Pour ceux qui ont loupé les premiers épisodes je vous conseille vivement d' aller voir par ici et de réécouter cette tuerie monstrueuse qu'est "Valorians"
Nos chers finlandais sont de retour deux ans après leur magnifique premier album "Ujubasajuba". Une nouvelle fois, face à leur musique et l' effet qu'elle procure en 2017, on est amené à se demander si le prog-rock n' est pas le meilleur antidote à tout ce qui pullule et monopolise l' attention dans la sphère indie. Toutes ces choses se revendiquant underground/indie mais réellement enfants de l'overground le plus vicelard. De l' underground mainstreamisé avec tout ce que cela sous-entend. Imagination en berne, niche stylistique, passéisme, refus de toute expérimentation nouvelle, conformisme du "bon goût" érigé en dogme et appétence prononcée pour le commercial et l' hédonisme facile faussement rebel. Bref, la musique parfaite pour apéritif dinatoire. D' autant plus que l'histoire a tendance à se répéter. Rappelez-vous le souffle de fraîcheur des enfants du prog-rock qu' étaient le post-rock de Tortoise ou le "OK Computer" de qui vous savez après l' avalanche de classicisme de la britpop ou du grunge post Nirvana. Le troisième album des Kairon Irse va-t-il nous apporter les réponses définitive à leur sujet? Alors, pastiche habile ou oeuvre foncièrement personnelle? Marche en avant ou retour dans le passé? A la fin de leur récent "Ruination" nous en sommes toujours au même point qu'en 2014. Charmé, troublé, intrigué, parfois dubitatif ou agacé mais en définitive conquis parce qu' étrangement rassiasé. Cela devait être moins le cas puis que l' effet de surprise devait être éliminé tant ils étaient guettés, attendus au tournant. La surprise est encore là une odeur de mystère persiste. Ceci en partie du à leur choix courageux d' accentuer les façons prog-rock, d' assumer tout en de passant ce vieux genre à la machine à laver temporelle avec tous les risques de décolorations que celà comporte. Et ils y vont franco sur la décoloration. Comme avec le précédent c' est bel et bien à un exercice prog que nous sommes confronté mais un prog post... post-rock!!! Post 70's mais aussi post indie-music des 80's et 90's. Les finlandais sont ainsi passés maître dans l' art de faire cohabiter le lyrisme prog avec l' immatérialité shoegaze, la grandiloquence avec la simplicité "do it yourself", et même si le shoegaze semble cette fois-ci moins visible il n'en demeure pas moins l' ingrédient essentiel à cette réussite. Cette façon de faire se retrouve aussi sur les traces de jazz communément rattachées au prog originel. Le saxo évoque Ornette Coleman mais aussi Sun Ra pour l' afro-futurism et le tout post-...Bowie ! On pense au Bowie de Diamond & Dogs, au Bowie de Berlin (celà vaut aussi pour les synthés) et même parfois au tout dernier Bowie de "Blackstar". Parfois ça en devient troublant parce qu'utiliser les références historiques devient franchement casse gueule pour décrire cette musique. Signe ostentatoire de nouveauté s'il en est. L' intro de "Sinister Waters I" tant caractéristique de Fripp et de King Crimson peut tout autant être l'oeuvre d'un fan du féru de delay qu'est Kevin Parker de Tame Impala. Ce dernier a compris depuis bien longtemps que pour charmer avec du prog il fallait surtout ne pas le dire et un peu tricher sinon c' est débandade les mains sur les oreilles des neuneus "bon goût".Le refus de choisir sa niche et la vision large de ses auteurs rendra "Porphyrogennetos" indéchiffrable aux possesseurs d' oeillère. Ca commence comme les sempiternelles vocalises dream pop des groupes "Pitchfork" (Fleet Foxes, Grizzly Bear) toujours pas remis du tricotage d'un Johnny Marr. Du tricotage Smithiens on transite à celui de Tortoise après la classique passage sentimento-Christine-Bowinien-Berlinois. J' oubliai. Juste avant d' évoquer Tortoise les Kairon vont faire fuir les tenancier du "bon goût" avec une bonne vieille charge de guitare démonstrative et lacrymale en provenance du métal et de l'opéra rock. "Sinister Water II" quant à lui opère inversement. D' abord sentimento-proto-synthétiseur puis immédiatement le gros rif dégoulinant à vous faire porter un moule burne métallisé comme David Lee Roth de Van Halen. Le tout se finissant par une sorte de feu d' artifice Flaming Lips qui ont chouravé les cordes d' Oasis ou The Verve. Nos finlandais préférés m' évoque une sorte de Hauntologie un brin involontaire. Une sorte de relecture du passé tout sauf foncièrement réac, passéiste. Une version nordique-slave d' un ...Ariel Pink ! Oubliez la culture pop 80's et 70's, le goût des guitares éthiopienne ou du lo-fi de ce dernier. Les Kairon Irse l' ont remplacé par leur propre culture musicale, le bouillon dans lequel ils ont grandi, jusqu'à frôler la caricature des des vikings guitaristes. Heavy metal, rudesse, testostérone mêlée à une androgynie (non faussement surjouée ici) et passion pour les sciences occulte même si le satanisme semble absent ou fantomatique. Sans tomber dans l' exercice chiantissime de virtuosité ou dans l' impasse des musiciens qui s' écoutent un peu trop jouer les Kairon nous offrent des mélodies, des surprises, des montées et des tours de passe bien pop sans non plus devenir un produit facilement consommable, interchangeable et jetable. Si ils ont des défaux c'est peut-être bien ceux vont de paire avec leurs qualités décrites plus haut. Quand bien même s' agit-il de "défauts". Des groupes comme Kairon Irse seront toujours essentiels, vitaux! Avec leur sales manières grossières, leur "sale" et large érudition, ils vont mettre à mal les manières vicelarde des pseudo civilisés du bon goût "indie" mais tant réac et cynique en définitive. Ils vont leur plomber leurs apéritifs dinatoire en rendant tous les convives muets parce qu'à l' écoute de la musique diffusé et plus du tout à celles des hôtes. Foutre en l'air les apparats et les postures sociales et culturelles adoptés en fonction de l'ambiance musicale et de l' approche mercantile et comptable que nous offrent certains faussaires.
Pour conclure on ne peut que le redire. Face à Kairon Irse on ne sait toujours sur quel pied danser. Passéisme, vintage ou modernité et fragile innovation. Cette suite de choses hyper référençable apparemment grossièrement assemblée puis finalement troublante par son non-conformisme naturel et revendiqué.