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DANCING
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Nico

PRIMAL SCREAM "SCREAMADELICA". Histoire d'un groupe révolutionnaire aux deux chefs d'œuvres.


1991-2021 Trente ans séparent ces deux années. En 91 votre serviteur avait à peine 17 ans mais déjà la passion musicale commençait à s' emparer de lui depuis quelques mois. A l' image du narrateur de la chanson des La's "There She goes" qui observe la jeune fille de ses rêves passant dans la rue sans jamais oser l' aborder, manquait le truc essentiel gage de consécration et de non retour en arrière. Le premier baiser incendiaire. Ce sera 1991.

Année magistrale et révolutionnaire en musique sur laquelle DWTN a commencé à revenir avec l' article sur "Nevermind" (ici). "Screamadelica" sera l' un de ces baisers incendiaires qui changent une vie. En commençant à écrire dessus une évidence est apparue rapidement . On ne pouvait réellement écrire sur "Screamadelica" sans revenir sur la carrière prolifique et complexe de ses auteurs ainsi que sur celle du label qui avait sorti ce disque. Et puis une autre évidence se révéla encore plus importante. "Screamadelica" tel le Yin avait un Yang, un autre chef d' oeuvre de Primal Scream. Il était temps de vous parler de Primal Scream et de ses deux chefs d' oeuvre. Un groupe et deux disquex essentiels pour comprendre d' où vient une certaine vision développée dans ce blog.


GLASGOW 80'S

Alan McGee & Robert "Bobby" Guillespie début 80's.


L' histoire de "Screamadelica" et de Primal Scream débute dans le Nord du Royaume Uni dans les 80's en plein cauchemar Thatchériste. Glasgow subit de plein fouet les politiques d' austérité dictées par le Néo Libéralisme. Le chômage explose et Thatcher finit d' écraser les mouvements sociaux comme par exemple la grève des mineurs tel son fils putatif Macron avec les gilets jaunes trente ans plus tard. Autoritarisme, lois liberticide et flicage de la population avec comme mot d' ordre le Do It Yourself parce que selon la salope Maggy :

"Nous sommes arrivés à une époque où trop d'enfants et de gens (...) rejettent leurs problèmes sur la société. Et qui est la société? Cela n'existe pas! Il n'y a que des individus, hommes et femmes, et des familles." Thatcher, Macron. Dépolitiser et favoriser l'individualisme en divisant. Comment voulez-vous qu' un aide soignant français en 2021 ne tire pas le parallèle entre son expérience personnelle et celles de la jeunesse british qu' il écouta autrefois.

Malgré le temps passé le "No Futur" du Punk est plus que jamais l' horizon de toute une génération pas née assez tôt pour avoir profité et agit pendant l' espérance révolutionnaire des 60's et 70's. Deux gamins issus de la Classe ouvrière et la basse classe moyenne se rencontrent à l' école et une amitié se crée au nom de leurs passions communes pour la musique. Le plus âgé se nomme Alan McGee, l' autre Robert Guillespie rapidement renommé Bobby. Guillespie est le fils d' un syndicaliste et délégué du parti travailliste et cet héritage social et politique l' imprégnera fortement jusqu' à aujourd' hui. Il le revendiquera souvent parfois maladroitement, rare exception dans le milieu Indie et underground.

A peine ado les deux sont emportés par la tempête Punk mais n' y participent que très peu vu leur jeune âge. Observateurs plus qu' acteurs. Ils n' auront de cesse de vouloir rattraper le train en marche de ces années révolutionnaires musicales en agrippant le wagon Post-Punk. Plus désireux d' un quart d' heure révolutionnaire que de célébrité. Assez vite ils deviendront des amateurs encyclopédistes du Rock à la culture pointue et gigantesque. Grandis sous le punk et le Post Punk les deux compères sont vite rejoint par un troisième larron du nom de Andrew Innes. Les trois nourrissent une passion aussi grande pour le psychédélisme fin 60's et le Krautrock. Leurs goûts musicaux s' élargiront toujours plus allant du Free Jazz des Coltrane et Sun Ra jusqu' aux expérimentations électros et bien plus tard Dancefloors. Leur leitmotiv sera d' assembler leurs deux grandes affinités, le psychédélisme et le punk. Les expérimentations musicales et psychotropes du premier avec les revendications sociétales et politiques du deuxième. Mc Gee prendra très vite le rôle du mentor/penseur/patron de label quand pour Gillespie ce sera celui de la rockstar/artiste engagé. McGee, Guillespie et Innes débutent en jouant dans The Drains formation de la deuxième vague punk puis évoluent Post Punk au sein de The Laughing Apple . En accord avec sa volonté de fusionner le Punk et le Psychédélisme afin de réveiller un rock plus vraiment révolutionnaire dans les 80's ,alors en pleine entourloupe Band Aid démagogique et subissant une Pop FM artificielle sans aspérité dominant même dans la presse plus spécialisée (le début du "Poptimism"?), Mc Gee en quête d' une certaine authenticité trouve refuge dans l' Indie Music naissante et fonde tour à tour Big Bang Pow! et Creation records (du nom d' une vieille formation Mods). A l' instar de Guillespie le rouquin Mc Gee entame donc très tôt une démarche que certain appelleront plus tard le Rockism (voir ici). Son opposé sera donc le Poptimism selon une vision franchement binaire.

Mc Gee prend sous son aile une autre formation écossaise débutante dont Guillespie deviendra le batteur, The Jesus & Mary Chain. A peine dans le game et le rouquin chapeaute rien que l' une des formations les plus importantes du "bon" rock des 80's. Les "Jesus" seront une déflagration Punk et rock sujette à polémique dans un monde musicale assagi et tape à l' œil à l' image de leurs concerts bruitistes et courts finissant parfois en émeute. Juste avant Guillespie ,après des piges comme roadies chez les New Wave Altered Image, participe comme bassiste aux débuts Post-Punk/Coldwave de The Wake et se rapproche de la clique mancuniene de Factory. En 1982 il fonde Primal Scream avec un nouvel ami, Robert "Throb" Young. Innes les rejoindra trois plus tard. A même pas 20 ans ce type voit déjà son nom associé à d' autres devenus déjà des légendes.


The Jesus & Mary Chain avec Guillespie.


Deux singles sortiront très vite chez Creation pour Primal Scream dont le légendaire "Velocity Girl" présent sur la compilation tout autant légendaire "C86". K7 vendue avec le NME symptomatique du courant indie Jangle Pop alors en pleine expansion après la tornade The Smiths. Le premier album "Sonic Flower Groove" montre un Primal Scream qui a délaissé le Post Punk et le boucan Noise/Punk/ Indus des Jesus & Mary Chain pour se vautrer dans un maladroit mais charmant et délicat exercice mêlant passéisme, underground, DIY et contestation du mainstream. Toute la carrière de Primal Scream sera ainsi marquée par leur retour incessant de ces encyclopédistes sur le passé du Rock. Démarche souvent agaçante par ses senteurs aiguë de formoles en opposition à leurs échappées imprégnées de fraîcheurs modernistes. Beaucoup de naïveté et d' innocence quitte à se planter en beauté.

Pas les moyens pour un clip à l' époque de "Velocity Girl" Guillespie lui en offrira un très beau des années plus tard sous forme d' hommage à l' égérie Warholienne Edie Sedgwick.


Guillespie, après des débuts sur grand format fortement placés sous l' égide d'un axe 60's psyché californien Byrds/Love, décide de faire voyager sa machine temporelle Primal Scream vers le Detroit début 70's sous haute influence de drogues plus dure et de rock crado. Les drogues chez lui et Mc Gee joueront un rôle important jusqu' à frôler le drame et la toxicomanie la plus sérieuse. Les Stooges pour la folie toxicomane et l' influence croissant du Free Jazz dans leurs passions d' archivistes et le MC5 pour le contenu politique par une forte inclinaison à l' intrusion de slogans et citations dans les chansons.

"Primal Scream" deuxième album sort en 1989 et se révèle clivant dans le petit monde Indie alors en pleine sidération Madchester avec les Stone Roses. Certains vont les traiter (à juste raison alors) de réac passéistes quand d' autres adeptes du groove fluide et les arpèges majestueuses des Roses de gros bourrins rockeux. Des titres tel "Ivy Ivy Ivy" ou "She Power" apparaissent dépassés immédiatement publiés et assurément à contre courant. Primal Scream en 89? Des gros bourrins ayant gobé un vieil acide périmé quand l' heure est à danser aux sons House sous la toute récente ecstasy . Dans un sens Guillespie et compagnie peuvent être perçus comme un signe annonciateur du passéisme Britpop quelques années plus tard et la version pataude et moins cynique des Strokes/Libertines 12 ans plus tard.

Les Primal Scream semblent au bout de 7 ans de carrière encore se chercher et demeurer enfermés dans leur chambre d' ado de 1980 entravés qu' ils sont par tous les travers Rockist. Primal Scream semble sortir la tête de l' eau rétrogaga quand il s' agit de ballades psyché moins rock caricaturales tel "You're Just Too Dark To Care", "Kill The King"et surtout "I'm Losing More Than i'll Ever Have". Cette dernière chanson appelée à devenir la clé de la révolution Screamadelica.


