KATHRYN MOHR, entre douceur, solitude et dystopie sinistre.
- Jojo Lafouine
- 18 févr.
- 3 min de lecture

Cela faisait bientôt cinq ans que l' américaine Kathryn Mohr expérimentait toute seule dans son coin et nous délivrait des perles d' Avant Folk souvent passées inaperçues. Avec son troisième album "Waiting Room" Mohr commence à sérieusement faire parler d' elle et tutoie le somptueux.
Kathryn Mohr a délaissé ses bien tristes Etats Unis natals pour s' expatrier un temps en Islande. On peut franchement la comprendre vu le contexte actuel et ce désir d'' isolement sur cette île lointaine à la densité de population parmi les plus du monde en apparence étonnant se révèle plus qu' approprié. De son séjour dans la patrie de la reine mère Bjork la chanteuse nous envoie sous forme de carte postale ce "Waiting Room" enregistré dans une usine d' emballage de poisson devenue lieu de résidence pour artiste. Ecouter "Waiting Room" c' est plonger dans un véritable univers en soi. Un univers à l' image des paysages rugueux et isolés de l' agitation humaine. Comme il n' y a jamais de hasard en musique ce disque peut immédiatement être identifié comme le petit frère d' un autre paru il y a quelques semaines, le terrifiant "Perverts" d' Ethel Cain (ici).
Ne vous attendez donc pas à une musique joyeuse et festive, à un album alignant gentiment des chansons aux structures classiques.
Dans la droite ligne de Cain Kathryn Mohr opte pour une oeuvre fortement cinématographique sans compromis. Vous trouverez certes biens plus de chansons assez structurées que chez Cain mais Mohr les habille d' une enveloppe Ambient qui renouvelle les genres abordés. Elle incorpore à son songwritting des atmosphères sonores qui l' emportent souvent tout en servant de respiration. Cette façon de faire renouvelle l' approche et les manières conformistes de faire tant rencontrées ces derniers d' une certaine Indie Music fortement influencée par les 90's. Mohr se singularise ainsi par rapport au troupeau de formations et d' artistes rétrogaga récitant le leçons du passé sans réellement chercher à y apporter un petit peu de rafraîchissement.
Probablement plus abordable et charmeur que "Perverts" ce "Waiting Room" évoque lui aussi l' univers sonore du "Erashead" de Lynch. C 'est Dark et pas franchement porteur d' un fol espoir mais tellement plus proche de nos vécus. Certains ont même évoqué une Jessica Pratt arrachée à ses 60's californiennes pour être larguée dans une friche industrielle islandaise en pleine nuit. Le falsetto délicat de Mohr offre un contraste saisissant et ensorcelant à une production dystopique et sinistre. La réverbération, les delays et des synthétiseurs léthargiques couvrent des compositions minimalistes d' un voile surréaliste. Parfois les basses délivrent de véritables drones susceptibles d' éclipser tout le reste.
Mohr affirme bien plus ses penchants 90's qu' Ethel Cain et ne vous étonnez pas de croiser les spectres de Liz Phair, Cat Power ou PJ Harvey. Encore une fois Liz Harris aka Grouper est à évoquer et confirme son statut d' influence majeur sur la nouvelle génération tout comme Julianna Barwick.
Ces influences se succèdent mais à la différence des rétro gaga Mohr par sa personnalité, les thèmes abordés et son parti pris Ambient offre un liant évitant la simple redite.
Serait-ce un rêve de sensibilité ou un cauchemar de solitude que nous offre Kathryn Mohr? On hésite et quand la réponse la plus douce semble évidente la musicienne scie la branche sur laquelle vous pensiez pouvoir échapper à de bien tristes vérités et sensations croisées dans notre quotidien.
Une véritable pépites sonores.
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