L'une de nos trop rares fierté nationale, Philippe Hallais aka Low Jack, revient à peine un an après son fantastique "Lighthouse Stories" (voir par ici). Sous son vrai nom il délaisse ses légères velléités dancefloor de 2016 pour un retour à ses amours indus et sa techno noisy franchement plus expérimentale. Pour les curieux de musique "urbaine" nouvelles pas ou très peu de trace de footwork ou de Gqom dans "An American Hero" mais en cherchant bien ils peuvent toujours tomber sur une de ses mixtapes géniales dans lesquelles brillent son flaire et sa grande ouverture d' esprit. Ce grand pote de Dominick Fernow (Prurient/Vatican Shadow) offre avec son deuxième album publié chez les importants Modern Love un véritable Ovni ambient et noise se révélant être un choc affectif pour quiconque osera s'y aventurer. Les glitch vous assaillent, vous interpellent et vous interrogent sur un rythme lent que ne renieraient pas ses collègues de Modern Love, les Demdike Stare et Andy Stott. Comme tant d' autres Hallais a été cherché dans les poubelles sonores de notre époque pour mieux nous la dévoiler. Et plus précisément évoquer la place prépondérante et invasive du sport par l'intermédiaire des médias dans notre société du spectacle. Notre breton dit avoir été subjugué par la chaîne spécialisée dans le sport vintage, ESPN. Mais vous pouvez tout autant aller regarder d' autres émissions spécialisées traitant du sport contemporain et collant à l' actualité, certaines pratiques se sont généralisées conférant à ce machin son rôle de divertissement des masses bien pratique pour certains. Il y a notamment repéré une des caractéristiques principales du traitement médiatique des sports , le storytelling ad nauseam. Certains avant lui avaient vu dans la couverture médiatiques de certains sport comme la version mâle et adulte des sitcoms pour ménagères de tout âge et des contes pour enfant. Dans "An american hero" il retourne ce storytelling contre ses auteurs en passant par la parodie ou la tragédie et en usant d'une électronique futuriste amenant à la dystopie. Il met à jour tout ce que ce traitement pseudo journalistique cherche à cacher mais qui explose à notre vision quand on daigne prendre un peu de recule, sentiment de puérilité, de crédulité et de cynisme. Selon lui ces documentaires "Réduisent la vie de ces athlètes de haut niveau à un conte générique, les transformant en imitateurs de leurs propres vies par l'utilisation extrême du montage, du ralenti et des thèmes musicaux." Hallais le reconnait lui même et les vidéos réalisées par Ethan Assouline accompagnant ce disque le montrent tout autant, dans cette critique de l' amérique et de son rapport avec ses héros sportifs et le role que l'on veut leur faire jouer. Il y a quelque chose du Twin Peaks de Lynch. Les nappes de synthés rappellent Badalamenti quant à l' esthétique des images, l' attention aux souvenirs cheap que sont les vieux trophées exposés dans le salon familiale ou cette jeune fille en plan fixe, l' évocation est plus que claire. Mais si l' étrangeté de l'univers Lynch et de Badalamenti restent fortes dans les esprits le temps a quelque peu fait son oeuvre et Hallais permet d' aller encore plus loin dans l' anormalité grace à la modernité dont il fait preuve et par les territoires sonores inexplorées qu'il semble découvrir. Au point de se révéler être, malgré ce que laisser entendre le qualificatif d' expérimental, un des plus grands chocs émotionnel sur disque en cette déjà bel et riche année en la matière (Arca entre autres).
Les vidéos d' Ethan Assouline sont dispo ici: http://www.an-american-hero.com/
Et quelques mixtapes