MANCHESTER ET L' ANGLETERRE 1989-90


Il faut imaginez le choc visuel et sonore totalement dépassé que représente Guillespie et compagnie en 89. Leur moule bite en cuir, les grosses bottes de Biker, leurs cheveux gras très longs et leur rock lui aussi très boursouflé remplissant à peine les petites salles. En face des foules au look baggy/ Casual et les coupes au bol se pressent aux concerts des Stone Roses. Les aspirations Funk Racaille sous ecstasy des Happy Mondays et autres hooligans tous droit sortis des stades de Foot face aux marottes passéistes de proto geeks. Si les Primal Scream veulent toujours la révolution, la musique quant à elle, ils la conjuguent au passé et tape résolument à côté.

Mc Gee va passer par-là et remettre Guillespie sur les bons rails après avoir passer des années à copier et apprendre par cœur les bouquins de l' histoire du rock. Et selon l' étrange pédagogie toute Mc Geenesque, rien de mieux que de lui faire gober la dernière drogue à la mode pour le traîner dans les première raves à la découverte de cette nouvelle musique révolutionnaire, l' Acid House. Les ¨Primal Scream n' avait pas tord sur toute la ligne et étaient bel et bien dans l' ère du temps du Second Summer Of Love, psychédélisme et hédonisme révolutionnaire après les années de plomb Thatcher, mais au mode de l'imparfait. Mc Gee quant à lui via son label Creation déplacé sur Londres était bien plus au fait de ce qui se passait et cultivait son culte rock au présent. Il avait signé les plus bourgeois House Of Love et leur indie Pop plus moderne mais surtout il ne passerait pas à côté du bouleversement sonore abrasif Shoegaze en récupérant My Bloody Valentine dès leurs débuts puis plus tard Ride et The Boo Radleys. Guillespie y viendra délaissant la chaleur Soul mais bien plus tard. Suivront ou précéderont bien d' autres signatures de formations légendaires indies, Super Furry Animals, Swervedriver, The Telescopes, The Weather Prophets, Felt Momus, The Pastels, The Times.

Creation Records devient le label phare Indie fin 80's début 90's. Souvent Rockist en mal d' authenticité Mc Gee mais certainement pas un type allergique au métissage stylistique et à l' innovation. Entre la volonté de faire renaître le bon vieux rock mais en cessant d' expérimenter des choses nouvelles afin d'y arriver. Quand Madchester en 88 explose Mc Gee en bon élève révolutionnaire qu'il est depuis toujours va là où le souffle de la révolte balaye le passé. Ce grand amateur de drogue va très vite résider un temps à l' épicentre de la révolte Acid House/ Baggy, Manchester et l' Haçienda de devenir sa seconde maison. Il faudra donc pas longtemps pour que Mc Gee traîne Guillespie dans une rave et lui donne à essayer l' ecstasy. Le choc est énorme et Guillespie de délaisser un temps les 60's et 70's pour un gavage Acid House, Techno et autre. Inner City par ci, The Orb par là et beaucoup beaucoup d' Haçienda. Le choc n' est pas seulement musicale, toxicomane et stylistique. Il l' est aussi sociale et politique Quand Guillespie se rend dans une des premières Rave sauvage à Brighton en 88 il s' en souvient :


"Il n'y avait pas beaucoup de monde là-bas, mais ils n'étaient pas habillés avec des vêtements de créateurs chics; c'étaient des enfants de la cité. Nous n'avions jamais entendu de musique comme ça auparavant. Je n'étais pas sûr qu'en faire."

Surtout que d' autres à Manchester ont déjà entamé la démarche de sortir de la salle de concert pour se rendre sur les dancefloors. Pas longtemps non plus pour qu'il lui présente un nouvel ami ancien maçon et DJ alors en plein la tourmente Acid et Dancefloor. Un Dj qui a à son compte dès 1989 une légendaire relecture avec Paul Oakenfold d' un titre indie Baggy , le "Hallelujah (Club Mix)" des Happy Mondays. Un de ces rares remix qui éclipsent l' original.


30 Novembre 1989, date historique. Madchester au sommet.



Le 30 Novembre 1989 est le jour de gloire médiatique et télégénique du phénomène Madchester lié à l' acid House. L' émission Top of The Pops de la puritaine BBC reçoit les hooligans sous acide Happy Mondays et les anges Stone Roses alors sur le toit du monde. L' ère Thatcher va s' écrouler et la jeunesse britannique de danser sur sa tombe. C' est celle justement du Nord, portée sur la danse par sa tradition régionale (la Northern Soul) et la plus martyrisée économiquement et méprisée, qui va entraîner les autres sur le chemin de la révolte des Raves sauvages. La scène club jusqu' alors clandestine montre son bout du nez par le prisme de groupes à guitares. "Screamadelica" en sera le définitif avis de naissance. C 'est doncun ras de marée d' artistes Indies à la pointe du modernisme auquel assiste les jeunes téléspectateurs. Depuis les Smiths un brin rétrograde l' Angleterre n' avait pas vu l' Indie triompher de la sorte. Suivront à l' assaut des Top en provenance du "North" les Soup Dragons, The Farm, les Inspiral Carpets, les Charlatans et enfin les Candy Flip qui en reprenant "Strawberry Fields Forever" finiront de tisser le lien définitif entre les deux Summer of Love. Révolutions psychédéliques tant fantasmées et désirées par Mc Gee et Guillespie. Ceux qui avaient tout vu venir jusqu' à l' anticiper activement ,les New Order, d' en remettre une couche juste avant avec "Technique". On aura même droit à la pathétique et putassière récupération Mainstream Pop du style par l' affreux Georges Michael avec son titre "Freedom". Un pompage aseptisé en règle de "Loaded" et d' autres.

Les Primal Scream sont regroupés devant leur petit écran et subissent une nouvelle fois le choc. Tant pis si on les juge de traîtres au Rockisme. Tant pis si ça plait à un plus grand nombre. C' est la musique qui les branche, elle est révolutionnaire et fout le feu, celle qu' ils ont donc envie de faire. De toute façon au bout de 6 ans d' une carrière sans succès, que risquent-ils? Le "Fools Gold" des Stone Roses sera le maître étalon pour "Loaded" et l' album qui suivra.


Les Primal Scream s' attendent à voir débouler un clone des Roses ou des Happy Mondays et voit un type fringué comme eux en cuir et cheveux longs, tatouages et passion commune pour le rock de prolo de Thin Lizzy, les héros Glam tel T-rex. Ce type c' est Andrew Weatherall et sera le héros du miracle Crossover qu' est "Screamadelica". Peut être que Primal Scream y serait arrivé seul mais certainement plus laborieusement.

Andrew Weatherall vers 1990

Les Primal Scream avaient la volonté de sortir de leur Rétromanie mais n' avaient pas les outils technologiques et les us et coutume adéquat. Weatherall va les leurs donnés en les initiant aux techniques issues du dancefloor. Lui aussi aime les ballades du dernier album et propose de remixer "I'm Losing More Than i'll Ever Have". Par crainte sa première proposition est un brin trop sage et respectueuse. Là où les Rockistes et autres arrivistes bas du front se seraient satisfait d' un relieftage à moindre frais les Primal Scream emportés par la déferlante révolutionnaire acid lui ordonne en la personne d' Innes d' en faire plus et se lâcher comme jamais . Jusqu' au sacrilège suprême d' enlever la voix du chanteur Guillespie. C' est l' acte de bravoure progressiste de ce dernier, accepter son retrait au nom de la cause commune.



"Loaded" sort en Mars 90 et atteint la 16 ème place du Top 50. Succès Inouïe et inimaginable pour les Primal Scream et Creation. Les mauvaises langues s' étonnent quand d' autres hurlent à la trahison encore une fois. Parfois ce sont les même intégriste Indie qu' au moment de leur virage "bourrin/rock" un an plus tôt. Entre accusations de relookage artificiel pour coller à la mode d'une part et de l' autre que les honneurs ne doivent allés qu' à Weatherall. La suite va tous les faire taire.

"Loaded" n' est qu' un remix mais un remix plus qu' audacieux. C' est surtout le début d' une grande aventure artistique, sociale et politique et pas qu' un simple coup marketing. De toute façon les Primal Scream qui n' ont pas briller par arrivisme et carriérisme auparavant et ils avaient déjà pris leur décision pour l' album à venir avant le succès de "Loaded". Weatherall fera partie de l' équipe le temps de l' enregistrement. Il se verra aidé par Hugo Nicholson. Autre choix profondément anti Rockist et rétrogaga aux grandes conséquences, ils s' achètent un échantillonneur Akaï et compose avec celui-ci et un clavier plutot que les guitares.

