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Trish Keenan, Broadcast

SLOWDIVE, retour gagnant et shoegaze moderne.


L' annonce de leur reformation pour une série de concert il y 2 ans n'avait pas contrairement à beaucoup d' autres l' amer goût du passage à la caisse futile et nostalgique. Plutot l' impression qu'une injustice allait être réparée tant ce groupe a toujours bénéficié d'une côte d' amour forte mais peu partagée. Faut dire que l'histoire s' était clôturée en 95 dans la douleur, les regrets, la frustration et l'incompréhension. La presse, une partie du publique jusqu'à leur leur propre label en voie de révolution culturelle Britpop forcée (Creation de Mc Gee) ne leur firent pas de cadeau jusqu' à accélérer le processus de séparation. Ce retour sous les projecteurs poussé par un inespéré statut culte acquis au fil des années chez les plus jeunes devait être dégusté et même favorisé. Je les avais vu pour l'occasion à la Route du Rock et certains petits détails en disait long sur les traces du désamour et même au delà jusqu'à illustrer par exemple certaines petites hypocrisies de l'indie version français. Citer alors le nom de la formation revenait à un excellent détecteur à certains faussaires post-overground, ceux apparus accidentellement dans le petit monde indie après les succès Oasis/Blur et Radiohead, des supposés amateurs de musique plus en quête de travestissement sociale et culturel que par passion innocente. Vous savez bien de quoi je veux parler cher amis quadras, ceux dont le bagage culturel et musical ne se résume qu' au sommaire des Inrocks, le magazine qu'il fallait lire pour passer pour un type cultivé aux yeux des autres. 20 ans après le manque d'imprécation et de curiosité de certains se faisait encore sentir comme le prouva leur méconnaissance de Slowdive.

Slowdive demeurèrent donc dans mon esprit comme dans celui de certains autres les gros cocus de l'histoire shoegaze en terme de popularité et de reconnaissance artistique. Et ce, dès les débuts. Bien accueilli au début Slowdive mangea deux fois plus que les autres quand l'heure fut venu de la mise à mort du style sur l'hotel du Grunge et de la Britpop. Si My Bloody Valentine étaient les dieux créateurs et Ride les beaux gosses VRP de la cause alors Slowdive furent les trop discrets aventuriers et penseurs du machin. Les premiers a avoir suffisamment de recule pour pouvoir faire aller plus loin un genre possédant déjà en lui un solide potentiel d' explorateur. Slowdive depuis toujours est la synthèse absolue de ce qu' était ce courant. La douceur et la mélancolie éthérée des voix, l'influence gothique Cocteau 4Ad et le soupçon Tee-pop de Sarah Records d'une part et les montées et les attaques noisy des guitares mêlées aux pédales d' effets, l' héritage indus, punk ...bref Jesus and Mary Chain d' autre part. C' était aussi et surtout probablement par leur réflexion et leurs expérimentations ceux qui tiraient le mieux les liens étroits entre le genre et les influences moins évidentes pour le premier quidam venu. Ceux qui dévoilaient ce que Kevin Shields et son esprit trop torturé et enfumé peinait à montrer avec My Bloody Valentine. Plus posés donc que la grande gigue Shields leur musique permettait ainsi de mieux comprendre d' où venait cet art suprême du travail sur les textures. On ne remerciera jamais assez le shoegaze pour son rôle de cheval de Troie efficace au sein du rock et des autres courant franchement rétrograde sur certains sujets. D' avoir placer l' art des textures au même niveau que celui du songwriting et de l'instrumentalisation classique sans parler de l'enregistrement (le studio participe au songwriting) et de la composition de morceaux (d' abord jammer ensuite coller et écrire). Le non-musicien autant pertinent si ce n'est plus novateur que le musicien virtuose ou confirmé. "Pygmalion" sorti en 95 c'était à la fois la preuve évidente de l'influence d'un Brian Eno et de l'ambient première période (le passé) mais aussi le point de raccord avec son présent, la scène électronique alors en plein essors. Les ambiances de ce disques rappellent beaucoup certaines présentes dans les premiers Aphex Twin par exemple. Le shoegaze étaient avant tout un courant ouvert sur le reste du monde musicale contrairement à ce que l' impression de replié sur lui même et rêveur aurait laissé pensé à l'image de ces bandes de guitaristes le regard braqué sur les pédales d' effet. Un truc de curieux expérimentateurs ouvert d' esprit et certainement pas une niche stylistique à l' esprit étriqué pour une certaine population en quête de cocon ghétoïsant rock ou pop ou encore punk.

Quatre après le "MBV" de qui vous savez et juste avant le redouté retour des Ride (option Britpop réac ou shoegaze réac ? Bell ou Gardener?) qu'en est-il du shoegaze de 2017 qui voit revenir Slowdive sur disque ? Si le genre semble bien vivant par le nombre de formations revivalistes et si il est dorénavant accepté comme un courant influent il faut avouer qu'il apparaît trop souvent sous l' apparence d'un hibernatus que l'on décongèle de temps en temps au risque que ça sente le faisandé (Diiv). Entendez par là un courant mutant cultivé hors sol , un genre n'innovant qu' en se reposant trop souvent sur son énorme héritage. Si le shoegaze se traduit encore en terme de nouveauté ce n'est pas par lui même mais par son utilisation parcimonieuse avec d' autres genres. Par citations ou réflexe pavlovien, la dream-pop de Beach House, le prog des Kairson Irse ou le black métal des Deafheaven ou Alcest sans parler du post-rock. My Bloody avec MBV avait pourtant bien fait progresser le schmilblick mais c'est resté lettre morte du côté des revivalistes indie et leur quête débile d' authenticité chimérique; sauf bien sûr du côté de certains électroniciens appréciés par ici. Slowdive par ses actes passés et ses particularités décrites plus haut avait tout pour rééditer l' exploit de "MBV".

