La jouer fine et surtout pas en faire des tonnes en se contentant de glisser de brèves et discrètes allusions à cette micro hype anglaise (voir ici). Depuis plus d'un an la cas Shame avait le don de vriller les neurones de votre serviteur. Perdu qu'il était le vieux con grincheux face à ces guitares flamboyantes revenues de nul part. Deux singles, soit à peine trois titres, mais une putain d' énergie rédemptrices rarement croisée depuis des lustres. Il n' en fallait pas plus pour l' ancien fan d' indie anglaise à guitare de se frotter les yeux et se poser un million de questions existentielles. Shame, un mirage? Un miracle? Et d' abord, c' était quoi ce putain d' enthousiasme qui me prenait à chaque écoute? Le pervers effet anesthésique de la familiarité face à certains trucs mille fois entendus depuis mon adolescence? Putain, ça y était? A mon tour de tomber dans la sénilité nostalgico-gaga qui semble ne plus épargner qui que ce soit autour de moi? Une seule chose à faire. Attendre l' album. On en a vu beaucoup se vautrer sur le format long malgré de belle promesses scéniques et des avertissements sur format court. Les cimetières d' Angleterre en sont remplie de ces formations tentant de rallumer les vieilles mèches et finalement aboutir à un pétard mouillé (These Animal Men,Menswear,Art Brut,Crins etc etc).
"Songs of Praise" débarque et finalement faut bien enfin tomber le masque. Moi quadra, pourfendeur de la redite guitaristique, celui qui devant le moindre Demarco des fifilles ou le premier pseudo garageux bas du front se prenant pour l'inventeur du psychedelisme venus voit hérisser son poil d' exaspération et de lamentation, j' abdique. Shame est le premier disques à guitare à me foutre en l' air depuis belle lurette. Et si il faut chercher loin chronologiquement , 5 ans, géographiquement et dans un certains état d' esprit réellement contestataire et politisé c' est tout le contraire. Ce sont les voisins de mon dernier coup de coeur en la matière, The Fat White Family. Mieux, leurs squatteur de leur local de répétition à en juger la déclaration enthousiastes de la clique de Lias Saudi au sujet des gamins. Si Shame a l' accent du Sud Est de Londres comme leurs illustres prédécesseurs les jeunots prennent encore plus fortement des faux airs mancuniens. C' est la grande révélation du passage à l' album. Bien sûr il y a le phrasé à la Mark E Smith de The Fall. Bien sûr c' est du post punk mais...Mais il y a un petit machin qui change tout, le petit air de ressemblance qui titillera l' inconscience de ceux qui ont grandi à l' époque Madchester. Sans tomber dans le pastiche stylistique les Shame ne cessent d' évoquer d'une manière subtile les Stone Roses. Entre passion viscérale et innocence mêlées à une réelle lucidité et une forte tendance à la raillerie. Mais attention, pas la simple machine à groove et à hédonisme baggy que certains veulent uniquement voir par nostalgie et embourgeoisement chez Ian Brown et compagnie. A chaque instant les Shame semblent être prêts à foutre le feu aux bagnoles dans les rues (réécoutez "Made Of Stone").
Une autre ombre traverse ce disque et différencie Shame de la cohorte des autres apprenties post-punk. On l' a retrouve dans les paroles et l' art d' éructer de leur charismatique chanteur Charlie Steen. Ce gamin d' à peine 20 balais est déjà appelé à devenir une figure de la scène indie de la décennie. Il explose tout sur son passage et Shame lui doit beaucoup au point de renvoyer des types comme les gentils et déjà trop vieux Protomartyr à leurs études. Steen avec ses dons de prédicateurs fouillant dans les profondeurs des âmes tourmentées par un prisme résolument politique et sociale donne l' effet que l'on se retrouve en 2018 face à une espèce de Nick Cave né et grandi dans les banlieues anglaises qui n' a jamais ouvert une bible de sa vie et surtout très peu écouté du blues. Le fort mimétisme avec l'icone australienne qui fait parfois grimacé chez les Iceage est évacué par la lads attitude. Shame redonne à la branllitude et l' arrogance anglaise ses lettres de noblesses bien trop caricaturées et surjouée depuis Oasis et Blur. Steen est encadré par des potes musiciens qui, si ils évoquent aussi The Birhtday Party, ne tombent pas non plus dans la chausse trappe vintage bluesy-garage à la con. Trop anglais encore une fois et malin pour ça. Laissons ça aux crétins ricains ainsi que leur communautarisme stylistique. Les Shame en surprendront plus d'un avec leur trouvailles provenant aussi bien du post punk Wire avec le grand art de pigmenter leur rage punk d' envolée pop (le prog viendra plus tard), de l'indie des origines et sa sentimentalité (Television Personalities) que du psychédélisme pour stade mais toujours sobre des Echo & The Bunnymen. Le dernier titre rappellera aussi certaines clôture d' album de l' ère Britpop.
Shame est toujours à la limite de se vautrer dans le pilotage automatique et le fayotage nostalgique du revival post punk des 00's des Editors, The Rakes et Interpol. Mais Shame a ce que ces formations avaient perdu de vue comme d' ailleurs l'ensemble de la scène indie depuis trop longtemps. Comme je l' écrivais au sujet des prometteurs Hotel Lux, Shame est la plus parfaite des suites à donner aux deux miracles populos anglais de ces dernières années, The Fat White Family et les Sleaford Mods. Si musicalement on est encore dans la redite il y a tout ce qu'il faut en puissance et authenticité pour que cela ne débouche pas sur un pastiche nostalgique infertile coupé de notre réalité.