Ils sont vivants! On pourrait croire que j'en fait un peu trop par cette exclamation mais quiconque a suivi les pérégrinations toxicomanes et autres des Fat White Family depuis leurs débuts ne la trouvera pas de trop. Non seulement ils sont vivants mais en plus ils bandent. Si physiquement je ne suis pas allé voir et que certaines paroles sur le dernier disque en disent bien assez on va se concentrer sur l' aspect musicale avec le fait que l' intuition que ce groupe avait un petit truc en plus se confirment. Troisième album et meilleur album. Tout simplement. Un album sur lequel beaucoup devraient prendre exemple. Il me reste en mémoire la claque reçue un certain soir d' Août 2014 à Saint Malo. Je ne vais pas me répéter et je vous conseille d' aller reluquer ce que j' avais écrit à leur sujet à l' époque (ici). Comment en une simple succession de concert on pouvait comprendre ce qui clochait dans l' indie à guitare et malgré cela avoir un peu d' espoir pour la suite. En quoi le rock garage alors triomphant, via une de ses locomotives (Thee Oh Sees), pouvait se révélait d'un conformisme parfaitement ennuyeux et que celà ne se résumait plus qu' à un simple divertissement rétro-gaga sans de réelles remise en question de quoi que ce soit. Ce constat devenait donc encore plus évident quand une autre vision s' empara juste après de la scène. Les Fat White Family surgirent comme une apparition divine avec en lieu et place des apôtres des espèces d ' Happy Mondays version 2.0 et un Mark E Smith sérieux mais grandiloquent tenant le rôle messie. Il apparaissait clair que si un avenir radieux pour une certaine éthique tenant plus du "post-punk" que du rock bas du front et ce ,avec une certaine "classe", devenait possible, c' était du côté anglais qu' il fallait allait chercher. La Fat White Family devinrent de vrais héros et il ne faillit pas attendre longtemps pour que les Sleaford Mods emboîtent le pas suivi par une pelleté de groupe british (Shame, Idles etc etc).
Ca c' était en 2014. La suite du parcours de la grosse famille blanche fut comme l' on s' y attendait à une explosion en plein vol suivie d' une descente aux abîmes. Trop de drogue, de scandales, d' amour et de haine dans ce groupe. Une forme moderne de jusqu' au boutisme que n' aurait pas renié leur idole Mark E Smith. Les membres partaient de leur plein grès ou se faisaient jeter. Revenaient de temps en temps et parfois disparaissaient à tout jamais. Les deux têtes pensantes du groupe Saul Adamczewsky (le gars à la quenotte en moins) et Lias Saudi (le chanteur) n' y échappèrent pas avec l' addiction sérieuse du premier et les pneumonies en série du deuxième. En 2016 le deuxième album était symptomatique du bordel. Entre le sublime et le pathétique avec un accueil critique qui blessa Saudi. Un autre problème apparaissait encore plus visible. Une forme de décalage de plus en plus désagréable entre les prestations live, les déclarations d' intentions, la critique acerbe mais totalement justifiée de la concurrence (merveilleux dézingage des Arctic Monkeys) d' une part, et le passage au format discographique un ton en dessous par trop de conformisme sonore. Les promesses des prestations scénique à la force gigantesque qui mêlaient abandon jouissif et cérémonie de purification collective peinait à se retrouver dans "Songs For Your Mothers". Le talent et le fond plus que sérieux opportun laissèrent place aux travers vintage et rétro-gaga et nos sauveurs peinaient à sortir la tête de l'océan folklorique d' une scène en déliquescence néo-libéral où les niches stylistiques s' additionnent sans réellement se mélanger. Caractéristique symptomatique de ce terrible constat, si nous voulions le meilleur de Fat White Family, ce n' était pas sur leurs disques mais ailleurs qu' il fallait creuser. L' étroitesse d' esprit, la vision basse reprochées aux autres par Saudi et consorts étaient réellement combattues en brèche avec une vraie originalité mais hors de la maison Fat White. D' abord il y a eu Moonlandingz dans lequel Saoudi et Adamczewski fricotèrent avec la culture électronique et dancefloor du Nord et surgit ainsi un élément de la culture anglaise totalement caché chez la Fat White Family par les aspects psycho-rock et punk un peu trop omniprésents et franchement devenu normalité partout ailleurs. Le Glam Rock teinté ici de rétro-futurisme. Une réappropriation bien plus pertinente que le reste du troupeau revivaliste. Par la suite c' est Adamczewski et ce coup-ci le frêre de Lias Saoudi, Nathan, qui révéla une obédience et un savoir faire pop à faire pâlir les cul-serrés du garage rock. Les espérances de 2014 trouvaient avec ces deux projets une première et réelle satisfaction. Oui les types de Fat White Family pouvaient s' emparer du passé sans faire du revivalisme infertile. Etre à la fois jouissifs, acerbes et absolument perspicaces. Et même, même, innover! Et nous voilà arrivé en 2019. Si on veut parler d'un rock/post-punk anglais un brin politisé et populo et en grande forme les gens citent Idles, Shame puis les grands Sleaford Mods. Si les derniers sont au dessus les autres vont très vite se retrouver dans l' impasse revivaliste tellement leur propos est dilué dans un vintage balisé. Sauf si miracle. Et les Fat White Family qui avaient tant fait dans la genèse de cette nouvelle scène remisé à la case bête de foire sans avenir. Devenu un groupe attendrissant mais franchement à placer aux soins palliatifs. Des soins palliatifs ils s' en sortis! Londres abandonné et retour à Sheffield. Terminé les drogues dites dures, juste une petit régime d' herbes et de Kétamine. Nouveauté, le début de l' enregistrement de ce grand "Serfs Up" verra le petit frère Nathan taper un poil plus l' incruste entre les deux têtes pensantes. Adamczewski se pointant pile poile quand cela va devenir nécessaire. Tactique gagnante. "Serfs Up" éclabousse les précédents par son aspect raisonné et la très grande diversité de registres. Les Fat sont loin des junkies écervelés que l' on bien voulu ou qu'ils ont laissé faire croire. C' est même l' un des groupes les plus lucides politiquement et ouvert d' esprit en matière d'influences et d' expérimentations. Immédiatement les textures sonores révèlent avoir été méticuleusement travaillées et visiblement cela est du au fait que le plus jeune des Saoudi se soit pris de passion pour la technique électronique. L' électronique est la grande lauréate de ce disque et du changement stylistique. Entr-apperçue chez les les Moonlandingz Sheffield et son histoire marque encore plus profondément de son empreinte les 10 titres et ce, pas seulement en lien avec les machines.