Au clavier justement déboule en provenance d' uns autre formation Indie légendaire, Felt, l' un des musiciens qui jusqu' à aujourd' hui demeurera l' un des piliers du groupe, Martin Duffy. Exploit tant Primal Scream va voir défiler un nombre assez impressionnant de musiciens. C' est le début de la Réal Madrilénisation du groupe qui tel un grand club de Foot cherchera à composer sa Dream Team plus tard. Duffy va se révéler être prépondérant et permettre à Weatherall de donner au travers du piano la senteur House recherchée. Plutot que plagier, ils vont sampler. Plutot qu' imiter ils vont réinventer. Plutot que cibler une niche stylistique ils vont tout mélanger. Hybrider pour ensuite opérer une créolisation. L' enregistrement "Screamadelica" va être laborieux mais quoi de plus normal. Le disque ne sortira donc qu 'en Octobre 1990 soit plus d' un an plus tard. Ils repartent de zéro et tout est à réinventer pour atteindre les objectifs fixés. Ils avanceront pas à pas, single après single. Ils se défoncent et sortent en rave comme jamais mais ne cessent de travailler. Bien sûr que leur penchant pour la citation d' encyclopédiste demeure et le premier titre en boite le reflète, "Come Together". Oublié le Rock Blanc de l' ouvrière Detroit, c' est toute leur culture black qui est assumée. Qu' elle soit musicale et politique avec le speach en introduction de Jesse Jackson subtilisé au live Wattstax . Bonjour Le Rock et le Funk du Detroit Black de Georges Clinton et ses Parliaments/Funkadelic. Sly and The Family n' est pas loin non plus. "Come Together" transpirent la Soul et l' urbanisme des cités ouvrières martyrisée par le néolibéralisme tout au long de ce titre mêlant Gospel et Acid House. Encore une fois les us et coutumes rock sont dispersés et c' est la voix de Guillespie qui en fait les frais sur une version mixée par Weatherall. Oui il y citation mais franchement l' ensemble ne ressemble pas à un chanson plagiat classique mais plutot à une longue piste façonnée pour le Dancefloor.

1990 : Réconciliation entre Mods et Rockers sous l' égide de Madchester par Primal Scream (Innes en Baggy Boy, Guillespie en Mods et Robert "Throb" Young en rocker)

Le "Come Together" qui sort en single à la fin de l' été 90 est la version produite par un autre Dj Terry Farley. La claque de la version Weatherall ne sera que plus belle pour l' album à venir et évitera à ce dernier de ressembler à une simple compile de singles déjà publiés. A nouveau un irréel carton pour une obscure formation underground quelques mois plus tôt quand il atteint la 26 ème place du top british. (NDLR Imaginez en 2021 Yves Tumor tutoyant les PNL et Weeknd dans les charts). Version moins aventureuse , elle garde la voix de Guillespie et voit sa durée se raccourcir, elle devient un hymne rock planant plus Baggy que dancefloor et Acid House. C' est le clip qui se charge de dévoiler la mutation opérée chez Guillespie les mois précédents.

Si celui de "Loaded" sous haute influence psyché multicolore ou leur prestation à Top Of the Top reprenaient l' imagerie de Primal Scream à la Hell's Angel/Altamont pré Madchester, cuir avec pause à la Jagger et moto, dans celui de "Come Together" , on découvre un Guillespie au cheveux coupés Popeux dans une version Mods estivale qui sera repris et copiés par les Britpopeux 3 ans plus tard. Guillespie n' est pas seulement un collectionneur de disque érudit mais également a toujours fait preuve d' une connaissance parfaite des us et coutumes rock en matière vestimentaire et d' un bon goût plus que sûr.

Primal Scream ne donnera plus de signe de vie discographique jusqu' à Juin 1991. Les mauvaises langues tirent donc la conclusion que le groupe patauge naturellement à donner une suite à l' artificiel et opportuniste "Loaded". 1991, année magistrale


Madchester se meurt.

Guillespie et compagnie ne cessent de bosser et d' expérimenter. Plus le temps s' égraine et plus ils prennent donc le risque de le sortir à contre courant une fois la vague Madchester enterrée. Au mieux de passer pour des suiveurs, au pire, pour des éternels largués. Mais comme il le dira plus tard, c' est un ouragan d' idées originales qui va les occuper et surtout, une farouche volonté de faire autre chose. Il faudra de toute manière aller bien plus loin que les Stone Roses et leur album de 89 quand ces derniers, empêtrés dans un procès avec leur ancienne maison de disque, ne transformeront jamais l' essai. Quant aux Mondays ils voient leur hooligan en chef Shaun Ryder plonger corps et âmes dans la dope après le sommet Baggy "Pill's 'n' Thrills and Bellyaches" de 90 et une tournée à faire pâlir Keith Richards ou Sid Vicious en matière de débauche. La culture dancefloor envahit le champs artistique britannique et la récupération se fait plus ou moins avec bonheur. La grande tradition britanique Pop n' y échappe pas et c' est Saint Etienne qui gagne la compète haut la main. C 'est qu' il y a du monde au portillon et tout le monde s' engouffre derrière Madchester. Par arrivisme ou pas. Les jeunots londoniens Blur par exemple sortent fin 90 et début 91 deux titres reluquant fortement le Baggy Sound du Nord Prolétaire ("She's so High" et "There's no Other Way"). Damon Albarn est coiffé comme un Stone Roses et pas encore le pourfendeur de la Britpop avec houpette et doc. Eux encore il avaient le talent nécessaire pour paraître originaux. Les cas de types ne provenant pas de Manchester et s' écroulant dès la mode finie tel des The Dylans lorgnant que trop sur les Roses , laisse songeur avec un profond arrière goût de récupération. Et que penser d' anciens vétérans se refaisant une jeunesse sur le dos du Baggy tel les James qui, au bout du compte et un ou deux singles, ne nous aurons laissé de mieux que leur t-shirt promotionnel. Madchester aura même droit à sa version Boys Band avec les gentillets EMF et leur tube européens "Unbelievable". Et je vous épargne encore le reste de la cohorte de piètres suiveurs qui polluera les ondes en 91.



De toute façon en 91 de Madchester c' est plus précisément sa version indie à guitare qui crève parce que la révolution Acid House qu' elle accompagna et propagea est loin de finir dans les entrepôts et les club. La fête Baggy semble déjà se finir et n' aura duré qu' à peine trois ans. Tout juste le temps pour les seconds couteaux tel Paris Angels, The Farm, Inspiral Carpets, World Of Twist, The Real People de nous offrir les derniers classiques du genre. Le "Second Summer of love" a du plomb dans l' aile et l' heure est à présent chez les indies british au mélancolique Shoegaze (MBV, Slowdive) et ce juste avant une autre déferlante de guitares venant des Etats Unis. "Nevermind" de Nirvana va bousculer et éclipser un temps la révolution dancefloor et les formations Grunge de subtiliser la place durement acquise de l' indie dans les charts Britaniques. La contre attaque au frais du Shoegaze et Madchester sera la Britpop deux ans plus tard. Il y a de ces années qui marquent. De ces tournants où tout s' accélère, tout se mélange et tout explose. Parfois tout dérapent aussi. On assistera sans trop y prendre garde immédiatement à une scission entre une partie de la scène indie et les Dancefloors. Les guitares vont progressivement cesser de danser. Ce qui s' était rapproché va s' éloigner un temps. Restera du trait d' union tiré vers 89-91 entre guitares et dancefloor son apogée artistique, "Screamadelica". Le shoegaze a été une porte de sortie vers l' expérimentation juste avant la Britpop réac artistiquement mais la rencontre avec les dancefloors ne s' est pas approfondi. "Loveless" se clôture par ce qui était la clé, "Soon". D' autant plus que quiconque a entendu le remix réalisé par Andrew Weatherall (encore lui) juste après "Loaded" sait que cela aurait pu être encore plus beau avec une asso du producteur et de Shields. Et pourtant Seefeel l' opérera quelques temps plus tard cette foutue rencontre sur le mode Ambient, mais trop tard pour les guitaristes perdus en pleine Britpop.


My Bloody Valentine

Cette scission fera mal des années plus tard par un certain cloisonnement mais 1991 va offrir une diversité stylistique et une fraîcheur tel en provenance de partout que le fan indie ouvert aux autres n' en prendra pas vraiment conscience. 1991 est l' une des plus grandes années. Elle verra sortir des chefs d' œuvres comme "Loveless", "Screamadelica", "Nevermind" déjà cités mais aussi le Post Rock qui rapplique avec le "Spiderland" de Slint et l' immense "Laughing Stock" des vétérans Talk Talk. Massive Attack lance le Trip Hop avec "Blue Lines" quand A Tribe Called Quest brasse Jazz et Hip Hop dans un exercice proche dans un sens de Screamadelica. Les premiers Dj apparus dans la queue de la comète Acid House progressent en passant au format album en devenant des producteurs innovants. The Orb croise le Dancefloor et l' Ambient, LFO fait évoluer la Techno et l' Acid House et enfin les KLF apporte une touche situationniste à leur Acid House lorgnant elle aussi sur l' Ambient. 1991, Année vertigineuse.

Revenons à Guillespie et compagnie. Un autre problème arrive et pousse Primal Scream à bosser avec un minimum de moyen et ainsi privilégier l' imagination et le Do It Yourself. Creation voit ses finances s' évaporer depuis des mois à cause d' un autre projet, le deuxième album des My Bloody Valentine justement. Kevin Shields squatte les studios et use les producteurs à la chaîne pour ce qui deviendra l' autre chef d' oeuvre révolutionnaire de l' histoire de Creation , "Loveless".

