en 1998 on est en pleine avalanche Trip Hop. La belle iranienne fut étiquetée très vite Trip Hop et si avec du recule on peut trouver cela exagéré il faut se souvenir que le mot Trip Hop était devenue lui aussi un stickers commercial et une béquille pour journalistes dénués de vista. Il faut également préciser que le Trip Hop s' approchait très vite de l' impasse dans lequel il se retrouvera quelques temps après. L' overdose Trip Hop approchait. Et puis il y avait bien d' autres choses débouchant sur des horizons nouveaux. Votre serviteur comme tant d' autres en ce début 98 piochait allègrement entre l' avant- garde et les vieux courants pas encore trop bégayants car revigorés à l' époque par de jeunes talents. En ce temps-là le rétro-gaga à tout va n' était pas encore dominateur malgré la Britpop passéiste et les gens adoptaient avec plaisir une posture proche du cul entre deux chaises. Le classicisme pop rock et indie d' un côté, l' expérimentation et l' innovation des Dancefloors, de l' électronique la plus obtuse et de bien d' autres courant récents alors. L' ouverture d' esprit se conjuguait au présent voir au futur et pas seulement au passé.

Je découvrais ahuri la version IDM du Shoegaze avec Boards Of Canada, un jeune type du nom d' Elliot Smith faisait vibrer ma corde indie après les excès Britpop. Britpop dont Pulp plantait alors les clous du cercueil en beauté avec "This is Harcore" juste après que Radiohead eut renversé la table. Les Autechre sortaient leur grand "LP5", Mark Hollis confirmait son statut d' investigateur du Post-Rock en pleine expansion et Air développait son ambient pop d' une manière préfigurant l' Hauntology déjà bien engagée par Boards Of Canada et Stereolab. Et que dire que du tabassage Big Beat crossower des Lo Fidelity Allstars. Les passages et collaborations entre une électro aventurière et un milieu indie pas encore recroquevillé sur lui-même et le passé était monnaie courante. Et la niche stylistique très mal vue.

Je ne sais plus comment je me suis retrouvé avec une copie sur cassette du disque mais je me remémore parfaitement la claque que ce fut. Je passai ce printemps à n' écouter que "Like Weather" pendant des après-midi entière. "Like Weither" et le tout aussi gigantesque "Mezzanine" de Massive Attack. Dans mon esprit ces deux disques furent complémentaires au sujet du Trip Hop. Entre une qui flirtant avec le courant allait le faire hybrider avec la Pop et l' Idm et les autres de Bristol qui le trempèrent dans l' indus et les senteurs Post-Punk les fans de Trip Hop comme moi voyait poindre une belle sortie du tunnel après l' overdose.

Une claque Pop esotérique marquant un tournant loupé plus tard.

Je me revoie bien ces jours-là à chaque écoutes du disque. M' interroger sur la qualité de la copie quand le premier titre "Something" s' arrête brusquement après à peine 1 minute 29. Juste le temps de découvrir le chant de Luca Santucci qui influencera profondément un Damon Albarn alors en pleine commotion post-Britpop. M' étonner devant les trésors cachés de production et le traitement de la voix que recelait ce "Don't Fall Asleep" trop vite jugé auparavant. Des voix pas loin de préfiguraient celles perçues chez Burial plus tard. Me laisser happer par le subaquatique "Underwaters" puis être cueilli par cet espèce de Soul Pop aux subtils senteurs Trip Hop qu' est "Feeling" avant que le très "Mezzanine" parce que Indus "Blue Grace" finisse par m' assommer de sa beauté vénéneuse . Et enfin, tomber définitivement amoureux de Leila par la grâce du gigantesque "Space, Love". Tu parles d' une entame de disque. Pas à la moitié, à peine 5 titres, et l' auditeur avait déjà traversé mille et un territoires sonores. Au point que 22 ans après il est toujours impossible de classer de disque. C 'est quoi au juste "Like Weather". De la pop tendance Soul/R'nB. Oui, mais pas que bien sûr. Une pop sucrée, élégante et sensuelle mais mutilée, tarabiscotée parce que parfois recouvert de l' essence poussiéreuse du Trip Hop. Parfois parce que surtout c' est le désir d' expérimentation à outrance de l' IDM qui semble guider Leila tout le long de l' album. Parti de chez Galliano et Bjork la belle fricotait dorénavant avec la crème de ce courant au point de signer sur le label Rephlex du dieu du genre, Sir Richard D. James aka Aphex Twin. Passant de la soul-pop la plus charmeuse tel Don't Fall Asleep", "Misunderstood" ou "Won't You be my baby , baby" à l' expérimentation la plus ardues tel les Breakbeats Jungle tordus virant dans le Drone de "So Low...Amen", les synthés malades typiquement Autechre de "Mélodicore" et osant la touche Baroque de "Space, Love". Et tout ça quand elle n' offrait pas le visage déconneur et taquin de l' avant garde en cassant les rites et usages de l' autoroute mainstream pop avec une nouvelle coupure du son vicieuse et perverse à souhait sur "Knew" après celle de "Something". Pour beaucoup comme pour moi même c' est l' exemple typique de grand disque Pop Ésotérique. Un machin prodigieux qui peut à la fois charmer en rafraîchissant et faire péter les cloisons emmurant l' esprit des puristes de l' expérimentation par de bonne dose de pop parfaite, et aussi, convertir les perdreaux pop de l' année à des choses plus mystérieuses nécessitant une certaine initiation. Leila a de quoi être fière elle qui continue depuis des années à revendiquer l' héritage et l' influence sur sa musique de l' un des maîtres étalon du genre, le "Sign "☮︎" the Times" de Prince . Et oui, ce n' était pas seulement une simple amitié et du copinage entre elle et Bjork qui dira quelques temps plus tard que Leila était l' une de ses plus grandes sources d' inspiration avant même ce "Like Weither".