Le single "Feet" est en un sens historique à l' exact opposé du culte psycho- rock garage des débuts. Parfois le spectre d' Human League ou de Depeche Mode apparaissent mais c' est surtout l' aspect métallique dans la production de "Feet" qui rappellera les géniaux Cabaret Voltaire. Suicide devenant l' évidente clé du passage de l'un à l' autre. Sur "Fringe Runner" on peut même apercevoir Gary Numan perdu dans le local de répétitions de la Family et tomber sur un vieux maxi 45 tours de S Express. Et qui dit électronique dit donc dancefloor. On a jamais autant dansé avec la Fat White Family. Bien évidemment le disco chez eux retrouve une forte odeur de stupre et de fornication et même l' Acid House est présente mais sous son plus mauvais jour, les sales lendemains matins en pleine descente paranoiaque. Si LCD Soundsystem faisait danser gentiment avec son revivalisme post-punk celui des Fat qui n' en est plus vraiment un fait danser, réfléchir et flipper grave par l' inconfort qu'il insuffle. Cet inconfort qui les différencie de tous, c' est la marque de fabrique des Family depuis leurs débuts. Cette musique est sans cesse infusée de parano, d' une ferveur malsaine et troublante parce que visionnaire et touchant toujours là où ça fait mal. Saoudi et les siens retrouve leur aura de Messie annonciateur de l' apocalypse disparue sur le deuxième album.
Sheffield toujours. Quand des cordes apparaissent ainsi qu' à d' autres moments il y a des petits côtés cinématographique,dandy et déchéance de ce triste monde que ne renierait pas pas le Pulp de "This is Hardcore". Bref, un petit je ne sais quoi quoi Gainsbourien. C' est à un point qu' immédiatement on en vient à penser que "Vagina Data" est une réponse perverse au dernier Arctic Monkeys lui aussi très Gainsbourg. Et Alex Turner de passer pour un gentillet dandy de pacotille face à un Lias Saoudi qui innove en chantant à la Marc Bolan plutot qu' imitant l' évidence française. Baxter Dury sur "Taste Good With The Money" n' a plus que le temps d'une tuerie glam d' enfoncer un peu plus le prétendu crooner des singes arctiques.
Le Glam est l' autre grand vainqueur du disque. Il dégouline de partout. Sur le titre déjà cité mais aussi d' une manière totalement inédite sur "Fringe Runner" par sa rythmique croisé à l' électro. Les batteries subissant un sérieux reliftage par couches succésive de réverbération, le Glam encore! L' aspect martial qui n' était que distillé à l' époque et bien sûr imaginaire Homo éclate au grand jour dans la musique comme dans le clip de "Feet". Et si finalement les Fat White Family s' était muté en enfant putassier d'un Slade qui a oublié de faire mouiller la petite culotte des adolescentes sur le plateau de top of the top. Pop ils en font mais je vous rassure, c' est une pop bien trop salace pour être multi-diffusée. Et tout autant étrangeament sur "Sebastian" via encore une référence appuyée dans le chant à Bolan croisant accidentellement les Beach Boys. Les Fat White Family offre donc leur meilleur album. Le plus concis. Le plus abouti. Mais pas seulement. Ce qu' il avait semé a dorénavant germé et s' est muté en un Post-punk à guitares plus qu' attendu parce que commençant sérieusement à se répéter en squattant toutes les rubriques de chronique du monde numérique. Voir pour cela la dernière petite sensation en date, Fontaines DC. Mimi, éfficaces mais totalement déjà entendue donc un brin inoffensif. Nos héros quant à eux regardent ailleurs et écrase la concurrence avec ce truc dont les autres ne savent plus vraiment ce que cela veut dire et signifie. L' expérimentation. Marque de fabrique suprême des originaux. Toujours un train d' avance et les suiveurs de récupérer les ébauches pour faire carrière. Avec talent ou pas. La grosse famille blanche confirme définitivement l' intuition d' Aout 2014. Ils sont par leur capacité à se remettre en question, à abandonner la niche stylistique et tenter de faire du neuf avec du vieux, le meilleur groupe anglais depuis les These New Puritans et Sleaford Mods dans un tout autre domaine.