Mc Gee déjà empêtré lui aussi dans les addictions voit ainsi son label risquer de mettre la clé sous la porte à quelques mois de la sortie des deux plus grand disques de son label. Les disques sortant chez Creation bénéficieront souvent d' un succès critique mais rarement commercial et le label de crouler sous les dettes. Le comble arrive pour cet homme du Nord quand un groupe de Reading, donc du Sud, sort un disque où les deux courants servant d' étendard à Creation se mêlent comme jamais auparavant comme dans ses plus beaux fantasmes de patron de disque. Chapterhouse, ce très bon groupe oublié de nos jours, publie "Whirlpool" à l' intérieur duquel en un titre offre la synthèse parfaite des aspirations Baggy/Dancefloor des Primal Scream et celle Shoegaze/Bruitiste/DreamPop de My Bloody Valentine et des autres formations du genre signées chez Mc Gee (Ride, Boo Radleys, Slowdive).


Quand Madchester rencontre le Shoegaze, Chapterhouse


La date de sortie de "Screamadelica" se précise, ce sera à l' automne. L' enregistrement arrivant à sa fin au printemps 90. Le buzz autour du disque s' amplifie à coup de une des hebdos anglais musicaux (NME & Melody Maker). Buzz justifié ou pas, c' est alors la grande interrogation dans le milieu Indie. Un élément de réponse sous forme de claques monumentales va précéder l' album via deux singles monumentaux. En juin 1990 Creation sort "Higher Than The Sun" dans sa version courte (3'36") mixée par The Orb. Un invité de marque est présent sur cette version comme sur la deuxième présente sur l' album. Cette présence va éclairer encore la démarche et surtout son origine des Primal Scream dans leur tournant dancefloor et expérimental. C' est le légendaire bassiste Jah Wobble de Public Image Limited. Voilà l' explication de l'ouverture d' esprit et du passage à l' acte courageux des Scream. Si Guillespie et Mc Gee citent le Punk ils ont aussi beaucoup retenu du Post Punk et de sa volonté d' enlever toutes les œillère Rocn'n'roll. Chez eux les styles musicaux seront appliqués sur la bande comme la peinture sur une toile. Par petite touche sans hésiter à changer de couleur quitte à faire du syncrétisme. Combiner ce qui est au yeux de certains incompatible.

"Higher Than The Sun" voit Guillespie atteindre une certaine béatitude après l' excitation dancefloor de "Loaded". The Orb entraîne, afin de les reposer, Primal Scream alors en pleine descente d' acide dans la salle Chill Out. Et les Scream de faire dans l' Ambient et le Dub. La version longue intitulée "A dub symphony in two parts" n' apparaît que sur l' album. Plus ouvertement Dub c' est un sommet du genre inatteignable que Guillespie tentera souvent de rééditer avec succès parfois. Selon les versions le single offre plusieurs version remixée et je vous invite à vous ruer aussi sur l' "American Spring Mix" tout autant planant que les deux autres.


La pression monte de plus en plus et en Août "Don't Fight It, Feel It" va définitivement faire taire les idiots et rassurer les inquiets. L' album à venir ne va pas seulement être une petite réussite indie chanceuse mais clairement un chef d' oeuvre par un très grand groupe. Un disque appelé à marquer son époque et les suivantes. Ce titre est devenu un titre légendaire de l' Acid House et parfois certains auditeur de mixtape ont du mal à imaginer que les auteurs sont un groupe de "rockeurs" écossais. On en a vu des tentatives en territoire étranger par des groupes indie et il faudra attendre "OK Computer" et "Kid A" pour voir une formation guitare tutoyer les cadors d' un autre courant. Comme à l' accoutumé le titre original chanté par Denise Johnson est accompagné par un remix et encore une fois Primal Scream offre une relecture digne si ce n' est meilleur de l' original. Le "Scat Mix" comme celui de "Higher Than The Sun" pourrait taper l' incruste sur l' album que l'on y trouverait rien à redire.


En quatre singles c' est tout que l'on pensait de l'univers Primal Scream, des types bloqué dans leur chambre d' ado indie encyclopédiste sentant la vieille chaussette Punk et Rock qui vole en éclat. Guillespie devient une Rock Star du jour au lendemain, une Rockstar qui ne fait plus vraiment le "Rock" attendu par les neuneus au front bas.


L' album sort le 23 Septembre 1991 et est acclamé dans la presse spécialisée. Succès critique même chez les critiques les plus difficiles et avant gardiste tel Simon Reynolds pourtant réputé avoir la dent dure et pointue en Dance Music. Pour ceux qui ne connaissent de Primal Scream que les derniers disques il peut apparaître croquignolesque que le spécialiste pourfendeur de la rétromanie ait adoré ce disque fait par des encyclopédiste du rock adorant les fringues vintage. Succès commercial également puisqu' il deviendra disque de platine et que certains titres frôlent de nos jours les 50 millions de lecture sur Spotify chacun. Chez les autres artistes la claque est la même jusqu' à aujourd'hui. Beaucoup d' artistes se sont revendiqués de "Screamadelica" et ce jusqu' au Dancefloor qui ne devrait y voir qu' un charmant emprunt à sa culture. Parlez de ce disque à Guy Manuel Homen-Christo des Daft Punk et vous allez être surpris. On retrouve dans l' album les singles sortis plus tôt mais le public de l' époque stupéfié découvre des versions différentes. Versions souvent encore plus réussies parce qu' aventureuses que les premières écoutées. "Loaded" double sa durée du single et Weatherall en offre la version la plus aboutie. La plus grosse surprise à ce sujet est "Come Together" qui se voit transformée en tuerie dancefloor où les paroles de Guillespie ont disparu. Plus du tout le titre rétrogaga un brin modernisé du single. Comme écrits plus haut "Don't Fight It, Feel It" subit aussi un allongement plus inspiré par la culture Dancefloor et prend encore plus d' envergure. Assurément on dansera sur "Screamadelica", le disque par excellence pour la soirée à la maison avant de rejoindre le Dancefloor. On pouvait craindre qu' ils aient balancé leur plus belles cartouches et le reste du disque ne serait que petites réussites et remplissage. La surprise du chef Guillespie débute le disque. Et c' est aussi la preuve qu' il n' en a pas fini avec ses manière archivistes du rock. "Movin' On Up" sera le plus gros tube de Primal Scream. Le plus Rolling Stones de ses titres, bref le plus rétrogaga, et quoi de plus normal puisqu' ils ont décidé de se passer de Weatherall pour le faire enregistrer par un vétéran des Stones en la personne du producteur Jimmy Miller. "Movin' On Up" est le titre revival réussi et frais par excellence. Celui qui fait illusion parce que digne des illustres aînés juste avant que les effets pervers de l' incongruité temporelle et de la redite opèrent. Mais probablement pas le genre de titre sur lequel construire une carrière comme tant de groupe l'ont fait par la suite. "Slip Inside This House" est la seule reprise du disque mais quelle reprise. Les Primal Scream tisse là le lien définitif entre l' Acid Rock des 60's et l' Acid House. Celui qui justifie toute leur démarche entamée avec "Loaded". Il fallait oser s' attaquer à ce titre alors oubliée des 13th Floor Elevator. Déjà le connaitre. Et encore un classique au compteur de ce disque qui ne sortira en single qu'en 1992.

"Inner Flight" ce n' est rien d' autre qu' un autre trésor mélangeant emprunt et innovation. Un autre bras d' honneur aux ayatollahs Rockistes. Guillespie après les Rolling Stone et 13Th Floor Elevator" s' attaque à tremper dans le bain Acid House et Ambient de "Higher Than The Sun" rien de moins que l'idole de tous en matière de symphonie adolescente californienne, Brian Wilson et ses Beach Boys. "Inner Flight" envoie "Pet Sounds", déjà planant tel un spectre sur l' album ,dans les étoiles et le futur en l' arrachant de sa plage et de son époque. "I' m Comin' Down" et "Shine Like Stars" étaleront un peu plus de la diversité des influences de Primal Scream (Jazz) et seront de la même veine planante que "Inner Flight" et "Higher Than Sun". Ce dernier verra les deux versions décrites plus haut présente histoire d' enfoncer le clou dans le marbre et graver à jamais ce disque dans l' histoire. Mais il faut bien un petit loupé. "Damaged" c' est encore du Rolling Stone mais période "Exile on Main Street" donc plus Bluesy et Country. On aime ou on aime pas. Perso J' ai toujours eu tendance à le passer mais avec le temps je lui trouve les même qualité que "Movin' On up" en matière de titre rétro frais.

L' après "Screamadelica", entre gueule de bois rétro et Britpop à gogo.