"Slowdive" est une réussite totale et comme d' habitude avec eux un disque intelligent, expérimentateur, sensible et pas tapageur pour deux sous. Les Slowdive évitent surtout le piège revivaliste en délivrant un shoegaze renouvelé. Ils ont beau être parmi les instigateurs du genre ça ne les a pas empêcher la remise en question et mieux, de s'inspirer de tout ce qui succédé à leurs glorieux faits d' arme "Souvlaki" en tête. Ce "Slowdive" est une véritable leçon de vie pour musiciens vénérés sur le retour dans sa façon de s'être nourri exactement de ce qu'ils avaient influencé voir engendré. La machine à rêves éthérée qu' étais leur shoegaze a subi bon nombre de versions, de relecture tel Beach House, les Slowdive laisse le dédain et la jalousie du vieux con aux autres et vont chercher justement le producteur du duo américain. De même pour les murs de guitares et les montée de sèves bruitistes les développements d' Alcest, Jesu et autres se font sentir dans le Slowdive 2017. Ils sont pleinement conscient de l' âge du machin et ne vont pas chercher les même recettes pour faire plus "vrai", ils savent que ça ne pourra pas le faire comme autrefois. Délaissant l' authenticité illusoire on les voit ainsi s' amuser avec toutes sortes de logiciels sur leur laptop. Chose impensable pour les gogos revivalistes et leur culte des outils vintage. En matière de songwriting il en est de même. Neil Halstead n' hésite pas à changer les façons d' autrefois alors que d' autres vétérans sont incapables de tenter la moindre nouveauté (Grandaddy par exemple). Des changements de rythme surprenant et bluffant de réussites semblent être devenu une de ses nouvelles marottes. Halstead démontre surtout son immense talent d' écriture et qu'il est bel et bien l'un des songwriters les plus sous-estimés des 90's. Comme autrefois les Slowdive tissent des liens et dévoilent les ingrédients de la potion magique. Les guitares évoquant tant Durutti Column remettent au premier plan l' esprit Post-punk qui soufflait encore fortement fin 80's début 90's. Les intros et certaines transitions quant à elles portent bien le seau du prog-rock via certains procédés. Procédés et filiation moins facilement identifiables dans les oeuvres de jeunesse shoegaze. Si Schield a souvent parlé de Psychédélisme et de Pink Floyd c'est bel et bien chez Slowdive que l' évidence King Crimson/Fripp apparaissaient. Le temps a fait son oeuvre sur les voix d' anges mais intelligemment Halstead et Rachel Goswell semblent en jouer habilement et s'y être parfaitement adaptés en recherchant de nouvelles pistes. Etrangement l' utilisation des synthés et le recours à certaines sonorités 80's retravaillées numériquement (probablement) évoquent le proto shoegaze et ses nappes des A.R. kane dont DWTN vous a déjà tant parlé*. De toute manière la ligne tracée entre le jeu et le son de Fripp, celui de Viny Riley et ceux de Ar Kane très vite observée devient avec ce disque l' une de ces petites histoires de techniques d' abord secretes et peu connue totalement fondamentales dans la Grande Histoire du rock(* Merci aux Slowdive pour la possibilité de se replonger en cette année anniversaire dans les débuts de ce blog pour ceux qui ne connaissaient pas AR Kane, par ici). Mais si en plus des trouvailles et expérimentations nouvelles il y a bien quelque chose qui n' était pas présent en 91 et encore moins chez les héritiers c' est bel et bien les trouvailles et la maîtrise des Slowdive en matière du jeu clair-obscur. Pas tapageurs, plutot tranquilles et sûr d' eux dans cet art du contraste les Slowdive offrent une majesté et une affinement rarement vus même pendant l' âge d'or au point de tout simplement faire pâlir tous les autres cadors du genre. Uniquement dans d' autres styles ceci s' était vu à un tel niveau(électro, jazz et classique) mais en matière de rock indie on touche les sommets et les débouchées s' annoncent prometteurs. Même dieu lui-même avec ses apôtres, Schields et My Bloody Valentine peuvent retenir la leçon.

Bref vous l'aurez compris, le dernier Slowdive est l' anti-vieux con shoegazer et faussaire overground absolu. Certaines formations reformées ont encore le jus nécessaire peut-être parce que dès les origines elles étaient au dessus du lot avec leur vision de la musique avant gardiste sans compromis ni en faux-semblant. Slowdive après My Bloody prouve que ce genre de par cette nature avant-gardiste avait en lui toute la force et les moyens pour se renouveler. Au moment où d' autres reformations, pathétique ou sans intérêts à par nostalgiques, prouvent l' infériorité et les limites d' autres visions moins aventurières, l' art du recyclage facile (LCD Soundsystem ) ou celui de la synthèse à l' efficacité et pertinence temporaire (Grandaddy), Slowdive et le shoegaze se posent comme l' une des plus belles et importantes histoires de la musique contemporaine. Au delà du petit monde rock et indie.


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