Que j' envie ceux qui ne connaissent pas Grumbling Fur. Ceux qui vont tomber un beau jour sur l' enchaînement hallucinant qui entame leur tout dernier album. Ceux qui vont se retrouver complètement désorienté face à ces mille et une idées, sensations et frissons en tout genre. Ceux qui vont tremper leur lèvres dans la coupe remplie d'une potion préparé par une sorcière cachée dans une foret épaisse et sombre de la perfide Albion. Et puis non. Je ne les envie pas tant que ça quand ils vont s' apercevoir qu'ils ont loupé auparavant trois autres disques formidables qui présageaient ce joyau psychédélique moderne. Psychédélique post-punk!
Grumbling Fur c' était précédemment dans DWTN
Ce monstre de "Molten Familiar" bien plus compliqué qu'il n' en n'a l' air ne doit pas résumer le dernier album. Cet album n' est pas facile à caricaturer comme un énième hommage. Trop de délicatesses et de trouvailles. Trop de réflexions et de culture. Les rares initiés des Grumbling Fur savent bien que leur carrières ne peut être réduite à de simple recopieur de l' age d' or pop psychédélique britannique. Les 60's sont leur terraux mais le post-punk et ses expérimentateurs est le solide tuteur de cette plante hallucinogène. Alexander Tucker et Daniel o'Sullivan savent bien que le psychédélisme ne se résume pas à quelques pédales et du fuzz avec l' emprunt maladroit d'un once de Sun Ra afin de masquer un songwritting bas du front. Les références qui viennent à l' esprit sont bien plus originales que les sempiternelles lubies résumable en une dizaine de disque croisées chez d' autres. Ici il n'est pas que question de guitares. Penguin Café Orchestra fréquente Stéréolab, Faust et Arthur Russel rencontrent Moondog. On est de toute façon dans un autre monde que les naïfs Tee Oh sees et consorts et leur musique dictat pour les auditeurs. Rien que lorsque les anglais définissent leurs objectifs: “songs are about including the process in the finished piece and spontaneous ideas are laid down and a structure starts to emerge from this source” Encore une fois avec eux on est bouleversé par la concision limpide de ce "FurFour" faite de mélodies déconcertantes et enchanteresses. Des bien bizarres mélodies se pointant au détour des courbes d'une composition ondulante et mystérieuse. Chez eux les "défauts" semblant être des erreurs deviennent les gages de l' envoûtement. Cette sensation d' inexactitude, ce ne serait-ce pas une trace des "stratégies obliques" de Saint Brian Eno? On ne peut que penser au bonhomme chauve tellement cette pop psychédélique évoque également celle du bonhomme. Et puis il y a aussi cette volonté affichée de laisser à l' auditeur toute sa liberté d' interprétation. Si leur imagination est sans borne celle des auditeurs va y être encouragée face à leurs multiples couches sonores faites de samples. Découvertes et surprises à chaque écoutes pour l' heureux voyageur dans cette musique teintée d' ésotérisme que Coil ou Current 93 ne renieraient pas.
La subtilité des Grumbling Fur vient aussi de la richesse de leurs goûts et de leur culture liée à une ouverture d' esprit sans borne. Par exemple au détour de "Acid Ali Khan" non seulement on s' aperçoit que la synth-pop peut être bien sûr profondément psyché et que Tame Impala n' a rien inventé mais qu'en plus du Depeche Mode psyché, ça le fait franchement! Plus on s' enfonce dans ce graal psychédélique plus on s' aperçoit de la multitude de genre musicaux et de techniques susceptibles d' entrer dans cette recette de sorcière. Les pédales d' effets et le fuzz à tout va ne sont pas dogmatiques. On peut aller voir ailleurs. Drone, orchestrations classiques de la pop 60's ou dub (Sun Arraw l' avait aussi démontré) côtoient l' expérimentation acoustique ou électronique. Certaines expérimentations à la guitare peuvent d' ailleurs détonner par leur senteurs d' amateurisme et de simplicité face aux pseudos virtuoses du garage déjà cités. Comme si des non-musiciens jouaient avec les instruments de Kevin Parker et John Dwyer. L' héritage post-punk démocratique des This Heat et leur volonté de faire jouer les "non-musiciens" est évident vers la fin de "FurFour" avec en prime la présence de l'un des anciens membres d' une des formations les importantes de l' histoire britannique.
Les Grumbling Fur démontrent encore une fois leur savoir-faire en matière de textures sonores et des libertés qu'ils prennent avec. Une autre présence prouve le talent en la matière, celle d' Isobel Sollenberg de Bardo Pond. C' est dire que le carnet d' adresse des fans du groupe est riche. Et si on rajoute leur collaboration passée avec les Sun o))) alors on se rend compte que ce groupe ne plait pas à n'importe qui et que ce n'est pas pour n'importe quoi.
Comme avec le précédent "Preternaturals" Grumbling Fur démontre encore une fois que le mot pop peut être synonyme d' étrange et d' expérimentation sans que cela paraisse vieillot. Leur songwritting parfois timide s' affirme et éclabousse de sa classe celui des scribouillards psychédéliques enfermés dans leur garage dogmatique.