La tournée qui suivra sera couronnée elle aussi de succès. Les dates s' enchaînent ,et Primal Scream gagnant de plus en plus d' argent, de voir la débauche de s' accélérer. L' héroïne remplace l' acide et le gros coup de fatigue d' arriver. Quand je vous écrivais que le Primal Scream n' étaient ni opportunistes ni carriéristes mais de réels passionnés de musique agissant au grès de leurs passions la suite va le prouver mais pas dans le sens que l'on aurait préféré. Fin 1991 de passage à Memphis les Primal Scream enregistre deux titres du Ep Dixie Narco. "Stone My Soul" et "Carry Me Home". Deux ballades typiquement blues rock teintées de Soul. On est très loin de l' Haçienda et les Primal Scream de sombrer encore une fois dans le rétrogaga et ce coup-ci encore plus profondément que sur "Primal Scream" de 89. Histoire de rentabiliser, le ep contient "Movin' On Up" mais offre le titre "Screamadelica" rejeté pour l' album. Ce sera le dernier grand trip aventureux de cette époque. Fortement Soul et Funk mais toujours acidifié par Weatherall, c' est le chant du cygne auquel participe encore une fois Denise Johnston après les avoir suivi en tournée.


Il faudra attendre trois ans que Primal Scream se remette de tout ça et sortent un disque. Et encore. "Give Out But Don't Give Up" est une douche froide pour tous ceux qui ont adoré le virage moderniste et dancefloor. Visiblement Guillespie et compagnie se prennent encore plus pour les Rolling Stones. Blues Rock avec un brin de Soul parfois revitalisant. Ce disque est une purge Rétrogaga dans lequel on voit des junkies incapables de prendre une nouvelle direction et se la jouer devant leur glace. Ironie de l' histoire, 1994 va voir le triomphe d' un mouvement franchement rétrograde par moment mais à la différence des Scream perdu dans des States d' autrefois fantasmés, les Blur, Suede, Pulp et autres groupes de la Britpop sont profondément encrés dans la société anglaise du moment et cela va les sauver un temps.

Le seul titre un brin potable et vas-y que Guillespie se prenne pour un Jagger tunné. Juste bon pour une soirée déguisée Rock chez des Macronistes.

Pour Mc Gee de son côté l' inévitable est arrivée. Il a du vendre Creation tout en gardant les rênes à Sony afin d' éponger les dettes . Mais toujours le flair pour le rouquin qui va très vite piger que la Britpop arrive et va être une nouvelle tempête. Pas vraiment un grand coup de vent artistique mais surtout un ras de marée commerciale. Il ne veut pas louper le train et pour ça il va faire très fort en signant immédiatement un groupe mancunien. Pour le prix d' un il aura le songwriting éclatant des Stone Roses et la folie déjantée des Happy Mondays. Enfin son groupe de Manchester rien qu' à lui et tant pis si il n' est plus du tout porté sur les Dancefloors et l' expérimentation. Des types plagiant les Beatles avec talent et ce, selon les us et coutumes agressives des Sex Pistols. Sex, Drug & Rock'n'roll Mc Gee avouait enfin au grand jour ses penchants McLaren. Un certain soir de 1993 à Glasgow il était sûr d' avoir vu le futur du Rock'n'roll. Là où tout avait commencé pour lui et Guilllespie 15 ans plus tôt. Sa seule erreur fut que le futur se conjuguait au passé.

Oasis, les géniaux fouteurs de merde chez Creation Mais seulement voilà, suite à sa trouvaille d' une bande de branleur de Manchester, plutôt que plébisciter l' expérimentation chez ses groupes il va les pousser à suivre les pas rétro de ses nouveaux chouchous. Pour un peu le meilleur et surtout le pire. Le Shoegaze sera banni des locaux de Creation au bénéfice d' une vision passéiste/Britpop. Ride se suicide dans une bouillie de Jangle Pop et de psychédélisme. Teenage Fanclub et les Super Furry Animals sauveront l' honneur mais en matière de rétrogaga ils ont toujours été une étrange sorte de précurseurs.

Les talentueux Boo Radleys offrent les derniers chefs d' oeuvre aventureux à Creation ("Giant Steps" et le très fou "C'mon Kids") avant de s' y mettre à la Britpop ("Wake Up") avec un petit succès puis baisseront les bras se sentant pas assez défendus par le label. Et ne parlons pas de Slowdive qui se renouvellent fortement et judicieusement ("Pygmalion") misa qui eux aussi passeront pour les mauvais élèves jusqu' à carrément se faire foutre à la porte.

Retour en grâce


Les chemins de Guillespie et Mc Gee vont progressivement se séparer. Mc Gee tombe toujours plus durement dans les drogues et surtout, il est accaparé par le succès et les frasques des deux frangins Gallagher. Oasis qui va se planter royalement perdus dans un brouillard épais d' égo et de coke avec leur troisième album. Le rouquin gourou/grand frère porté de plus en plus disparu dans les limbes d' une Britpop commençant donc à s' essouffler, les Scream vont s' affranchir de lui et prendre définitivement confiance en eux. Terminée l' époque d' un Mc Gee dictant plus ou moins ses choix en matière d' hygiène de vie et de vision artistique.

Guillespie et compagnie se rendent très vite compte du naufrage et gaspillage que fut "Give Out But Don't Give Up". L' impasse rétrogaga se referme sur eux et autant ne pas suivre les lubies en la matière de Mc Gee. Primal Scream se doit de réagir sinon ce sera la fin. Et puis il est aussi question politique entre les deux. Mc Gee et Noel Gallagher participent activement à l' élection du pitoyable chantre de la Social-Démocratie Tony Blair quand Guillespie ,probablement moins opportuniste et surtout plus lucide en la matière, sent l' entourloupe venir derrière le menteur et futur toutou de Bush. La réponse sur la marche à suivre est toute trouvée. Se souvenir de "Screamadelica" et se calquer sur son modus operandi. Et Primal Scream de se lancer dans le mercato tel un Real de Madrid afin de trouver du sang neuf. Former ce qui deviendra vers 2000 la Dream Team Indie Baggy. Et en matière de transfert ils vont faire très fort avec une recrue s' avérant déterminante pour leur carrière. En 1990 ils avaient plongé dans Madchester et la Stone Rosesmania pour "Screamadelica". En 1997 ils ne se contentent plus de prendre des leçons, ils récupèrent l' un des professeurs en la personne du bassiste des Roses en lieu et place d' Henry Olsen, Saint Gary " Mani" Mounfield. Une des idoles prolos absolues de votre serviteur.

Il y aurait tant de chose à écrire sur "Vanishing Point". Presque autant que "Screamadelica". Honneur au chef Guillespie pour résumer ce disque inspiré du vieux films contre révolutionnaire portant le même titre:

"Un album de road-movie anarcho-syndicaliste speed-freak… La musique du film était de la musique hippie. , alors nous avons pensé : 'Pourquoi ne pas enregistrer de la musique qui reflète vraiment l'ambiance du film ?"


Ça peut surprendre pour les non initiés qui associent trop rapidement Psychédélisme avec Apolitisme, utopisme béat, culte de la liberté individuelle et léthargie après des années de caricatures et propagandes Néo Libérale. Mais on pouvait vers 1969 prendre de l' acide et faire de la politique. De la vraie, bref, de l' anticapitaliste. "Vanishing Point" est ,comme trop rapidement entraperçu dans ses précédents, un disque de fans foncièrement politisés tel le MC5. La même recette syncrétique de "Screamadelica" va être reprise ainsi le spectre des influences jugées brièvement incompatibles de s' élargir bien plus que pour le précédant. Le Dub, le Krautrock (Cab) , le Trip Hop naissant, l' indus et le Post Punk vont bousculer les habitudes Bluesy et Soul. L' acid House ayant pris un coup de vieux c' est la Techno qui tiendra son rôle et Weatherall ("Trainspotting") de ne participer qu' à un seul titre. Le groupe s' émancipant en s' occupant seul de la production avec l' aide de Brendan Lynch La basse de Mani apportant un groove à la fois élastique et costaud à une formation qui en la matière pouvait paraître un peu droite dans ses bottes. Même si ce dernier ne participe qu' à quelques titres son esprit et son influence plane sur tout le reste.

Porté par le cataclysmique single "Kowalsky" tutoyant la chienlit commerciale à la 8ème place des singles, l' album va se révéler être un nouveau succès en se classant 2ème du Top Album britannique. Avec du recule on peut réellement s' étonner et s' enthousiasmer de la capacité des Primal Scream en ces temps-là de réussir l' exploit de faire atteindre des sommets de ventes à des titres si peu mélodique.


L' album est une montagne russe émotionnel passant du calme à la tempête, du rock au Dub et l' expérimentation, de l' agressivité à la béatitude. Les ingrédients semblent avoir été ré-assemblés pour produire de nouveaux modèles d' hybridations réussies. Lee Scratch Perry se met au psychédélisme de la côte Ouest des States dans "Burning Wheels". Le calme et la béatitude de "Get Duffy" avec ses affects jazzy et Soul ou plus loin "Trainspotting" et sa vision glauque d' une certaine Ambient grandie sous le Trip Hop. "Star" c' est enfin Primal Scream qui refait le coup du Gospel façon Rolling Stones mais sans tomber dans le bourrin rétrogaga. "Out Of The Void" semble être un titre perdu de "Screamadelica" servant d' agréable trompe l' œil cachant une suite bien moins indulgente pour les amateurs de psychédélisme béat.


