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LA DEMENCE ET ALZHEIMER EN MUSIQUE, suite de l' oeuvre colossale et indispensable de Leyland Kirby


Cet article fait suite tout en reprenant une partie de celui consacré aux liens entre la maladie Alzheimer et la musique. Leyland Kirby poursuit son travail de longue haleine consistant en une illustration de cette pathologie par sa série "Everywhere At The End of The Time". Le chapitre 4 vient d' être publié et une nouvelle fois le fan de musique et l' aide soignant que je suis sont abasourdi par la qualité et la pertinence de l'oeuvre. A l' instar de cet article DWTN tachera donc de remettre à jour régulièrement sa chronique originale en fonction des futures suites de la série.

PETIT RAPPEL

Leyland Kirby se pose probablement comme des mieux placé pour tenter d' illustrer par la musique Alzeimmer et les démences qui lui sont affiliées. Ce nom vous l' avez déjà croisé maintes fois dans ce blog . L' an dernier cet artiste avait encore une fois droit aux honneurs de DWTN pour son magnifique "We, so tired of all the darkness in our lives". Alzheimer touche la mémoire et qui de mieux placé qu'un artiste affilié au courant Hauntologique. L' "Hauntology music", ce bidule "post-moderniste" qui tire son nom des travaux de Jacques Derrida, je n' ai de cesse de vous en parler et une fois de plus il ne peut qu'en être question. Il y a de solides et bien réelles passerelles entre la perte de mémoire liée à Alzheimer et la réflexion hauntologique. Ces musiques traitant de la nostalgie et des tours que cette dernière joue aux souvenirs quand nous sommes en quête d' un avenir qui ne s' est pas réalisé. Quand le présent devient dystopique. Mark Fisher parle quant à lui toujours au sujet de l' Hauntology d'une "confrontation avec une impasse culturelle. L'échec de l'avenir". Les pertes des repères et des souvenirs provenant d' Alzheimer ne représentent-elles pas également une impasse et l' avenir une notion bien évasive ? Les personnes atteintes "semblent" enfermées dans une vision courte au jour le jour. Si ce n'est pas de l' instant à l' instant. En apparence. Un hauntologiste refuse d' abandonner l' avenir en évitant le même travail bêta des copieurs revivalistes de tout poil. Il décompose la musique du passé, la transforme, la parasite. Il n'est pas "nostalgique", il utilise la nostalgie du passé pour critiquer le présent et tenter d' amener un avenir plus radieux. Kirby a une autre particularité et pas des moindres pour être le plus à même de décrire la démence et l' oublie. C' est un ancien aide-soignant justement.

Cela fait déjà pas mal de temps que le britannique Kirby a monté son projet The Caretaker. Rien que le choix du pseudo évoquait la mémoire et nos liens avec le passé, nostalgie et mélancolie. Référence au "Shining" de Kubrick et notamment aux dons de médium du mioche du film, un personnage susceptible d' explorer le passé. En 2011 avec " A empty bless beyond this world" il aborde une première fois Alzheimer avec tact et pertinence. Succés artistique et critique au rendez-vous.

Mais comment s'y prend-t-il pour évoquer cette maladie? Comme souvent et dans la grande tradition Hauntologique il utilise des références du passé. Ici ce sont des samples plutot que des instrumentations jouées. Sample des musiques jouées dans les bals anglo-saxons des années 20 et 30 dont on possède les traces par l' intermédiaire de 78 tours. Après en avoir déniché un certain nombre Kirby n' a eut de cesse de mettre en boucle certains titres ou extraits. Est arrivé ensuite l' un des éléments majeurs dans son travail et celui de ses congénères hauntologiques (Burial, Belbury Poly, William Basinsky). Le bruit de la surface d' enregistrement. Les fameux craquements des vinyles tellement symboliques du passé à l' heure du mp3 sont amplifiés et ce très progressivement jusqu'à prendre toute la place. Jusqu'à en faire disparaître la musique. Cette dernière est ici, comme justement dans le traitement des personnes atteintes, appelée à enclencher nos souvenirs. Mais, par le filtre de la maladie (les craquements, la déformation du son), la perte des sens s' installe jusqu' à atteindre le point de non retour symbolisé par un silence pesant et l'unique présence des craquements et de la tête de lecture du gramophone. Nous sommes sur le dernier sillon du disque , celui qui ne mène à rien si ce n'est qu'à lui même. L' impasse. La métaphore parfaite.

Avec ce travail méticuleux il réussit parfaitement à reproduire les procédés fragmentés et non probants de la mémoire atteinte d' alzheimer.

Depuis 2016 il va encore plus loin en affinant son travail avec la série "Everythere at the end of time". Cette série doit comprendre 6 parties et nous en sommes qu' à la moitié. Une fois terminée, The Caretaker sera appelé à disparaître selon les dires de Leyland Kirby. Chaque partie doit représenter un stade particulier de la démence précoce.

