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Trish Keenan, Broadcast

Farai, le post-punk façon NON Worldwide rappellant tant Massive Attack et l' avant glaciation n


Le frisson est là! Mais pas n'importe lequel. Ce satané putain de frisson ressemblant autant à un cri de guerre que d' amour. Un cri à la fois terrorisant et jouissif. Réconfortant et encourageant pour partir au combat. Son nom c' est Farai. Artiste originaire du Zimbabwe résidant à Londres. Plus qu'une simple énième découverte musicale comme tant d' autres que le flot massif de sortie nous apporte. Elle semble ainsi répondre à la question de l'omniprésence rétro souvent abordée dans ce blog et ce au travers d' un lien tissé entre deux périodes. Farai mais aussi la lecture d'un livre qu'un heureux hasard a mis entre mes mains récemment. Un livre racontant l' histoire d'un des plus grands groupes de la musique. Groupe auquel on ne peut que penser en écoutant la belle. Massive Attack.

Farai parait à mes yeux entamer la même démarche que certains autres dont il a été question par ici. Des Rustie, Lorenzo Senni, Oneohtrix Point Never ou Ariel Pink pour la faire vite. D'une certaine manière Farai tente consciemment ou pas de réponde à la question : Quand ça a merdé? Quand ça s'est arrêté? ça s'est mis à patiner? Et une fois la réponse trouvée de poursuivre en apportant une solution au problème posé. "Vers la fin 90's ça a chié semblerait-il? . Depuis c'est revival et vintage à gogo! Soumission et fatalisme. Ok, alors reprenons juste avant pour pouvoir repartir sur de bonnes bases". Sa solution semble être un énième retour en arrière mais différent de celui opéré par tant de gaga nostalgiques dans la musique. Cela peut paraître illogique, critiquer l' arrêt de la course du temps et le recours au passé systématique pour se plonger à son tour dans une période donnée. S'en imprégner fortement et la recracher. Tout dépend peut-être quel époque, quel musique, quel endroit, quel classe sociale on se réfère. Les objectif et les motivations de la démarche? Je vous ai justement déjà parlé ici à propos de l' Hauntologie et de sa différence avec la rétro nostalgie repérée par Adam Kesher. Les Ariel Pink, Oneohtrix Point Never se mirent à fouiller les poubelles de l' histoire mainstream et underground pour réécrire le futur et le présent. A leurs yeux c' était plus propice que les sempiternelles même références du musée musicale institutionnalisé. Farai semble en être une autre version. Une version plus directe! Et sans passé par la case poubelle de l' histoire. Mais peut-être par le placard de l'histoire ou certains entreposent les belles choses qu'il n' osent, influencé par les modes, ne plus porter.

Beaucoup tissent des liens entre 2017 et les années trente. Montée du faschisme face àux "crises" économique et politiques . On sait comment ça c'est fini et entre perte de mémoire des uns et le déni des autres une grosse majorité opte pour un illusoire arret du cours du temps. Pour d' autres, une minorité semble-t-il, c'est 1917-2017 et notre siècle n' a réellement commencé avec ses bouleversements que depuis quelques mois. Comme si la fin du précédent et le début du 21ème siècle semble s' être apparenté à une pause malencontreuse de l' histoire sous la domination d'un truc terrible dans bien des domaines. L' apparition de Farai semble bien vouloir signifier un peu de ça et pour elle la marche de histoire se gela donc vers 96-98 au moment même où un groupe de Bristol tenta de changer le cours des chose à grand coup de brassage culturel et musicale. Le néo-libéralisme s' est abattu sur le monde et gela tout progrès et changement possible en s' accaparant la mondialisation. En infiltrant tout. Et la musique n' y échappa pas sous la forme d'une glaciation rétro recouvrant toute forme de nouveauté et d' expérimentations originale. Il y a aussi un sentiment âpre et ténu qui s' était emparé de moi depuis quelques années et qui vient de ressurgir grace à Farai et les écrits de Mélissa Cheram sur la clique de 3D. Le grand brassage culturel symbolisé par Massive et Bristol s' est-il pas un peu évaporé pendant l' ère nostalgico-glaciaire? L' approche de la musique, et particulièrement en France, ne s' est-elle pas franchement un peu teinté de cloisonnement hypocrite et masqué au cours de cette glaciation? Ma découverte des titres de Farai mélée à la piqure de rappel qu'est le livre de Mélissa Chemam me donna l' impression qu' un long et ennuyeux chapitre prenait enfin fin et que l'on se retrouvait ainsi au point de départ.