Derrière "Kowalski" placé en avant poste d' autres titres bien plus agressifs voient se dégager un malaise et une colère inédits chez Primal Scream. Quelque chose est en train de changer chez Guillespie qui ne relève plus de l' hédonisme révolutionnaire euphorique de "Screamadelica". De la naïveté de croire que c' est gagné depuis la révolution Acid House. Bien au contraire. Nous arrivons à la fin des 90's et il ne se voile pas la face l' encyclopédiste du rock. Cette décennie est celle de nombre de faux semblant et son milieu naturel, l' Indie Rock a peut être un peu trop fait dans le Post Modernisme. En 1997 Blair est élu et Guillespie a déjà bien senti que les choses ne changeront pas dans ce vieillisant Royaume Uni, lieu de naissance d' un capitalisme plus que jamais triomphant. Il sent aussi poindre que les va-t-en guerre préparent leur retour depuis la première guerre du Golf. Le dub dark et angoissant de "Stuka" débute la série des références militaires dans le vocabulaire Guillespie. Un Guillespie qui comme dans "Screamadelica" va se faire de moins en moins locace question paroles. Deux instrumentaux le confirme mais surtout son songwritting le voit préférer les phrases courtes et surtout une passion décuplée pour le slogan sur le mode situationniste.

"Medication" c 'est du Primal Scream fan irraisonnable des Stones mais on est loin du pastiche. Quelque chose de malsain flotte sur ce titre et c' est volontaire. Un peu comme si les Primal Scream ont décidé, plutot que singer les Stones, d' offrir leur BO à un documentaire sur le meurtre d' Altamont, l' un des symboles de la fin des utopies 60's . "Motörhead" reprise de qui vous savez les voit d' ailleurs sauter de 69 à 76-77. Peut être histoire d' éviter le ventre mou de l' histoire révolutionnaire. Petite remarque au sujet de la boulimie stylistique de l' écossais. Il ne s' est jamais attaqué au Glam réellement. Le punk Guillespie perdu de vue depuis les 80's commence à réapparaître. Ce que confirme la participation à la basse du Sex Pistols Glen Matlock dans la grande tradition de la Drean Team à la Primal Scream. Le titre de Lemmy Kilmister se voit dépoussiéré, dépourvu de ses gros attributs gênant Rock'n'roll pour devenir un hymne EBM Motorik éructé par un Guillespie chantant avec un masque de Dark Vador (véridique!). Laissés pour mort après la débâcle de 94 les Primal Scream se présentant à nouveau comme d' étonnant "Rockeurs/Punks Avant Gardistes" et vont taper l' incruste parmi une liste d' albums symbolisant un renouveau rock. Liste tout autant hallucinante comme celle de 1991. Les deux grandes années british des 90's verront donc Primal Scream au premier plan et devenir des influenceurs de premier rang.


1997 l' autre grande année musicale des 90' s pour la perfide Albion.


D' autres formations ont compris comme Primal Scream que les guitares Britpop réac s' était pris le pied dans le tapis nostalgico-gaga et qu' il fallait aller de l' avant si ce n' est, au moins, de sortir du carcan Pop et guitare héros Britpop. En premier lieu Blur ,les grands instigateurs de la Britpop, lorgnent sur le Slacker Rock des Pavement, The Charlatans se souviennent de leurs débuts Madchester et font peut être le disque typiquement North Britpop que Primal Scream n' a pas pris la peine de faire. Le Post-Rock en vengeur masqué du Shoeagaze domine l' avant garde Indie avec Mogwai.

Radiohead triomphe en hybridant l' indie au Prog Rock et c' est peut être bien là où perce à jour l' immense influence de "Screamadelica" en matière de "rockeur Indie". Cette façon d' envisager un album totalement libéré de tout carcan, capable de passer du coq à l' âne stylistiquement et surtout abandonnant les guitares un temps quand cela s' avère nécessaire. Peut être qu' un jour Thom Yorke le reconnaîtra. Specialized dépoussière alors le psychédélisme et les Rolling Stones bien mieux que Primal Scream autrefois. The Verve et Super Furry Animals faisant un peu la chose de leur côté avec une Britpop réellement originale. Les Beta Band quant à eux offrant la version inédite acoustique de l' électronica alors florissante. Une Electronica sortant du Dancefloor à nouveau comme sous Madchester tel Squarepusher et sa Drill'n'Bass ou µ-Ziq pour également taper le squat dans les charts et chambre d' Indie Popeux avec The Prodigy, Death In Vegas et surtout les Chemical Brothers offrant à la Britpop un dernier regain de forme. Portishead et Alpha portent alors une nouvelle pierre à l' édifice Trip Hop comme Roni Size à la Drum And Bass.


A la fin de l' année 97 Primal Scream brille à nouveau de mille feu jusqu' à offrir un album remix Dub et confirmer si on en doutait encore du poids de ce courant sur la jeunesse Punk et Post Punk fin 70's à laquelle appartenait Guillespie. Les fans quant à eux craignent encore une fois le retour de flamme Post Screamadelica. Il n' aura pas lieu. Bien au contraire "XTRMNTR, le deuxième chef d' oeuvre révolutionnaire

L' an 2000 apocalyptique de Primal Scream et Creation Records.


Souvent quand la discussion aborde Primal Scream il m' est arrivé de détonner au moment de citer leur meilleur album. Jusqu' à 2000 le consensus, et même encore, nommait "Screamadelica". Passé 2000 j' ai toujours rencontré des regards dubitatifs si ce n' est pas écarquillés quand le titre "XTRMNTR" à prononcer "Exterminator" sortait de ma bouche. Surtout si mes interlocuteurs sont français. Les anglo-saxons quant à eux ne s' étonnant guère, question de bon goût et de curiosité.

Faisons un peu le point sur ce qui avait été les dix années du groupe à l' aube du nouveau millénaire. Avec "Screamadelica" les rockeurs indies underground qu' étaient les Primal Scream allaient danser à l' Haçienda sous acide et décrocher la lune commerciale. "Give Out But Give Up" les voyait en plein bad trip rétro dans un garage glauque et enfin "Vanishing Point" leur offrait un road movie rafraîchissant au grand air post-Britpop. "XTRMNTR" ce sera Primal Scream en mode guérilla urbaine en guerre contre le Néolibéralisme et l' industrie Militaire.

"XTRMNTR" est un disque d' une audace irréelle, d' une férocité absolue et d' une immense colère révolutionnaire. Une gigantesque oeuvre radicale . Tout le monde en prend pour son grade. C' est le disque le plus intelligent et lucide intuitivement de toute leur carrière. Sorti juste avant le revival rock des Stokes et Libertines, il va agir tel un détergent purificateur moderniste et engagé pour affronter la décennie rétromane et apathique qui suivra.

Cet album déboule après la guerre du Golf 91 annonce celle de 2003 que très peu n'osent imaginer. Charge encore plus virulente et pertinente que ne l' étais "Vanishing Point" contre les délires interventionnistes occidentaux aux conséquences désastreuses. Contre le délire militaro-industriel, le saccage néo-libéralisme de notre environnement et sociale pour enfin attaquer l' illusion démocratique sur laquelle tout le reste repose.

"XTRMNTR" n' épargne pas non plus l' Indie music. En 2000 Guillespie nous balance à la gueule la triste vérité sur les 90's. Une réalité que nous nous évertuons alors à ne pas voir et à assumer. Thatcher et son dogme néo-libéral avaient gagné et nous nous sommes plongés progressivement dans une nostalgie falsificatrice et antalgique. Jeunes gens des années 2020, cherchez pas le début de léthargie générale de votre époque. Guillespie et son groupe qui avaient débuté les 90's aux premières loges de l' hédonisme et euphorie Acid House, vont comme personne nous réveiller et dévoiler l' immense gueule de bois avec laquelle on sort de cette décennie. Disque le plus politique, le plus violent il est tout naturellement le le plus explosif et le plus "Maximaliste" niveau sonore. Comme à l' accoutumé Guillespie recrute et ce coup-ci encore il va allez rechercher ce qu' il se fait de mieux. Une façon de rattraper un loupé de leur carrière. La révolution Acid House, ils n' étaient pas passé à côté. Par contre le bruitiste Shoegaze avec ses caractéristiques abrasives carrément, laissant à Mc Gee le soin de signer My Bloody Valentine, Ride et compagnie. Alors quand on s' appelle Monsieur Guillespie et qu' avant d' être une légende Indie établie depuis "Screamadelica" on reste un fan, on incorpore d' autres légendes laissées sur les faussés de l' histoire. Après Mani suite à la séparation des Stone Roses c' est Kevin Shields de My Bloody Valentine qui va incorporer la Dream Team. Et Primal Scream à nouveau de passer dans une autre dimension.

Kevin Shields

En retraite interminable depuis "Loveless" Kevin Shields jaillit dans la galaxie Primal Scream via un mix sur le single "If They move, kill Them" sous le pseudo de My Bloody Valentine Arkestra. Partant du titre originel Shields délivre une relecture qui pulvérise les frontières de l' expérimentation comme rarement dans la carrière de Primal Scream. Même si il ne va contribuer qu' à un titre et en mixer trois, Shields tel un spectre va considérablement peser sur l' enregistrement de "XTRMNTR".