"Like Weither" en 2020. Toujours essentiel.

Leila ne s' explique pas pourquoi il a fallu autant de temps pour voir son chef d' oeuvre être réédité. Selon elle Rephlex n' a possédé les droits que 7 ans donc dès 2005 n' importe qui aurait pu le rééditer. Alors pourquoi autant de temps?

On peut s' interroger longuement sur le comment du pourquoi de ce loupé. Un loupé qui rappelle un autre grand disque proche de celui de Leila parce que ésotérique aussi à sa manière. Le grand et complexe "Black Secret Technology" de A Guy Called Gerald réédité qu' en 2008 et plus jamais. Mais peut-on avancer que pendant toutes ces années le statut de ce grand disque fut biaisé par ce qu'il se passait alors. Ce disque prenait le passé et le propulsait vers le futur à grand coup d' expérimentation tordue et courageuse. Et ça faut bien l' admettre pendant toutes les 00's c' était pas vraiment le kiff d'une industrie en plein rétro-gagatisme. Le passé, oui pour se blottir face à un présent de plus en plus inhospitalier mais le futur surtout pas. Alors oui aux gentils et tendres doudous passéistes qu' étaient LCD Soundsystem et les Strokes mais surtout pas les trucs tordus et compliqués. C 'est qu' en plus avec le piratage numérique fallait remplir les caisses avec du pré-consommable, pas du "bizarre". Même ceux qui avaient connu cette belle année 98 aventurière et innovatrice ont alors fini par perdre certaines bonnes habitudes tel le goût du risque en matière musicale. Une autre raison et c' est Leila qui l' avance c' est qu' elle était et pendant encore très longtemps une femme totalement libre dans ce milieu fortement masculin. Malheureusement certaines questions liées au patriarcat et au féminisme étaient encore mises de côté.


Finalement que sa ressortie en 2020 soit chez l'un des labels parmi les plus remueurs et avant gardistes des 10's après les moribondes 00's n' est que plus logique et savoureux. Aux lecteurs du blog je ne ferai pas l'injure de présenter longuement les mancuniens de Modern Love mais juste citer quelques noms tout autant emblématiques par ici: Demdike Stare, Andy Stott, Vatican Shadow, Low Jack, Lucy Railton et Rainer Veil. Et que Modern Love nous a gâté. Parce que ressortir ce disque était devenu vitale mais l' agrémenter du remastering d' un maître du genre en la personne de Rashad Becker alors là, c' est le coup de génie. Pendant 6 mois, temps très long, Rashad Becker a effectué un véritable travail d' orfèvre. Remettant "Like Weither" au goût du jour grace aux nouvelles technologie apparues depuis 98 mais sans non plus trahir l' original. Cette version est encore plus belle parce qu' elle rend fondamentalement justice au magistral et total talent de Leila en matière de production. Son inventivité et sa maîtrise entraperçus à l' époque vous explose aux oreilles d'une manière totalement inédite. Même en format MP3 ce qui très rare. L' écoute au casque est plus que conseiller.

Disque jalon et grand classique de ces trente dernières années. "Like Weither" est bel et bien un classique et si son influence tarda c' est bel et bien à cause du contexte et d' événements dans l' industrie du disque. Pas à ses qualités. Mais peut être aussi parce qu' il était bien trop en avance sur son temps. Quand on observe les tendances apparues ces dernières années on peut y voir les traces de ce disque. Certains citent au sujet de ce côté pop ésotérique parfaite le grand "Devotion" de Tirzah produit par Mica Levi mais j' évoquerai aussi des disques parfois éloignés stylistiquement mais possédant traits caractéristiques en commun avec celui de Leila. Les deux derniers Yves Tumor ou encore ceux d' une Sophie ou d'un Lotic tant ces derniers nécessitent parfois une initiation tout en étant accessible par instant au plus grand nombre. Même Arca avec son tout dernier offre un pont entre une avant garde pointue et le mainstream avec ses courants dominants tel le R'n'b.

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