Venons-en à Massive Attack et le moment juste avant que ça gèle selon ce que Farai évoque.

1998

Bien sûr il y eut d' abord "Unfinished Sympathy" et "Blue Lines" en 91. 1991, année surchargée de choc musicaux mais curieusement, ce n' était pas ma première rencontre avec la clique de 3D qui semble avoir laissé le plus d' impact sur moi. Mais bel et bien l' effroi et le plaisir ressenti au printemps 98. Comment se remettre de "Mezzanine". Mon préféré et pas que pour des raisons purement émotionnelles. La chaleur trip hop rencontrait la glace indus-New Wave grace à la magie du sampling. Que ce passe-t-il si on trempe le sabre rougeoyant de la colère tout juste sorti de la fonderie dans la rage glaciale faite d' azote liquide à moins 500 degrés. Massive Attack par le mélange des genres et des clans me retourna. Jamais je ne remercierai cette formation et leur ville de Bristol pour le shoot d' ouverture d' esprit qu'ils m'ont injecté. Pas d' oeillères ou de niche stylistique, depuis le Pop Group, en passant par Tricky et Portishead c'est une marmite de genre où aucun ingrédient, aucune classe sociale, aucune race n' y a pas sa place. Tout y était le bienvenue. Toutes les musiques et les cultures. Bristol? Aussi important que Manchester et Berlin. Point final et toute discussion devient intutile. Automatiquement au cours de mes lectures au sujet de Massive Attack et de sa ville dans mon esprit une autre rencontre du chaud et du froid s'y est associé. Peut être parce que sa découverte date aussi de ce fichu printemps 98 et aussi parce qu'à y regarder de plus près bien des points commun la reliait à Mezzanine. Une autre forme de crossover stylistique et culturel parfait. Et pourtant le disque dont il est question ne semble pas bénéficier à tord du même prestige que "Mezzanine". Les témoins peuvent vous le dire, votre DWTN n' écoutait que deux disques en ce printemps-là, Massive Attack et ..."How to Operate With a Blown Mind". Hein quoi! hurle le néophyte. Oui oui, "How to Operate With a Blown Mind" et surtout "Vision Incision". Hein quoi? De qui?. Lo Fidelity All Stars. Formation affiliée au courant Big Beat mais aussi étiqueté Skunk Rock . Un truc de journalistique pas si faux que ça dont le nom était une référence à la fumette. DWTN est tombé dedans comme dans le trip hop bristolien. Avec les Lo Fidelity il y avait aussi les Regular Fries et les Campag Velocet. Certains ont voulu caricaturer en les définissant comme un regrettable retour de flamme madchester mais il y avait là un contenu politique, une fraîcheur et un goût pour la diversité bien plus important et pertinent que ce qui suivra. Raillé et très vite mis au rebut leur crossover pas si débile que ça . Le trip-hop représenté par Massive Attack n' y échappa pas non plus. C' était devenu has-been et il faut aller fouiner dans la presse musicale et les premier sites pour tomber nez à nez avec un ras le bol sous jacent chez certains. Comme si cela avait été une overdose forcée. Un trop plein de trip hop et ce dernier finalement qu'un simple effet de mode passager avec certes de grands moments mais franchement lassant. Mais bon dieu que le produit faisait du bien et franchement il était bien moins nocif que les tendance revivalistes et égogentriques amenées par la Britpop. Lassés donc, certains se vautrèrent dans le revival rock des Strokes et compagnies. Avouez qu'ils avaient une bien curieuse façon de lutter contre la lassitude en choisissant le déjà vu. Mais c' était plus complexe et plus vicieux qu'un simple repli sur soi assumé en société. Le culte du passé maquilla ce qui n' était qu'un retour en arrière et si les mariages mixtes furent accepté on peut se demander si ce n' était pas ceux uniquement déjà célébrés.