Guillespie et Innes sont les deux grands protagonistes de l' enregistrement. Aidés en cela par une pelleté de collaborateurs pour la production dont David Holmes , Adrian Sherwood, Dan The Automator, Brendan Lynch ou les The Chemical Brothers. Toujours par volonté de former la Dream Team Bernard Summer de New Order effectuera une apparition aux côtés de Shields pour l' un des plus grands titres de Primal Scream. Rejetant encore plus les manières plus classiques d' autrefois les deux anciens gamins de Glasgow optent pour l' art du collage à la Burroughs. Que ce soit pour les paroles comme pour l' instrumental. Samples, boucle rythmique, superposition et slogans révolutionnaires déchiquetés recrachés façon Punk à votre gueule. Déclarant dans cette logique la guerre aux voyelles comme l' illustre le titre les Primal Scream dressent en agissant ainsi une attaque et une critique frontale contre le langage, principal élément de contrôle des masses.


L' entame "Kill All Hippies" agrippe les fringues des niais nostalgiques du courant Hippie et réédite l' acte Punk. En bon fils de prolo Gillespie rappelle que justement le prolétariat british n' avaient que peu goûté aux délires contestataires utopistes, buccoliques et hypocrites de la jeunesse bourgeoise de 68. Le punk à la suite de certaines sous-cultures tel les premiers Skinheads vomissait sur tout ça. Guillespie avec "XTRMNTR" casse le récit historique un peu trop linéaire et simpliste écrit par une certaine classe sociale. A l'instar d' une légendaire photo prise à Londres dès 1968.

Primal Scream semble être en recherche de sensations physiques angoissantes et martiales digne de l' EBM de groupes comme DAF. Mani tout en gardant une certaine fluidité rend sa basse maladive et perverse quand l' environnement sonore agresse de toute part et crée de la paranoïa.

"Kill All Hippies" n' était que le hors d' oeuvre du festin bruitiste révolutionnaire et innovateur qu 'est ce disque. L' un des très rares titres encore porteur en lui de la sensibilité funk. Le triptyque qui suit est un tunnel absorbant l' auditeur agissant tel une blitzkrieg sonore. L' effet Shields à son apôgée. Quiconque s' aventure dans ce triptyque formé par "Accelerator", "Exterminator" et "Swastika Eyes" n' en revient pas indemne.



"Accelerator" est une jubilation rarissime d' agressions et de transgressions sonores par le traitement des guitares par Shields. Guillespie éructe comme jamais perdu dans le tunnel Noise reformé du "You Made Me realize" de My Bloody Valentine . Le son vient de partout, les rythmiques tel des zombies, sont putrides et proviennent d' outre tombe. "Exterminator" est une mutation robotique et industrielle de funk dystopique. Primal Scream est l' un des grands annonciateurs de la mouvance dystopique des 10's de la Deconstructed Club et d' autres. Et "Swastika Eyes" est ... un monstre.

Un monstre d' électro, de trash politique. Si Primal Scream a bien compris une chose c' est que la plus belle arme en matière de contestation musicale ce n' est pas le riff, mais le rythme. Dans "Swastika Eyes" la boite à rythme et la basse de Mani agissent tel les tapis de bombes de la seconde guerre mondiale. Les samples et les boucles soniques interviennent ensuite comme les gaz chimiques. Que ce soit dans la version, la plus aboutie, du mix de Jagz Krooner ou celle plus stéréotypée et accueillante des Chemical Brothers, ce titre explose les dancefloors de l' utopie hédoniste qui avaient engendré "Screamadelica".

Le curseur des influences stylistique est bien loin de celles plus mélodiques de "Screamadelica". Guillespie le pousse encore encore plus loin pour le détonnant rap "Pills". Judicieux de part leur partie prix de s' attaquer au language. Délaissant le matraquage sonore les Primal Scream semblent à partir de cet instant du disque effectuer un travail plus pointilleux, expérimentale et délicat sur les textures. Accalmie après le déluge précédent. "Blood Money" se rappelle de leurs anciennes tentations jazzy et passions cinématographiques quand "Insect Royalty", le titre le plus faible, semble chercher sans succès un territoire inexploré. "Keep Your Dreams" c' est Mani qui, seul, prend les choses en mains et, guidant l' auditeur dans un rêve hallucinatoire, réussit l' exploit d' offrir 9 ans après le digne alter égo plus moderne à "Higher The Sun" et "Inner Flight".

L' accalmie fut courte. Le remix de "If They move, kill Them" par Shields sort le monstre "XTRMNTR" de ses rêves étranges et son début de torpeur. La version de "Swastika Eyes" des Chemical Brothers semble être une tentative un brin ennuyeuse de rééditer le diptyque "Higher Than The Sun" de Screamadelica. Auraient-ils du inverser les deux versions quitte à aseptiser la trilogie du début d' album? Peut être mais au final l' auditeur ne sortira pas de l' album avec le sentiment de redite. Un autre titre, énorme, considéré par pas mal de fans dont votre serviteur comme peut être leur meilleur, va clore de la plus belles des manières "XTRMNTR". "Shoot Speed/Kill Light" manque de superlatif. Il y a tout en à peine 5 minutes et dix huit secondes. Un rythme Krautrock ensorcelant joué avec un Mani au sommet encore une fois en citant Neu! , Peter Hook de Joy Division et le Velvet Underground. L' autre New Order, Bernard Summer, y apporte sa guitare histoire d' enfoncer le clou. Guillespie y est comme jamais sexy ET punk à la fois. Kevin Shields à la production invente un version rock du Drone qu' il maîtrise à merveille. "Du haut de ces 5 minutes 18 de sons, c' est trente ans de rock qui vous contemple" serait la parodie de citation la plus juste pour décrire ce monument de la carrière de Primal Scream.

Vous l' aurez peut tre êcompris mais votre serviteur est incapable de réellement opérer une hiérarchie entre "Screamadelica" et "XTRMNTR"au point de profiter de l' anniversaire du premier pour évoquer sa passion pour le second. On ne peut pas faire l' impasse sur le Yang alors que l' on célèbre le Ying. Ces deux disques sont bel et bien le Ying et le Yang selon Primal Scream. La mort de Creation Records



"XTRMNTR" sort le 31 Janvier 2000 mais verra sa carrière dans les charts plombée par le manque de moyens pour sa campagne publicitaire auprès du public et des critiques internationaux . L' effort étant concentré sur le Royaume Uni ceci expliquant en partie la sous estimation dont il sera victime jusqu' à nos jours. Creation venait en effet d' annoncer fin 99 qu' il allait définitivement mettre la clés sous la porte. Problèmes financiers malgré la manne Oasis mais surtout épuisement physique et psychique pour Mc Gee après des années de toxicomanie et de fiestas. Sans parler ses élucubrations et expérimentations politiques avec la désillusion Blair. Artistiquement aussi ça sentait le roussi parmi l' écurie du rouquin. Creation n' effectua quasiment plus de nouvelles signatures supposées apporter un vent frais. The Boo Radleys étaient à l' agonie, les Super Furry Animals n' auront pas sorti à temps leur classique vendeur "Rising around the world", Saint Etienne alternera le bon et l' ennuyeux et les Jesus & Mary Chain effectuant un retour censé être tonitruant mais surtout synonyme de bout de course. Les Teenage Fan Club seront peut être les artistes les plus porteurs de stabilité dans l' histoire du label pour l' homogénéités qualitative de leurs disques. Triste mais attendue fin du label phare des 90's. Mc Gee réapparaîtra sporadiquement sur les radars mais pour de l' anecdotique. Création puis mort du label Poptones ou encore pour un rôle de gourou/légende vivante rédempteur et conseiller auprès des Libertines, The Klliers, Glasvegas ou encore les affreux Kaiser Chiefs. Le reste de son temps sera consacré à soigner son addiction et faire fructifier son héritage et sa légende avec à la clé des livres et des documentaires ("Upside Down: The Story Of Creation Records" ) relatant son histoire et celle de Creation.


Le plus grand groupe de scène et "Evil Heat"


Creation dans les limbes, Guillespie et compagnie entame une tournée mondiale histoire de supporter un disque prodigieux en mal d' éclairage médiatique. C' est à ce moment-là que beaucoup estimèrent à juste titre qu' il ne s' agissait rien de moins que de la meilleur formation live. Primal Scream avec sa Dream Team est au sommet de son art scénique et peut se permettre de faire l' impasse sur la plus part de ses titres phares d' autrefois quand il ne les transforme pas selon les manière Shields. L' apport sonore d' un Kevin Shields en mal de live avec My Bloody Valentine mis en parenthèse , la présence stimulante et charismatique de Mani et enfin la fin d'un turn over systématique depuis 98 au poste de batteur avec le métronome et puissant Darrin Mooney y sont pour beaucoup. De cette époque subsiste dans la mémoire de votre serviteur le souvenir indéfectible d' une prestation à Bénicassim et sur le net la vidéo du concert légendaire à l' Astoria de Londres en 2000.

