En cette rentrée c' est la bonne surprise en provenance de Domino Records. Premier album et belle petite réussite permettant à l'un des papis des label indépendant de coller un petit peu aux nouveaux sons actuelles. Très loin de l' indie à guitares de ses débuts. L' hyper-réalité tant aimée par ici c' est tout neuf chez Domino . Peut être aussi chez les afficionados du label. Motion Graphics offre ainsi à eux aussi de raccrocher le wagon du train de la contemporanéité.
Je ne peux pas m' empêcher de vous raconter deux cocasseries histoire de bien poser les enjeux et ce que représente comme signe d' espoir la présence de ce disque dans le catalogue d'un label féru de musique aussi vieille que lui. Il y a quelques semaines au volant de mon véhicule j' écoutais distraitement une radio locale. Une sorte de rock indie mêlant tout ce que les 90's ont produit dans le genre était diffusée. Les genre de truc que Domino aurait signé fort classiquement. Bref, rien de vraiment passionnant. Jusqu'à ce que face à l' ennuie provenant du manque d' originalité musicale ce sont les paroles qui attirèrent mon attention. Il était question d' un jeune homme qui avait merdé avec sa copine et qui se lamentait de ne pas pouvoir trouver une cabine téléphonique pour recoller les morceaux. Plus loin dans la chanson il exprimait sa colère face au refus du tenancier de son bar préféré de lui passer quelque cents pour utiliser ce coup-ci la cabine du-dit lieu de cuite. Pas une fois il a été question de téléphone portable ni d' e-mail. A la voix du chanteur il était évidant qu'il avait à peine 20 ans et la production même lo-fi trahissait la jeunesse du disque. Je fus pris de rire et aussi d'un certain malaise. Il existe encore des jeunes en 2016 qui n' ont pas de portable. Et connaissent pas l' ordi avec internet? Le hic, on pourrait penser qu'il s' agit d'un type refusant la modernité et certains de ses travers, le hic donc, c' est qu'il n' en était nullement le cas. Au travers des autres paroles on comprenait que l' auteur parlait tout simplement des affres de l' amour dans son quotidien de 2016 sans exprimer un quelconque refus de la modernité. Et pourtant. Ce décalage limite comique si pas franchement embarrassant pour son auteur exprimait bien un refus de vivre avec son époque. Attitude tout de même surprenante mais aussi limite inquiétante pour l' avenir. Donc des gamins de vingts ans préfèrent vivre dans le passé en faisant une musique du passé plutot que changer la donne? Cet cocasserie me rappela une autre similaire survenue quelques mois plus tôt. Ce coup-ci on était dans un énième disque de garage-rock. Je ne sais plus quel était le sujet mais il s' agissait toujours de la description du quotidien par un groupe à peine plus vieux que le précédent. Et toujours question de communication téléphonique. Cette fois-là le personnage avait un téléphone. Ouf, il a pas utiliser le service du télégramme. Enfin ouf pas longtemps parce que la chanson incluait un sample de cadran téléphonique que perso (j' ai 42 ans), je n'ai plus entendu depuis 20 ans. Le bon vieux cadran rond que l'on tournait pour faire le numéro. Le comble du comique arriva quand le téléphone sonna. La tout aussi bonne vieille sonnerie stridente. Et encore plus drôle, les paroles expliquait que l' appelant préférait le son de la voix (la vieille quête futile d' authenticité du garage-rock) qu' aux e-mail. Le sujet de la chanson n' était absolument pas le goût du vintage face à ce monde qui nous dépasse. Et pourtant. Comme le précédant la chanson trahissait l' attitude Autruche de ses auteurs. Repli total involontaire. Trop influencé par les groupes du passé adulés, tous ces gamins avaient trop voulu faire comme sans y mettre un peu d' eux même. Donc de leur époque. Le danger du revival dans toute sa splendeur. Je vous invite à chercher car depuis ces découvertes les anachronismes de ce genre ne cessent de sauter à mes oreilles. Déjà que faire du garage-rock en 2016 est un anachronsime artistique si en plus le quotidien décrits ne colle pas avec la réalité alors autant jouer et en rire.
Joseph Williams, aka Motion Graphics a déjà derrière lui une longue carrière sous le pseudo de White Willams débutée avant 2010. Donc bien plus vieux que les artistes cités plus haut. Lui aussi parle du quotidien 2016 mais les anachronismes sont absents. Les sons venus du quotidien sont symboliques de la vie numérique et robotique. Pas de bonnes vieilles guitares ou ampli à lampe chez lui. Le software est l' instrument de base. D ' autres plus "classique" sont présents également. Instruments à vent de toutes sortes mais certainement traités à la production avec le numérique. Motion Graphics s 'inscrit tout naturellement dans l' hyper-réalisme mis en avant par tout ce que DWTN défend depuis sa création. Mais si tenter de faire apprécier la vaporwave, James Ferraro, Oneohtrix Point Never ou Arca par exemple, au premier indie-boy venu, jeune ou vieux, un peu coincé dans le passé analogique et acoustique, dépendant de format plus direct question songwriting pop ou rock, c 'est loin d' être gagné. par contre ce disque se révèle être une passerelle parfaite pour s' acclimater au son de l' hyper-réalité. Les glitchs, bruits robotique et consorts sont ici mêlé à des sons "plus musicaux". Une mélodie lancinante, appaisée, est toujours facilement reconnaissable et donne le sens à suivre à l' auditeur malgré l' habillage un brin abstrait. On est également loin du tabassage sonore et de la profusion de stimulis numériques en tout genre exprimant l' afflux massif d' informations. L' ambiance est franchement plus calme et moins anxiogène pour ceux qui débarquent des temps lointains. Le choc moins rude. Même un ayatollah de Tweee Pop peut craquer. Si le passé est présent c' est un passé symbolique de progrès et de modernité dans le quotidien en son temps. Yellow Magic Orchestra et bien sûr Art Of Noise. On associe aussi et de tout temps à la modernité la clarté des sons, l' aspect sophistiqué de la composition. Un courant le symbolisait bien dans les 80's. Si vous étiez moderne sans passer par la surenchère tel Jean Michel Jarre et ses synthés hors de prix il y avait bien un truc pour vous plaire. La Sophisti-pop des Prefab Sprout, Blue Nile ou d' It's Immaterial. Et pourquoi pas, le Roxy Music d' Avalon. Motion Graphics en est un digne héritier tant il partage avec les illustres aînés un goût prononcé pour le jazz. Attention, il ne s' est pas borné à la recette facile d' associer deux époques sans trop se prendre la tête. C'est d' abord fait subtilement. Tout ce que l' électro nous a offert comme pop ou autre ces trente dernières années pointent son nez. Un titre comme Anyware" avec l' utilisation des voix et les sous-entendus de la rythmique évoque le footwork. Alors vous l' aurez compris que pour raccrocher au wagon rien de tel que Motion Graphics. Pas d' anachronisme mais plein de pépites sonores modernes permettant de mieux appréhender ce présent tant anxiogène et de se préparer pour le futur.