Qui se souvient du groupe Women? En fait tous ceux qui l' ont écouté au début des 10's. Women était le cas typique de la formule gagnante d'un groupe d' indie en pleine rétromanie. Un référenciel ad hoc sans faute de goût selon la doxa "indie". D' abord un amour puissant et assumé envers les matrices 60's du courant, le Velvet Underground pour l' âme et The Beach Boys pour les voix. Une connaissance parfaite du post-punk, l' intransigeance des Swell Maps, le goût du risque des This Heat et le savoir pop accrocheur sans avoir vraiment l' air d' y toucher des Wire. Et enfin une éducation faite pendant les 90's sous les règne de Pavement et de Sonic Youth. Ajoutons à cela un certain talent, un chanteur à l' âme torturé avec la petite dose du truc en plus et ces canadiens avaient tout pour devenir Deerhunter à la place de Deerhunter dans le coeur des indies boys. Mais seulement voilà, l' aventure s' est clôturée en eau de boudin quand les membres se sont mis également à plagier les deux frangins d' Oasis en plein concert. Comprenez pas la musique des mancuniens mais l' art de se foutre sur la gueule en famille à tout moment. Et surtout au plus mauvais. Après le désastre la partie rythmique fila former le maladroitement nommé Viet Cong pour finir par s' appeler Preoccupations et continuer un intéressant travail de déconstruction post punk sous les projecteurs des médias indies. Pendant un temps on ne su pas trop ce que devenait le chanteur Patrick Flegel. A vrai dire tout le monde s' en foutait un peu du bonhomme dans les site indie tant ses anciens comparses faisaient parler d' eux en peignant dans le sens du poil le nostalgico-gaga. Oubliant de plus en plus les 60's et les 90's en lorgnant de plus en plus sur la période 1978-83 britannique devenue alors la grande marotte à la mode les Viet Cong/Preoccupations voyaient chez eux le charme des Women disparaître au profit de manières adéquates pour taper l' incruste dans festivals nostalgiques.
10 ans après le grand et émouvant "Public Stain" des Women on sait enfin qui dans le groupe s' accrochait aux 60's pop d'un Brian Wilson et aux 90's de Sonic Youth. Patrick Flegel ! Et on sait aussi que l' un des petits trucs charmants en plus, une certaine fragilité alors indéfinissable des Women, c' était aussi lui! Sur le tout récent cinquième album de Cindy Lee beaucoup d' aspects semblent rendre justice au solitaire et nous redonner ce que ses anciens collaborateurs ont perdu. Cindy Lee qui semble avoir d' abord été un groupe puis devenu progressivement un projet solo s' évade de l' autoroute indie et offre un chemin de traverse franchement intriguant et charmeur. Je serai réducteur et un brin feignasse, voir carrément salopard, je ne pourrais pas m' empêcher pour présenter ce "What's tonight to Eternity" de vous balancer uniquement sa pierre angulaire. Un vieux titre des Sonic Youth qui n 'était rien d' autre qu' une magnifique reprise. Dégeulasse de résumer l' affaire Cindy Lee par ce qui va suivre tant Flegel a considérablement développé et approfondi ce qui peut se révéler être le concept musicale. Détruire la pop mainstream 60's par des manières punk et post-punk de Sonic Youth.
Abordons tout de suite la singularité de Cindy Lee face aux légendaire "Superstar" de la clique New Yorkaise. Bien sûr qu' il y est beaucoup question du destin tragique de Karen Carpenter et de ce que recèle comme lâchetés, mensonges, manipulations et autres secrets peu glorieux de l' arrière salle de la pop mainstream et du showbuisness. Bien sûr aussi que comme le note le dossier de presse le travail de Flegel en solo est "l' exploration permanente de l' art, de la guitare électrique" et qu' il s' agit en grande partie des habitus Sonic Youthiens. Mais la fin de la citation apporte un vaste sujet pas vraiment abordé chez Thurston Moore et compagnie: "(...) l' identité Queer et l' expression de Genre." Patrick Flegel explique avoir désiré assumer totalement son identité transgenre après l' épisode Women en passant par la transformation de son apparence dans un premier temps . Le merveilleux "What's tonight to eternity" déroule la suite du processus en étant une juste et émouvante description de la dysphorie , la détresse psychologique des transgenre. La musique est à l' image des émotions brossées par Flegel. On ne tombe jamais dans la caricature facilement classable stylistiquement. Il apporte une dicersification et une richesse sans rompre le juste et fragile équilibre enfin obtenu après 5 albums. Ses aspirations pop sont parfaitement contrebalancée par sa maîtrise du bruit et l'on ne sait jamais réellement de quel côté on va tomber.. Les accroches pop spectrales sont ainsi suffisamment maltraitées pour ne pas permettre une nostalgie rance et un poil trop sage. Le chant androgyne et la texture du son flirte beaucoup trop avec le surréalisme pour que le nostalgico-gaga ne retrouve son cocon aseptisé. Si on ne peut pas vraiment le classer dans ces deux styles il est très clair que Cindy Lee est proche de l' Hauntology music et de l' Hypnagogic Pop par bien des aspects. Entre nostalgie et volonté de quitter définitivement un passé pas si rose que ça. Souvent on pense à des Broadcast produit par Lee Renaldo et Moore. Ou bien à une version mutante parfaite d' Ariel Pink enfumé croisé avec son faux frêre John Maus et ses synthés tonitruants. A d' autres moment avec cette voix fantomatique et une production volontairement abîmée à The Caretaker de James Kirby et son travail sur la mémoire si ce n' est pas à la production de Yves Tumor. En fait c' est bien dans ce courageux largage des amarres indies pour voguer sur les mers convoitées par ce blog qu' une grande partie du charme de Cindy Lee demeure. Repenser aux récents travaux de ses ex camarades de Women apporte un nouvel éclairage et une réponse clair à ce qui à fait dépérir l' indie music. On peut être nostalgique mais dans ce cas faire de la musique doit réclamer une sacrée dose de remise en soi, d' ouverture d' esprit et de réflexion envers certaines chose mal vues ou intimidante dans la doxa Indie. Il est vrai que pour cela il faut du temps et Patrick Flegel l' a pris mais les 9 titres puissants de cet album donne un ensemble difficilement inclassable pour servir de canot de secours aux derniers rescapés du naufrage indie avant le naufrage définitif qui selon les dernières observations risque fort bien de se resumer au tout dernier Tame Impala. Une forme aguichante mais sans fond. Et bien Cindy Lee offre les deux et déchire les coeurs.