Courant 2000 Primal Scream entame l' enregistrement de l' album suivant. Kevin Shields et Jagz Kooner à la production sont rejoints par le duo Two Lone Swordsmen et ainsi l' un de ses membres effectue son grand retour, Andrew Weatherall. Comme toujours des noms connus collaborent aux titres, Jim Reid des Jesus & Mary Chain et Robert Plant. Mais celle qui attire les regards adeptes des pages people c' est Kate Moss pour un duo sur la reprise du légendaire "Some Velvet Morning" de Nancy Sinatra et Lee Hazlewood. Beaucoup considèrent "Evil Heat" comme le dernier chapitre d' une trilogie entamée avec "Vanishing Point". Il est vrai qu 'il semble fusionner les deux précédents. Peut être du fait que Weatherall soit réapparu, des titres comme "Deep Hit of Morning Sun" et "Space Blues #2" reconvoquent un peu "Screamadelica" malgré la patte Shields qui ne peut pas tout sauver. "City" et "Skull X" se chargent de faire revenir le groupe à ses penchant rock un peu fortement rétrogaga. Comme toujours quand Primal Scream pense Rolling Stones et Stooges il ne le conjuque pas au parfait. Et "Evil Heat" de devenir un album synthèse des 20 années de carrière précédente. Entre modernisme et passéisme. Très vite et naturellement sa réception va être accompagnée d' un sentiment de déception. A vrai dire, comme ce fut le cas pour "Give Out but Don't Give Up", il ne fait pas bon être le successeur de chefs d' œuvres tel "Screamadelica" et "XTRMNTR". Mal accueilli à sa sortie, à juste raison par instant, "Evil Heat" a plutot bien passer les années et se révèle ne pas être le disque loupé que certains ont pensé à l' époque. Un disque frustrant tout au plus. Effectivement il semble que Primal Scream effectue un retour en arrière en ayant désiré mettre la pédale douce en matière d' agression sonore la réservant pour les live. Toujours pertinents il semble cependant que Guillespie et les autres commencent à marquer le pas et ne savent plus vraiment quelle direction prendre. D' où un une sensation de fouillis. Ils se voulaient modernistes depuis deux disques mais les tentations rétros reviennent sournoisement bel et bien à la suite du revival Rock apparu en 2001. Un concert en guise de chant du cygne.


La colère et l' envie de révolutionner sont toujours là mais le poids des ans commence à peser. Ce qui illustre cela le mieux est peut être un autre concert devenu légendaire. La prestation donnée à Glastonbury en 2005. Plus punk que jamais, et probablement défoncés aux amphétamines pour les uns et d' autres potions pour les autres, avec quelques hectolitre de vin par dessus, pas bon mélange, les Primal Scream fatigués physiquement mais combatifs, balancent un gigantesque cocktail Molotov de provocation et de règlement de compte en tout genre sur la scène principale. Entre le sublime et le pathétique.

La tension est perceptible dès l' entrée sur scène au son de "Come Together" . Mani semble en mode festivalier avec l' envie de s' éclater mais lui et Guillespie vont très vite rééditer l' acte punk anti hippies de "Kill All Hippies". Quoi de plus normal qu' à l' occasion de ce festival emblématique du courant honni devenu symbole de la dérive festivalière mercantile et son hédonisme hypocrite bon marché. Toute les contradictions d' une carrière seront présentes ce soir-là. La colère politique et sociale bousculant l' envie hédoniste de danser à l' image d'un "Accelerator" chassant la diffusion dorénavante nostalgique "Come Together".

Guillespie adopte immédiatement une attitude antagoniste typiquement punk et annonce vouloir "vous donner de mauvaises vibrations". Plus tard ce sera " Nous sommes un groupe de punk rock et vous êtes une bande de putains de hippies " pour s' en prendre ensuite aux fans de Kylie par un gracieux "Fuck You" et traiter de panurgisme complaisant l' ensemble de la foule. Et toujours dans la plus grand tradition punk quand il singe un salut nazi sur un "Swastika Eyes" d' anthologie on se demande si les plus cons sont lui pour ce geste stupide ou les neuneus à la vue basse n' écoutant pas les paroles du titre et en feront une polémique franchement hypocrite.

Le concert, toujours à l 'image de leur carrière, va alterner les grands sommets sonores souvent modernistes et les plus ennuyeux marqué par leur penchants rétro rock. La Dream Team Baggy-Shoegaze est au grand complet. Capable du pire comme du fabuleux parce que toujours authenticiques ce concert est le résumé parfais de ce qu' est Primal Scream. Débuté devant un publique parsemée il va se conclure de manière chaotique et sublime devant une foule immense en état second. Le groupe, surtout Mani et Guillespie, dépasse volontairement la durée prévue après avoir écraser toute la concurrence par un triptyque "Kowalski", "Swastika Eyes" et "Move On Up". Guillespie va se faire chasser de scène mais juste avant, alors que Mani aguiche les nostalgiques vieux et jeunes avec quelques mesure du "I am The The Resurrection" des Stone Roses, il balance :

"Voulez-vous entendre les Stone Roses ?" À la réponse enthousiaste de la foule, il répond: "Eh bien, vous auriez dû être ici il y a 15 ans, putain de salauds paresseux." En quelques mots il prédit ces tristes années 00's revival qui verra l' Indie innovatrice agoniser. Des mots anti nostalgique et revival aux conséquences gigantesques sur un (presque) vieux cons corrézien quand il tombera sur cette vidéo quelques mois plus tard. Jusqu' à décider de créer un blog plus tard.


POST SCRIPTUM

2005 à nos jours

Le successeur d' "Evil Heat" tardera à venir et prend l' apparence d' une douche froide. "Riot City Blues" c' est le pire de Primal Scream. Passéiste, sans imagination et caricatural. Même "Primal Scream" et "Give Out But Don't Give Up" sont meilleur que ce naufrage total. Guillespie et Innes optent pour leurs sales manies réac et leur carrière va bientôt s' apparenter à une pré retraite dorée. Le seul membre original du groupe avec Guillespie ,Robert "Throb" Young, quitte en 2006 le groupe suite à ses problèmes de toxicomanies. Les années de défonces et de tournées incessantes commencent à se faire payer pour tous mais si Innes et Guillespie deviendront progressivement sobre mais Young ne s' en sortira jamais et sera découvert mort à son domicile en 2014. Kevin Shields déjà sur le départ logiquement après ce retour au rétro Bluesy Rock reformera My Bloody Valentine en 2008.

Fidèles à leur mouvement pendulaire entre Passé-Présent les Primal Scream redeviennent un brin moderne avec "Beautifull Future". Malheureusement le songwritting est flemmard et la démarche de faire du bon vieux Rock neuf ne repose que sur la technologie de studio. Le curseur stylistique semble lui aussi en panne et révèle un groupe incapable d' aller vers des courants plus contemporains comme autrefois. Rendez-vous manqué avec le Dubstep qui à l' instar d' un Burial avait de quoi dialoguer sur la Nostalgie avec Guillespie. Un autre membre devenu important quitte le navire peu de temps avant "More Light" (2013) . Mani revient à la maison mère qui se reforme, The Stone Roses. L' univers artistique de Primal Scream s' en ressent fatalement et "More Light" voit le groupe opter pour un Néo-psychédélisme souvent acoustique étonnant. Retour aussi d' un certain discours politique mais sans aucunes mesures avec la radicalité de "XTRMNTR". Maggy Thatcher vient de mourir mais à quoi bon se réjouir pusiqu' elle a gagné et fait plein de petit (Macron). "More Light" reste un album intéressant et certainement leur meilleur depuis 2002. Suivra le très synthpop "Chaosmosis", ni raté ni réussit, ni à faire les mauvaises langues diront. Comme son vieil ami Mc Gee, Guillespie passera beaucoup de temps à surfer sur et entretenir la légende Primal Scream. En 2009-2010 le groupe joue "Screamadelica" au cours d'une tournée nostalgico-gaga avec le seul réel intérêt de voir Mani poser sa griffes sur ce disque qu' il n' avait pas enregistré. Et le résultat est bien sûr fantastique. Entre bio et documentaire, rééditions anniversaires à gogo, ressorties d' enregistrements pas toujours utiles, coups de gueule politique et peopolisation, Guillespie demeure omniprésent. Et le statut culte de Primal Scream et ses deux chefs d' œuvres, de grandir assez judicieusement.

"Honnêtement, j'ai senti que nous rachetions le rock'n'roll. Mais mon avis était que le rock'n'roll devrait être une expérience festive, euphorique et extatique. Haute énergie.Je trouvais que le rock était devenu trop intérieur et c'était peut-être un peu trop sérieux. J'ai senti que ce que nous faisions à ce moment-là était ce que le rock'n'roll devrait être, sauf que c'était moderne, c'était futuriste."

Bobby Guillespie au sujet de "Screamadelica" TOP ALBUMS PRIMAL SCREAM


  1. Ex Aequo, SCREAMADELICA & XTRMNTR (1991) & (2000)



2. VANISHING POINT (1997)








3. EVIL HEAT (2002)









4. LIVE IN JAPAN (2003)








5. MORE LIGHT (2013)









6. ECHO DEK (1997)








7. PRIMAL SCREAM (1989)









8. SONIC FLOWER GROOVE (1987)







9. BEAUTIFUL FUTURE (2008)







10. CHAOSMOSIS (2016)








11. GIVE OUT BUT DON'T GIVE UP (1994)







12. RIOT CITY BLUES (2006)

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