La phase 1 sortie en 2016 abordait les premiers signes de perte de mémoire. Il ne semble pas se passer grand chose sur ce disque comparé à "We, so tired..." sauf à quelques petits détails près. Des morceaux présent aux débuts reviennent à la fin, se répètent mais sous un autre titre. La personne chercherait-elle ses mots, leur signification? L' ambiance reste cependant plus radieuse, favorable. Nous ne sommes confrontés qu'aux bons souvenirs et aux grands moments de nos vies. Mais qu' advient-il quand nous ne sommes plus capable de favoriser ces "bons" souvenirs pour faire face aux difficultés de la vie quotidienne. Quand le puit s' assèche et qu'il ne reste plus que de la vase mémorielle à sucer pour subsister. Ce que l'on voulait oublié et qui devient l' ultime canne . Mais une canne prête à se briser et possédant une poignée truffée d' épines.

La phase 2 (Avril 2017) décrit une chose rarement abordée au sujet d' alzheimer et de bien d' autres démence. Quand la personne atteinte repère les premiers signes. Plus la mémoire s' efface et plus l' humeur devient négative. Le "black dog" de Churchill s' installe. La dépression précède le refus puis parfois l' acceptation attristée. Leyland Kirby commence à se lâcher sur cette phase en terme de rajout de sons aux samples et de manipulation. L' ambiance se noircit. L' heureuse nostalgie devient triste.

Arrive la phase 3. La plus manipulatrice et intéressante jusqu' alors. Et aussi la plus porteuse de promesses sonores quant à la suite de la série. Le brouillard s' installe définitivement. Les éclaircies dans le traitement du son de la précédente phase diminuent fortement. Les boucles se répètent plus fortement, le tempo ralenti fortement et de brèves accélérations viennent trahir de probable énervements dus à l' incompréhension face à un extérieur devenu inconnu.

La phase 4 qui vient tout juste de sortir marque un tournant majeur. Kirby explique qu' elle marque définitivement le passage dans la post-conscience. L' individu atteint n' est plus en mesure de mobiliser ses souvenirs les plus remarquables. Naissance, mariage, deuil. Il est à présent balloté mentallement par le désordre et la frayeur. Les dégradations cognitive sont devenues impitoyables. La musique dans ce quatrième chapitre n' est plus en mesure d' adopter une direction rationnelle. C 'est le spectacle sombre d' un capharnaum de réflexions déstructurées et d' émotivité indéchiffrable. Le ciel s' est irréversiblement assombri mais comme on le verra plus tard un rayon de soleil peut percer la couche épaisse de nuage à tout instant. On peut raisonnablement affubler cet ambiant fruit de collage sonores du terme de psychédélique. Kirby nous plonge irraisonnablement dans un vrai trip, mais un déchirant et très mauvais trip. La paranoïa et les crises d' angoisse remplace les délires euphoriques et les rèvasseries. L' atonalité prend le pouvoir et bien souvent cette musique crée un profond malaise à force de sonner faux. Les titres s' allongent marquant ainsi la perte de repère de la temporalité si caractéristique. La fuite en avant se poursuit donc dans cette 4ème partie qui persiste dans le réalisme documentaire en dévoilant par exemple ces petits miracles que nous pouvons constater au quotidien chez les personnes atteintes. Le titre "Temporary Bliss State" détonne par sa mélodie chatoyante et son semblant de luminosité. La suite, la phase 5 devraient être publiées courant 2018 et le projet se clore définitivement avec la 6 en Mars 2019.

Leyland Kirby aka The Caretaker par sa maîtrise et son talent offre une nouvelle fois une oeuvre gigantesque, tortueuse et absolument pertinente. Comme toujours avec lui l' auditeur se retrouve confronté à une musique à la fois simplissime dans les apparences mais aussi très difficile d' accès si le contexte n' est pas posé. Un projet de longue haleine, donc fatalement à contre courant de l'immédiateté et du zapping dominant. Un disque nécessitant une écoute très attentive et endurante mais certainement le plus abouti et le plus essentiels des travaux sonores sur ces pathologies que la musique nous a offert.

Petite mixtape d' à peine un quart d' heure tentant de résumer brièvement et maladroitement les nombreuses heures de musique du projet "Everywhere At The End of The Time" de Leyland Kirby. En plusieurs chapitres Kirby illustre l' apparition des premiers symptomes et l' installation définitive de la démence liée ou pas à Alzheimer. 1. "It's Just a burning memory" (Phase 1) 2. "Misplaced in time" (Phase 2) 3.The way ahead feels lonely" (phase 2) 4."Bewildered in another eyes" (Phase 3) 5."Libet's all joyfull camaraderie" (Phase 3) 6."Post awareness confusions" (Phase 4) 7."Tempory Bliss States" (Phase 4)

L'intégralité du projet est dispo par ici


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