2017. La rage et la colère froide sont toujours là. Le Néo libéralisme dogmatique et sa course à la compétitivité suicidaire continuent la prise d' otage des cerveaux. Le mur contre lequel nous fonçons approche encore plus vite. Le désastre écologique s' amplifie, la haine et la peur de l' autre règnent partout sur fond du désastre économique qui n'est rien d' autre que son terreau. Les même maux semblent s' être surmultipliés et ce qui semblait n' être que des lubies de gauchistes utopiques aux yeux de certains en 98 deviennent des évidences. Au mur terrifiant certains à la vue courte répondent par d' autres murs illusoires et meurtrier. Le rêve de l'union européenne fagocité par le Néo-libéralisme s' écroule et se retrouve nez à nez la crise des migrants. Avec l'individualisme forcené et l'isolationisme qu'il a créé.Tout ça Massive Attack l' avait prophétisé dès 95. Réécoutez "EuroChild" ! Regarder cet Eurochild qui a voulu se goinfrer sur le dos des autres et qui à présent se voit imposer des cures d' austérité et les autres frappé à sa porte pour réclamer leur du. Pas un hasard non plus si Massive Attack reprend ce vieux titre dès l' annonce du Brexit. L' isolationnisme en musique il est aussi bel et bien là. Mais d'une manière bien particulière. Beaucoup parlent des anciens mariage mais se révèle totalement hermétique aux nouveaux.

Un collectif semble répondre à "Eurochild" d'une façon très directe 22 ans après. Je vous en ai maintes et maintes fois parlé tant ses publication et son activisme sont devenu au fil des mois via de sacrées remises en question une bouée de sauvetage musicale, politique et morale. C'est donc une nouvelle fois par Non Worldwide que m'est venu la beauté, la joie et le sursaut. Une nouvelle fois ce collectif basé sur la diaspora africaine brille par son flaire, son ouverture d' esprit stylistique et son importance. Après les sud africains de Faka et bien d' autres NON offre au monde Farai. Son premier titre "The Sinner" présent sur cette putain de compile essentiel qu'est "NON Worldwide Compilation Vol.1" avait déjà bien des similitudes avec la clique du nord de l' Angleterre Lo Fidelity. Similitudes qui ne m'ont pas sauté aux oreilles tant la compile était si riche en nouveauté et en diversité. Ce flot de brassage stylistique à nouveau novateurs. La diaspora africaine se réempare des influences américaine et européenne plus blanche. Un retour de boomerang salvateur. Comme 3D qui écoutait The Clash, du post-punk puis du hip hop pour enfin brasser tout ça dans Mezzanine. Comme les Lo-Fidelity tapant autant dans le funk, le ska et le disco des blacks que l' électro post-Madchester et le rock des prolétaires anglais.

"Lion Warrior" apparu vers janvier marque un virage important dans l'oeuvre de Farai. Elle s'est trouvé un nouveau compère de jeu, Tone.Ce dernier lui apporte une certaine sobriété et simplicité. Au début ça peut ne pas vous le faire. Sentiment de retrouver la même recette facile repérée chez TV on The Radio ou plus récemment Algiers et Light Asylum. Mais assez vite la recette s' avère ne plus être une liste d' ingrédient facilement maîtrisable par le premier cordon bleu venu. Les incantations paraissent décuplées. 20 ans après le terrifiant "Mezzanine" des Massive Attack ce titre semble à la fois avoir été fait au même moment dans un studio voisin puis via une faille temporelle s' être imprégnée de notre époque contemporaine . De la réalité prophétisée par "EuroChild". Les ressemblances sont troublantes et touchantes. Seule différence, la concision désarmante offert par les faibles moyens et les rares outils de Farai et Tone. Pas de corde symphonique ici de même que pas plus de mur shoegaze façon Tv On the Radio méthodiquement construit en studio. "Inhale Exhale" semble quant à lui avoir été bricolé sur la même boite à rythme rachitique chopée chez Easy Cash que celle des deux héros lads, les Sleaford Mods. Sa montée glaciale et étouffante, le travail sur la voix, c 'est exactement le même truc que les Lo Fidelity. Quand l' Afrique rencontre l' angoisse et la déprime du post-punk froid c'est à une catharsis jubilatoire et revigorante. On retrouve ça aussi dans le Gqom, ces nappes de synthé qui plombent et enveloppent la chaleur de la rythmique ou du chant ici.

​Claque du jour? Une journée qui risque bien durer une délicieuse éternité.


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